Menu

Grand Angle

Islamophobie en France : « On ne va pas saigner des vaches, comme au siècle dernier, pour faire plaisir à une minorité »

Début mars, le maire d’Arveyres, en Gironde, décide de retirer de ses cantines les repas de substitution principalement dédiés aux élèves juifs et musulmans. Ce lundi, on apprend que la mairie de Châteauroux veut faire de même pour ses cantines, estimant qu’il était désormais plus possible de «saigner des vaches comme au siècle dernier, pour faire plaisir à une minorité». Laïcité ou islamophobie ? Le débat est relancé. 

Publié
Ph : 20minutes.fr / Illustration
Temps de lecture: 3'

«Tant que je serai maire, il n'y aura pas de viande halal dans les cantines. On ne va pas saigner des vaches, comme au siècle dernier, pour faire plaisir à une minorité». La déclaration est signée Jean-François Mayet, sénateur et maire UMP de Châteauroux. Dans cette commune, située dans l’Indre, en région Centre, il ne sera désormais plus possible d’avoir un menu réservé aux élèves de confession musulmane ou juive, dit «spécifique», dans les cantines scolaires, si ce n’est pour une raison médicale, rapporte ce lundi 25 mars, par laNouvellerépublique.fr.  La décision devrait être confirmée ce soir, à l’issue d’une réunion des élus du Conseil municipal dont l’objectif est de voter pour une modification du règlement intérieur de la restauration scolaire.

«Le personnel de service et d'encadrement est régulièrement mis en cause par des parents d'élèves tenant des propos revendicatifs, voire menaçants. Depuis quelques années, un certain nombre de familles demandent des menus spécifiques pour leurs enfants, sans raison médicale. Il y a notamment des demandes pour la viande halal, de la part d'une association cultuelle», a ajouté le maire. Jean-François Mayet précise, toutefois, qu’il y aura «toujours un plat de substitution quand la viande de porc est au menu», indique la même source.

Il y a la loi et la méthode

La nouvelle intervient une semaine après la décision de Benoît Gheysens, maire d'Arveyres, une petite commune située en Gironde, de supprimer les menus de substitution des cantines scolaires, évoquant un problème de gaspillage alimentaire. «Du point de vue de la loi, il n'y a aucune obligation de prendre en compte des exigences alimentaires d'ordre religieux», explique Florent Boudié, député PS de la 10e circonscription. «Maintenant, il y a la méthode, et là, on ne peut que regretter le manque de concertation. Le maire d'Arveyres a mis fin à un consensus qui fonctionnait parfaitement depuis quinze ans dans sa commune. Et ce manque de discussion aboutit maintenant à de la récupération politique de la part de l'extrême-droite», ajoute-t-il.

Benoît Gheysens, qui n’a jusqu’à présent pas d’étiquette politique, a, en effet, rapidement été soutenu par le Front national, le considérant «victime de groupes de pressions communautaristes ultra minoritaires». «Ces pressions sont une démonstration supplémentaire de la volonté de non intégration de certaines populations qui cherchent à imposer leur us et coutumes à la France, dont l’identité chrétienne est bafouée par tous les partis politiques», écrit le parti de Marine Le Pen dans un tract distribué sur place et titré «Seul le Front national défend les Français et leur culture».

Plus difficile qu'il y a 20 ans

Pour Nacira Guénif-Souilamas, sociologue et anthropologue, également maître de conférences à l'Université Paris 13 et auteure de «La République mise à nu par son immigration», il y a vingt ans de là, le fait de ne pas manger le porc à la cantine ne posait aucun problème à la République. «Aujourd'hui, en France, il est plus difficile de ne pas manger de porc à la cantine qu'il y a 20 ans. Une situation qui ne posait aucun problème auparavant est devenue gênante», estime-t-elle dans une tribune publiée le 21 mars, chez Le Plus du Nouvel Observateur.  «On le voit bien dans les études qualitatives commandées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme pour compléter son rapport : 55% des Français estiment qu’il ne faut pas faciliter l’exercice du culte musulman en France. On peut y ajouter cette enquête de l'Ipsos du début de l'année révélant que 74% des Français jugent l'islam comme étant "intolérante et incompatible avec la société française», rappelle-t-elle.

Et de poursuivre : «Du coup, on dénie aux musulmans, entre autres, le droit de manger selon la règle de leur religion et ce au nom de la laïcité. Celle-ci, entendue comme principe de gouvernement et non comme idéologie menacée, n'implique pourtant aucunement de telles mesures. Quand on connaît en plus l'importance des pratiques alimentaires en anthropologie et la place centrale qu'elles occupent dans la construction du bouc-émissaire, on ne peut qu'être atterré».

Outre les «pratiques alimentaires», le port du voile dans les milieux scolaires fait également polémique depuis quelques jours, après que la Cour de cassation ait décidé d’annuler le licenciement d'une employée de la crèche Baby Loup qui avait à l’époque refusé d’enlever son hijab. Selon un récent sondage, commandé par I télé et publié par Le Parisien, 86% des Français sont pour une loi interdisant tout signe d'appartenance religieuse ou politique dans les lieux où l'on s'occupe d'enfants.  

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com