Pour le site d’information Amazigh World, «seuls les arabes et les français ont le droit de s'identifier aux nouveaux billets de banque». Ce sentiment est en effet partagé par une bonne partie de la communauté amazighe. Dans une lettre ouverte adressée à Abdelatif Jouahri, l’Association Azmza pour la culture et le développement appelle le Wali de Bank Al Maghrib (BAM) à respecter la constitution de 2011 en intégrant des inscriptions en langue amazighe sur les nouveaux billets de banque bientôt mis en circulation.
2 ans après, toujours rien
En effet, le dossier de presse rendu public par BAM la semaine dernière, contient des illustrations de chaque billet comportant des inscriptions en arabe et en français uniquement. «Cela fait maintenant deux ans que l’amazigh est considérée comme une langue officielle au Maroc. Depuis lors, c’est la première fois que la Banque du Maroc émet de nouveaux billets de banque. Et elle le fait sans tenir compte de ce changement constitutionnel», regrette Rachid El Hahi, président d’Azmza, joint par Yabiladi. «Notre revendication est légale», se défend-t-il.
Rachid El Hahi et son équipe ne sont pas les seuls à penser ainsi. L’association Anazour, bien que n’étant pas signataire de la lettre partage entièrement la position de sa consœur. Son président, Nacer Azday, confiait à Yabiladi cet après-midi qu'une loi existe et qu'elle devrait être appliquée. Même son de cloche pour le militant, écrivain et chercheur défenseur de l’amazighité, Ahmed Assid. S’adressant à la presse arabophone, l’homme n’a pas manqué de souligner que les autorités «enfreignent les dispositions de la constitution».
«Tous les symboles de l’Etat doivent porter la langue amazighe»
L’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) qui juge l’attitude du gouvernement incorrecte, soutient ces réclamations. «Les nouveaux billets devraient porter des inscriptions en amazigh au même titre que l’arabe et le français», affirme à Yabiladi le vice-président, Abdelilah Benabdeslam, soulignant la légitimité de la lettre de l’association Azmza. «Il faut que les autorités marocaines respectent leurs engagements vis-à-vis de la langue amazighe. Il faut une égalité entre les langues», a-t-il ajouté.
D’après Ahmed Assid et Nacer Azday, cette revendication ne s’arrête pas uniquement aux billets de banque. Tous les symboles de l’Etat devraient porter des inscriptions en langue amazighe, estiment-ils : les billets de banque, les pièces de monnaie et même la carte nationale d'identité, le passeport de l'État, des timbres-poste ainsi que l'hymne nationale. «Cette langue aux côté de l’arabe est celle des institutions», affirme M. Assid ajoutant que sa présence sur les symboles de l’Etat devrait être automatique. A noter que l'Assemblée mondiale amazighe reproche également au Maroc le non-respect de la constitution dans ce domaine.
«Politiser» la question ?
Les associations n’ont pas l’intention de s’arrêter à ces simples réclamations si rien n’est fait. Pour Rachid El Hahi, accepter «l’éviction» de la lanque amazighe du domaine bancaire et monétaire, c’est l’accepter dans tous les autres domaines. «S’il le faut, nous pouvons penser à recourir à d’autres moyens légaux pour revendiquer», dit-il.
M. Azday, quant à lui, pense déjà «passer à une autre vitesse». «Il faudrait politiser la question de l’amazigh. C’est seulement de cette manière que les choses évolueront», dit-il, estimant que les méthodes classiques ne fonctionnent plus. Le responsable associatif appelle à une plus grande pression sur les autorités pour qu’elles respectent enfin leurs engagements.
De son côté, Bank Al Maghrib est «au courant» de ces revendications, nous atteste une source proche du dossier sur place. Mais jusqu’à la publication de notre article, l’institution n’avait toujours pas donné suite à notre demande d'entretien.