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Tribune

Le mariage pour tous, vu de l’autre rive de la méditerranée

Ils sont venus, ils sont tous là, pas pour voir la Mamma moribonde d’Aznavour mais pour protester afin que chaque enfant aie le droit d’avoir une maman et un papa. 350 000 selon la police et 800 000 à 1 million selon les organisateurs. Sont-ils des ringards comme l’a souligné le président de l’assemblée nationale qui renient à des compatriote le droit d’institutionnaliser leur amour? Ou juste des gens de convictions qui croient en la suprématie de la valeur famille et de la préservation de la filiation ?

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En tous cas, de ce coté de la méditerranée, nous suivons avec intérêt ce débat sociétale qui risquerait un jour de naviguer vers nous, en décortiquant les complexités, les incohérences, et les antagonismes qui compliquent toute prise de position, jugement de valeur, ou arbitrage. Les protagonistes recherchent des légitimités à leurs arguments en implorant l’aide d’experts, de sociologues et de psychologues pour mettre le sceau suprême de la vérité sur leur version.

Ce qui m’a marqué le plus c’est l’abstention stricte des antis mariage-gay d’avancer tout argument à consonance religieuse, même de la part des communautés catholiques, musulmanes ou juives. L’argument le plus récurent est le droit de l’enfant d’avoir un père et une mère ce qui est plus d’ordre philosophique, La hantise de maux sociaux que pourrait engendrer la procréation médicalement assistée ou la gestation pour autrui renforce leur mobilisation. Il est vrai que la structure de la cellule familiale pourrait totalement se métamorphoser, d’abord en substituant la notion de père et de mère par parent1 et parent 2 et surtout en révolutionnant le modèle de procréation qui ne serait plus de pratiquer l’amour mais de confectionner un bébé dans les éprouvettes, ou dans le ventre d’une tierce personne n’ayant rien à voir avec le couple. Qu’est ce qui pourrait empêcher des couples de femmes de vouloir créer un bébé de la jonction de leurs deux ovules (cas demandé à un médecin) pour en être réellement les deux mères ? Une insémination artificielle avec deux spermatozoïdes pour engendre des faux jumeaux pour les pères, en s’allouant les services d’une femme qui louerait son ventre ? Et si ces inséminations artificielles deviennent une tendance branchée ou les femmes gays ouvrent la voie à une mode pour les femmes hétéros pour une procréation qui neutralise le rôle de l’homme et le remplace par la banque de sperme ? Toute la philosophie de l’existence telle qu’elle a été vécue tout au long de l’histoire en serait menacée, alors pour riposter il se pourrait que l’homme subvienne à son instinct de procréation par le clonage.

Néanmoins, comment dans une société pluraliste et de droits des individus peut-on censurer le droit à l’institutionnalisation de l’amour ? Comment peut-on refuser aux uns ce qu’on autorise aux autres, rien que pour leurs orientations sexuelles ? Surtout qu’aucune étude ne permet d’affirmer que les enfants élevés au sein de couples d’homosexuels sont moins aimés ou moins bien éduqués que ceux de couples hétéros. Et que l’ambiance d’éducation s’apparente à celle des familles recomposées ou des familles ou célibataires qui ont eu recours à l’adoption dont jonchent la république française.

A mon avis (qui n’engage que ma personne et non la culture dont je viens), les antis mariage-gay ne peuvent que perdre la bataille, car le modèle de société choisi par la république ne peut leur permettre d’assoir leur thèse. Le peuple français a déjà tranché en faveur d’un modèle de société se basant sur la liberté de choisir que celui se basant sur la morale. La définition de l’étique en devient individuelle et délègue ainsi le droit aux individus de fixer leur propres limites. Censurer ce droit, ne serait ce que pour une minorité , mettrait à genoux tous le système moderniste et laïque de la république dont la devise n’est autre que «liberté, égalité, fraternité» puisqu’il étouffe la liberté d’une composante de ses citoyens, ne les considérant pas égaux aux autres, en fermant devant eux les portes de l’institution du mariage, dynamitant à jamais tout espoir de fraternité. La position moraliste des antis loi-Tobiera ne fait pas le poids devant le droit constitutionnel des citoyens à accéder aux institutions, et doivent par conséquent respecter le modèle pour lequel ils ont opté, et qui leur interdit de s’immiscer dans la vie intime des autres ou de jouer les tuteurs pour arbitrer leur choix. Leur pression aboutirait seulement à la prise de conscience des dérives auxquelles peut emmener un tel choix et d’appeler à l’esprit de responsabilité et de retenue chez les couples gay pour ne pas tenter le malin en jouant aux Docteur Frankenstein, sans pour autant leur enlever le droit souverain de cette prise de décision. Ceci étant, je n’arrive pas à comprendre cette oppression contre les croyants qui doivent obligatoirement dissimuler leur appartenance religieuse et les signes de leur foi pour que leurs arguments soient écoutés, comme si la république devient sourde à Jésus christ alors qu’elle retrouve l’oreille musicale pour un Montaigne ou un Verlaine. Or dans la république, chacun doit avoir le droit de s’identifier au dogme de son choix et de pouvoir l’exprimer au nom de la toute sainte liberté d’expression.

De ce coté de la méditerranée, nous avons plutôt opté pour le modèle moraliste de la société ce qui pourrait nous dispenser de toute cette querelle, et nous protéger des dérives effrayantes auxquels elle pourrait aboutir. Mais cela engendre une gestion d’une partie de nos contradictions par le non-dit, une marginalisation affreuse et offensante d’une partie des concitoyens, une politique de l’autruche qui permettrait de tolérer des exactions à la sainte morale et d’éviter une oppression totalitaire de libertés coupables afin de préserver une certaine paix sociale. D’ailleurs le plus grand défi de la société moraliste et de trouver à qui déléguer le droit de décider de la morale. Laissons germer les deux modèles de sociétés, peut être que dans quelques décennies, nous pourrions les départager en déclarant l’un d’eux gagnant. En attendant, respectons le droit de chaque peuple à choisir le modèle qui lui convient.

Visiter le site de l'auteur: http://agoracitoyen.wordpress.com/

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