Les migrants, en particulier les femmes et les jeunes filles, sont souvent confrontés à des problèmes de santé sexuelle et reproductive notamment durant leurs déplacements. Les femmes et les filles migrantes sont également plus vulnérables à la violence sexuelle et sexiste en raison de la dureté du parcours migratoire et des conditions socio-économiques difficiles qu'elles connaissent dans les pays d'accueil. C’est dans ce contexte que des chercheurs se sont intéressés à l’accès des femmes migrantes aux soins de santé sexuelle et reproductive au Maroc. Alors qu’il est un bon élève pour les objectifs de la Conférence internationale pour la population et le développement (CIPD) en matière de santé sexuelle et reproductive, le royaume enregistre encore des lacunes quant à l’accès aux soins des femmes migrantes.
Elaborée par sept chercheurs marocains, l’étude publié récemment rappelle qu’en 2017, une circulaire a été signée par le ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur, le ministre chargé des Marocains résidant à l'étranger, le ministre chargé de l'Économie et des Finances, et le ministre de la Santé, permettant aux migrants et réfugiés en situation régulière d’accéder à de multiples services de santé dans le cadre du Régime marocain d’assurance maladies pour les économiquement démunis (RAMED). Cependant, l'utilisation des services de santé par les migrants au Maroc reste «insuffisante en raison de plusieurs barrières contextuelles et structurelles», déplorent-ils.
Un droit à des soins de santé adéquats
Pour se pencher sur la question, les chercheurs ont mené des enquêtes qualitatives et quantitatives auprès de 151 migrantes recrutées dans l’Hôpital de maternité et santé reproductrice Les Orangers et dans deux centres de soins de santé primaires à Rabat. Les principales conclusions indiquent que de nombreuses femmes migrantes (62,1%) dans cette étude n'utilisaient pas de contraceptifs. Cependant, la majorité des femmes enceintes au moment de l'étude recevaient des soins prénataux.
En outre, un grand nombre de participantes ont déclaré avoir été victimes de violence sexuelle et sexiste, en particulier de violence verbale, physique et psychologique, et ont exprimé l'impact de cette violence sur leur vie quotidienne. Enfin, l'utilisation des services de soutien juridique, médical et social était faible parmi les victimes de violence sexuelle et sexiste.
L’étude précise que la plupart des participantes (76,2%) ont déclaré avoir été victimes de violence sexuelle et sexiste au cours de leur migration. De plus, seule une minorité a eu recours à une ou plusieurs formes de services d'aide aux victimes des violences sexuelles et sexistes. Seulement 7% des victimes se sont rendues dans un établissement de santé et seulement 9% ont déposé une plainte à la suite d'actes de violence.
«Bien que des progrès importants aient été réalisés au Maroc en ce qui concerne la reconnaissance des droits des migrants, et plus particulièrement leur droit à des soins de santé adéquats, davantage d'efforts devraient être déployés pour comprendre et traiter les déterminants contextuels de la vulnérabilité.»
Identifier les barrières institutionnelles et structurelles
Pour les chercheurs, «la population migrante continue de sous-utiliser les services de santé» et ce malgré les efforts pour améliorer son accès aux soins. Un constat qui «soulève des questions sur les barrières locales qui empêchent les migrants d'accéder aux services offerts par le ministère de la santé et ses partenaires des ONG et de la société civile». «Les femmes et les jeunes filles migrantes sont sujettes à l'interruption du continuum de soins pendant leur migration ou dans le pays d'accueil et sont donc exposées à un risque élevé de complications et de morbidités liées à la grossesse», rappellent-ils.
Ceux-ci appellent ainsi à mener d'autres études à grande échelle afin d'identifier les barrières institutionnelles et structurelles qui entravent l'accès aux soins de la population migrante au Maroc. «Ces barrières constitueraient une cible appropriée pour des interventions visant à améliorer les résultats de santé des femmes migrantes et à faciliter leur intégration sociale et professionnelle», indiquent-ils.
De plus, ils estiment que l'amélioration des mécanismes de coordination et des voies d'orientation entre les ONG offrant des services de soutien et les établissements de santé au Maroc est essentielle pour atténuer les effets négatifs sur la santé sexuelle et reproductive des victimes de violences sexuelles et sexistes.