Une exposition est d'ailleurs consacrée en ce moment à son travail à l'Institut Français de Casablanca, des créations qui sont connues et d'autres qui sont totalement inédites. Son œuvre la plus célèbre est certainement la théière Koubba qui est actuellement exposée avec d'autres travaux de la Galerie Enrico Navarra à Art Paris Abou Dahbi.
Hicham Lahlou c'est aussi un emploi du temps chargé et un travail qui finit toujours par payer. Il collectionne les prix. Deux de ses collections ont décroché le label de l'Observeur du Design 2009, un rendez-vous incontournable qui récompense et réunit les créations les plus remarquées du design mondial. Il a également participé à Arabia Expo à Moscou où il a exposé une nouvelle version de sa théière.
Mais le designer ne s'arrête pas là. Il travaille actuellement sur de nouvelles créations pour des marques internationales telles que des montres, des baignoires haut de gamme, du mobilier urbain mais aussi un hôtel. Rien que ça.
Entre deux coups de crayons, Hicham Lahlou répond aux questions de Yabiladi.
- Yabiladi : Comment avez-vous décidé de devenir designer et architecte d'intérieur ?
- Hicham Lahlou : J'ai une passion pour la création depuis tout jeune, elle me vient certainement de mon goût pour les belles œuvres, l'Histoire et l'histoire de l'art. J'observe tout ce qui m'entoure, c'est souvent un détail anodin qui va m'inspirer et me pousser à créer des choses. J'ai fait mes études à Paris à l'Académie Charpentier et je suis rentré au Maroc quasiment dans la foulée. Le design était véritablement une « terra incognita » à l'époque.
- Quelle est la situation actuelle du secteur du design au Maroc ?
- Le design au Maroc est un secteur encore très neuf. Nous n'avons pas connu de révolution industrielle comme cela est arrivé en Europe donc nous n'avons pas du tout la même histoire ni la même réflexion sur le sujet. Le design au Maroc est apparu pour d'autres raisons et à travers d'autres démarches. Ici, nous avons un artisanat très fort et très ancré dans notre tradition. Je dirais que le design est né d'une nécessité, celle de donner un nouveau souffle à notre création millénaire. Le Maroc s'est toujours illustré dans l'art de vivre, l'art de recevoir, la décoration d'intérieur, le goût des belles choses, le design avait indéniablement sa carte à jouer dans cette tradition du raffinement. C'est ce que j'ai très vite pensé dès la fin de mes études et c'est ce qui m'a motivé pour venir exercer au Maroc.
- Quelles sont les différentes étapes nécessaires pour créer un objet design et aussi combien ça coûte de créer ?
- Comme l'édition n'est pas encore généralisée au Maroc, je finance la plupart des objets que je fais fabriquer c'est-à-dire les prototypes. Si je devais produire la totalité des objets que je dessine, je serais déjà ruiné car c'est relativement onéreux, dépendamment du fait que les prototypes nécessitent la fabrication d'un moule, de la matière première, aussi de la main d'œuvre et du temps passé dessus. Il faut faire des choix. Pour le reste, je les conserve précieusement dans mes cartons à dessin en attendant qu'ils intéressent un jour peut-être un industriel. L'un des objectifs du designer est d'être édité afin de permettre à des entreprises d'être plus compétitives, la collaboration entreprise designer est nécessaire, et c'est ce qui est mis en avant à l'Observeur du Design 2009. J'ai de nombreux partenaires et collaborateurs dans quelques pays, j'ai fait le choix de m'entourer d'un faible nombre de personnes, je tiens vraiment à m'entourer de gens passionnés et sincères qui ont envie d'aller de l'avant.
- Le Festival International du Film de Marrakech vient de se terminer, vous avez crée des cadeaux qui ont été offerts aux personnalités du festival, quels sont ces cadeaux justement ?
- Effectivement, j'ai très récemment créé un porte verres dont le design plait beaucoup. C'est un objet que j'ai créé avec les artisans de Fès, des artisans au savoir faire exceptionnel. Quand j'ai créé cette pièce, l'artisan n'était pas franchement « emballé » par ce modèle et se demandait s'il avait une quelconque chance d'être vendu et s'il en fabriquerait d'autres. Ce modèle a par la suite fait un petit périple en dehors du Maroc, il a été exposé à Moscou parmi d'autres créations marocaines. Je n'ai pas eu la possibilité de partir là bas mais l'on m'a rapporté que ce modèle a été tellement bien accueilli que tout le monde en voulait. C'est aussi le cadeau qui a été choisi pour tous les membres du jury du Festival du Film de Marrakech cette année.
- On a l'impression quand on voit votre parcours que vous êtes plus connu à l'international qu'au Maroc, pourquoi cela ?
- C'est vrai même si je suis quand même très populaire dans certains milieux au Maroc. Peut-être parce que la place que l'on donne au design au Maroc n'est pas encore très grande comparée aux autres pays. Chez nous, le design n'est pas tout à fait considéré comme un secteur stratégique même si quelques décideurs en ont compris les enjeux.
Et puis dans d'autres pays surtout, la création est hautement considérée, les droits rattachés à l'image, la paternité d'un objet ou encore les droits de l'auteur sont tellement importants que les designers ont un statut privilégié et que leurs œuvres sont respectées. Au Maroc, faire valoir son image et faire respecter ses droits de créateur c'est une bataille de tous les instants.
Je dirais aussi qu'à l'étranger l'approche n'est pas la même, le design côtoie des secteurs tellement stratégiques et importants qu'il finit par servir une cause nationale, on voit souvent les politiques mettre en avant les plus grandes figures du design aux côtés des plus grands chercheurs, architectes, professeurs de médecine, artistes, grands patrons etc. Cela participe au rayonnement culturel et économique. Ce n'est pas tant le renom que tel ou tel designer peut avoir qui fait la différence, mais plutôt la portée de ses actes et l'influence que ses créations vont avoir. Mais ma plus grande récompense, c'est de retrouver ma photo découpée d'un magazine et affichée près du comptoir chez l'épicier du coin, chez le photocopieur ou encore dans la médina chez un artisan que je ne connais même pas.
Pour plus d'infos : www.hichamlahlou.com