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Grand Angle

Maroc : L’inhabituelle vague de chaleur d’avril analysée par des chercheurs

Dix chercheurs du Maroc, de France, des Pays-Bas, des États-Unis et du Royaume-Uni, réunis dans le cadre du groupe World Weather Attribution, ont analysé la vague de chaleur survenue lors de la dernière semaine d'avril, au Maroc, en Algérie, en Espagne et au Portugal. Ils décrivent un phénomène «si extrême qu'il s'agit d'un événement rare dans le climat plus chaud d'aujourd'hui».

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Photo d'illustration. / DR
Temps de lecture: 3'

Des scientifiques du Maroc, de France, des Pays-Bas, des États-Unis et du Royaume-Uni ont collaboré pour évaluer dans quelle mesure le changement climatique induit par l'homme a modifié la probabilité et l'intensité de cette vague de chaleur précoce. En utilisant des méthodes publiées et évaluées par des pairs, ils ont analysé comment le changement climatique a modifié la probabilité et l'intensité de la vague de chaleur de trois jours qui s'est produite du 26 au 28 avril 2023, au Maghreb et dans la péninsule ibérique.

Menée par dix chercheurs dans le cadre du groupe World Weather Attribution, cette analyse dévoilée il y a quelques jours a porté sur la moyenne des températures maximales pendant trois jours consécutifs en avril dans le sud de l'Espagne et du Portugal, dans la majeure partie du Maroc et dans le nord-ouest de l'Algérie. Ainsi, au cours de la dernière semaine d'avril, les températures locales dans de nombreuses régions des quatre pays ont été jusqu'à 20 degrés plus élevées que d'habitude à cette période de l'année. «Au Portugal et en Espagne continentale, le record national d'avril a été largement battu, avec respectivement 36,9°C et 38,8°C mesurés dans les régions les plus méridionales des pays. Au Maroc, plusieurs records (locaux) d'avril ont été battus dans tout le pays et les températures ont dépassé 41°C dans certaines villes comme Sidi-Slimane, Marrakech ou Taroudant. Les températures ont dépassé 40°C en Algérie le 28 avril (Maghnia, Mascara-Ghriss au moins)», indiquent les scientifiques.

Un «événement rare»

Des températures record qui sont venues «s'ajouter à une sécheresse historique de plusieurs années dans ces régions, exacerbant les effets de la chaleur sur l'agriculture, déjà menacée par une pénurie d'eau croissante résultant de l'effet combiné du changement climatique et de l'utilisation de l'eau», indique l’étude.

Dans leurs principales conclusions, les scientifiques ont affirmé que les vagues de chaleur comptent parmi les risques naturels les plus meurtriers, des milliers de personnes mourant chaque année de causes liées à la canicule. Toutefois, ils estiment que l'impact global d'une vague de chaleur n'est souvent connu que des semaines ou des mois plus tard, une fois que les certificats de décès sont rassemblés ou que les scientifiques peuvent analyser les décès excédentaires. «Dans de nombreux endroits, les décès liés à la chaleur ne sont pas bien consignés, de sorte que les chiffres de la mortalité mondiale actuellement disponibles sont probablement sous-estimés», ajoutent-ils.

L’étude souligne que les vagues de chaleur précoces et les conditions de sécheresse qui y sont associées menacent également le rendement de nombreuses cultures telles que le blé, car elles entravent le remplissage des grains. «Cette vague de chaleur est survenue à un moment critique pour la saison des récoltes dans les pays de la Méditerranée occidentale», note la même source.

De plus, alors que l'Europe et l'Afrique du Nord ont connu des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes ces dernières années, la chaleur récente en Méditerranée occidentale a été «si extrême qu'il s'agit d'un événement rare dans le climat plus chaud d'aujourd'hui».

«Notre estimation des températures observées, moyennées sur 3 jours, a une période de retour d'environ 400 ans (au moins 60 ans) dans le climat actuel, ce qui signifie qu'elles ont environ 0,25% de chances de se produire au cours d'une année donnée.»

Extrait de l’étude

Les chaleurs extrêmes augmentent plus rapidement que ne le simulent les modèles

Pour estimer l'influence du changement climatique d'origine humaine sur ces chaleurs extrêmes, les chercheurs ont combiné les modèles climatiques avec les observations. «Les observations et les modèles montrent tous deux une forte augmentation de la probabilité et de l'intensité, mais le changement est systématiquement plus faible dans les modèles que dans les observations», déduisent-ils, rappelant que «le fait que les chaleurs extrêmes augmentent plus rapidement que ne le simulent les modèles climatiques est un problème connu en été en Europe occidentale, dans tous les modèles climatiques, et se retrouve également» dans la région étudiée. «Les résultats combinés, qui donnent une augmentation de la probabilité d'un tel événement d'un facteur d'au moins 100, sont donc probablement trop conservateurs. Dans le même temps, une vague de chaleur ayant une probabilité d'occurrence de 0,25% au cours d'une année donnée (période de retour de 1 sur 400 ans) aurait été plus froide d'au moins 2°C dans un monde plus froid de 1,2°C», enchaîne l’étude.

Ces divergences entre les tendances et la variabilité modélisées et observées nuisent également à la confiance dans les projections des tendances futures. «Dans un climat futur plus chaud de 0,8°C (atteignant un réchauffement global de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels), une telle vague de chaleur serait encore plus chaude de 1°C, mais comme ci-dessus, il s'agit probablement d'une estimation très prudente», estime-t-on encore.

Les scientifiques rappellent enfin que le nombre de décès liés à la chaleur a diminué dans les villes dotées d'un plan de gestion des chaleurs extrêmes. En outre, il a été démontré que les systèmes d'alerte précoce en cas de chaleur, les comportements simples d'autoprotection tels que boire suffisamment d'eau, les plans d'action contre la chaleur dans les villes, les liens sociaux forts et une meilleure perception des risques réduisaient les effets de la canicule sur la santé.

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