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Grand Angle

Palestine : Ramadan karim ?, par Youssef Haji

Youssef Haji est un marocain vivant en France. Militant des droits de l'Homme, il est également fondateur de Darna Maison des initiatives des jeunes et citoyens de Naplouse.
Il nous a envoyé ce matin la retranscription des échanges avec Hany, Palestinien de Naplouse. Récit d'une conversation téléphonique tenue hier, Mercredi 10 septembre.
Publié
Comme lors des Noël à Paris ou de Rosh Hashana à New York, nous avons cette habitude, dans le monde musulman, d’envoyer des SMS et autres cartes électroniques pour souhaiter le Ramadan.

J’envoie le SMS le plus ringard « Ramadan karim » (Ramadan généreux) à Hany un ami secouriste de Naplouse, et vite je reçois une réponse « je suis sous les tirs, Ramadan karim pour toi aussi ».

Deux heures après, je prends mon téléphone et Hany me raconte : "A l’heure de l’Iftar (rupture de jeûne), nous avons entendu des tirs nourris dans le quartier, j’ai vite mis mon gilet de secouriste et me suis précipité vers l’extérieur. Rapidement, j’ai eu un message du Secours médical me demandant de rejoindre une ambulance à 500 m de chez moi.

L’ambulancier me dit que c’est impossible de bouger la voiture, les tirs arrivent de tous les cotés. Nous apprenons par la radio du centre que la maison Fretekh à Ras el Ayn est encerclée. Les Shabab (jeunes) sont déjà dans la rue en train de jeter les pierres sur des dizaines de Jeeps israéliennes. D’habitude, j’adore ce silence qui envahit Naplouse à cette heure de Ftour. Ce jour-là, il y avait un vacarme de tirs réels et de bombes sonores.

Toute la ville à arrêté son ftour pour découvrir que les Israéliens avaient vidé leurs chargeurs sur les jambes de Walid Fretekh en le laissant se vider de son sang.

Apres leur départ, je réussis à rentrer dans la maison. La table de ftour est encore dressée avec les jus, Katayef et Chorba et tout autour, du sang et une famille paralysée. Nous partons à l’hôpital avec le corps de Walid encore vivant, mais rapidement Walid nous quitte avec un petit sourire au bout des lèvres comme s’il se moquait de l’absurdité de cette vie à Naplouse.

Walid a 25 ans, c’est un enfant de mon quartier et du Fatah; il a invité chez lui Jafar Jaara, un jeune résistant du Fatah ayant bénéficié de l’amnistie israélienne conclue avec l’autorité palestinienne, ainsi que Raif Chaaban, qui fait partie des 198 prisonniers palestiniens libérés récemment.

De toute évidence, les Israéliens ont suivi ces otages libérés à la trace, s’en servant comme des poissons apats pour pêcher d’autres militants dans notre ville aquarium.

Ces escadrons de la mort ont attendu que Walid souffre en regardant son sang le quitter devant sa mère et sa famille. Même les braconniers ne font pas cela aux animaux dans la jungle. Ses deux amis ont été embarqués par les militaires, l’un des détenus est gravement touché, lui aussi.

La nuit du ramadan fut courte et je me pose cette question : comment nos dirigeants peuvent-ils encore goûter au jus de carotte et à la chorba ? Pour moi, leur goût est devenu celui de ce sang dont les gouttes ce sont coagulées dans la fraîche citronnade de la mère de Walid qui n’a rien fait à part recevoir les amis de son fils un jour de Ramadan. Ramadan Karim … »

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