Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié, lundi 30 septembre à Stockholm, les premiers résultats de son cinquième rapport sur les effets du réchauffement sur la planète. De manière générale, le groupe a revu ses révisions et prédit une forte montée de la température au cours des décennies à venir. Celle-ci pourrait, en effet, grimper jusqu'à 4,8 °C d'ici à 2100 et le niveau des océans pourrait s'élever de près de 1 m. «C'est une confirmation mais aussi un renforcement des diagnostics précédents», a déclaré au Monde Jean-Pascal van Ypersele, vice-président du GIEC qui a, en réalité, revu ses prévisions à la hausse par rapport à son rapport datant de 2007.
La région méditerranéenne et l’Afrique du Nord seraient particulièrement touchées par ce phénomène. D'après le goupe d'experts, la hausse de température pourrait atteindre en moyenne 0,4 à 2,5°C entre 2046 et 2065, et même monter de 3 à 6° sur la période 2081-2100, en particulier au Nord de l’Afrique. «Cette région se trouve dans une zone climatique dite de transition, c’est-à-dire qu’il n’y fait ni chaud, ni froid», explique à Yabiladi le docteur Mohammed-Said Karrouk, professeur de climatologie à l’Université Hassan II et membre du GIEC. «Cette zone a toujours été caractérisée par la sécheresse. C’est pour cela que la rareté de l’eau y est fréquente», ajoute le climatologue.
«Le Maroc doit faire face au retour de l'eau»
Cependant le groupe d’experts a constaté, ces dernières années, une évolution défférente du phénomène. «Nous avons observé depuis des vagues de chaleur brèves, mais sévères, souvent suivies de précipitations… On a désormais, même au Maroc, une alternance intra-saisonnière de chaleur et d’humidité», explique M. Karrouk.
Il estime que le «grand défi» du royaume, aujourd’hui, est de faire face au «retour de l’eau». «La sécheresse ne représente pas un danger pour le Maroc, car nous avons appris à gérer l’absence de l’eau. Par contre, nous ne savons pas encore nous y prendre quand il y a abondance», dit le climatologue. Le docteur Karrouk rappelle que le souvenir des inondations vécues en 2009 «est encore dans les esprits». D’après lui, ce genre de phénomène pourrait se répéter à plusieurs reprises dans les années à venir. «Il va falloir pouvoir gérer cette situation, car à terme, cela a des conséquences interactives sur le milieu écologique, animal, végétal,... et même humain», relève-t-il, soulignant que la santé des hommes peut être mise en danger.
«Ce n’est pas le réchauffement climatique qui cause les inondations»
Les avis du groupe d’experts de l’ONU ne sont cependant pas partagés par tous les scientifiques, encore moins au Maroc. «Les conclusions du GIEC et les idées qu’ils font prévaloir sont plus politiques», lancent d’entrée de jeu Abderrahman El Harradji, professeur à l’Université Mohammed 1er d’Oujda et spécialiste de la géographie physique.
« Ce n’est pas le réchauffement climatique qui cause les inondations», affirme le professeur. Le premier problème des inondations provient des pentes. Quand les précipitations ne peuvent être correctement redirigées vers les canaux d’évacuation [ou vers la mer, ndlr], c’est à ce moment qu’il y a inondation». Cela révèle également le problème de «l’urbanisation mal réfléchie», relève-t-il.
Le scientifique se souvient d’un projet d’urbanisation auquel il a participé, à Tanger, en 2001. Il était, à l’époque, consultant pour le compte d’un cabinet. « Après étude, j’avais désigné certaines zones inhabitables, dans mon rapport, en raison du risque d’inondations. Les responsables du projet m’ont appelé pour explications, car ils n’y croyaient pas, estimant que ce n’est jamais arrivé et qu’en plus, c’était des lieux de vie (habitations, commerces, …). Je leur ai dit que cela finirait certainement par arriver tôt ou tard». Le projet a suivi son cours, mais en 2008 la ville a été ravagée par des inondations.
Quand on parle aujourd'hui des conséquences du réchauffement climatique sur le Maroc, le docteur El Harradji estime que «s’il y a à avoir peur, c’est de l’activité humaine ainsi que de la passiveté de l’Etat. On n’arrive pas encore à maitriser l’exploitation des ressources. Actuellement c’est le libre-service. Chacun fait ce qu'il veut, comme il veut».