Menu

Grand Angle

France : Des statistiques retracent l’Histoire des migrations depuis le XXe siècle

Au début du XXe siècle, la France métropolitaine a compté plus d’un million d’immigrés, soit près de 3% de la population. En 1968, ils ont constitué près de 6,5% et jusqu’en 2021, ils représentent 10,3% de la population. Les pays voisins, d’Europe et d’Afrique, ont longtemps été les origines de ces mobilités, qui s’internationalisent désormais.

Publié
Emporio italiano, journal et librairie italienne du Faubourg Saint-Antoine à Paris. Carte postale - Ph. Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration (France)
Temps de lecture: 5'

Contrairement aux idées reçues, la migration en France a été le résultat d’une mobilité principalement intra-européenne. Depuis la moitié du XXe siècle à aujourd’hui, la courbe de l’immigration depuis les autres pays du continent vers la France est en effet restée plus ou moins stable, avant d’arriver en seconde position après la migration africaine, dont celle du Maroc, d’Algérie et de Tunisie, au début des années 2000. Selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) consacrées à la diversité des origines géographiques des immigrés, cette évolution indique qu’au début du XXe siècle, la France a connu une mobilité massive dans les années 1920, après la Première guerre mondiale, pour répondre à la perte de main-d’œuvre.

Dans ce contexte, la migration a été principalement issue des pays voisins, à savoir la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Pologne, la Russie et l’Arménie. Avec l’accélération de l’immigration ouvrière, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, cette mobilité a concerné de plus en plus les nationalités européennes, mais aussi africaines. En 1968, l’Europe a constitué encore l’origine géographique principale, avec 2 483 000 personnes, suivie de l’Afrique avec un total de 642 000. En 1975, les deux continents ont apporté, respectivement, 2 618 000 et de 1 087 000 immigrés.

La migration issue des pays d’Afrique en pole position en 2006

«En 1974, dans un contexte économique dégradé, un frein est mis à l’immigration de travail, mais on constate déjà une évolution dans la diversité et des origines de la migration», avec la présence de celle issue du Maroc, d’Algérie et de Tunisie, analyse l’INSEE. La tendance est restée ainsi et ce n’est qu’au début des années 2000 que les mouvements migratoires ont augmenté à nouveau, en se diversifiant cette fois-ci. En 2006, l’Afrique est devenue l’origine géographique principale des immigrés (2 167 000), suivie de l’Europe (2 016 000). Les profils de ces personnes ont également changé. En 2021, ils sont 3 310 000 issus d’Afrique et 2 304 000 d’Europe.

En 2021, 10,3% de la population vivant en France est désormais immigrée, soit 7 millions de personnes, indique l’INSEE. «Les origines de la population immigrée se sont diversifiées en cinquante ans, les nouveaux immigrés arrivant en France étant nés dans des pays de plus en plus variés. Les généalogies se diversifient avec la mixité des unions au fil des générations : parmi les descendants d’immigrés de deuxième génération, plus d’un sur deux a un seul parent immigré ; parmi ceux de troisième génération âgés de moins de 60 ans, neuf sur dix n’ont qu’un seul ou deux grands‑parents immigrés», souligne l’institut.

Cela dit, les immigrés et en particulier ceux d’origine extra‑européenne «pâtissent d’une position plus défavorable sur le marché du travail, avec un taux de chômage de 13% en 2021», contre 8% pour l’ensemble de la population, ainsi que «des niveaux de salaires plus faibles et des emplois moins qualifiés». «Leurs conditions de vie, de logement et leur état de santé sont également moins bons que ceux du reste de la population : les immigrés sont notamment deux fois plus fréquemment en situation de pauvreté monétaire que l’ensemble de la population», note encore l’INSEE. Selon la même source, «la situation de la deuxième génération est plus proche de celle des personnes sans lien direct à la migration que celle des immigrés».

L’INSEE constate, par ailleurs, que «les immigrés ont un niveau de vie inférieur de 22% à celui des personnes ni immigrées ni descendantes d’immigrés, mais cet écart est réduit à 19% pour les descendants de deux parents immigrés et à 6% pour ceux ayant un seul parent immigré». Des inégalités subsistent cependant, au niveau de l’accès à l’emploi et de conditions de logement. «Les expériences de discriminations sont plus fréquemment déclarées par les descendants d’immigrés, y compris par rapport aux immigrés de la même origine pour les personnes d’origine non européenne : en 2019‑2020, 25% des descendants d’immigrés de 18 à 59 ans déclarent avoir subi des traitements inégalitaires, contre 24% des immigrés et 14% de la population sans lien à la migration».

Les profils ont changé en 50 ans de migration

Avec 12,8% de personnes nées à l’étranger vivant sur son territoire, la France reste par ailleurs proche de la moyenne européenne : 18,2% en Allemagne, 15,2% en Espagne et 10,6% en Italie. La part de ceux originaires du sud de l’Europe, surtout d’Espagne et d’Italie, baisse, tandis que la part de ceux venant du Maroc, d’Algérie et de Tunisie augmente. Dans le même temps, «l’immigration en provenance d’Asie (notamment de Turquie et d’Asie du Sud‑Est jusqu’en 1990, et de Chine plus récemment) et d’Afrique hors Maghreb se développe : 32% des immigrés sont originaires de ces régions en 2021, contre 4% en 1968», souligne l’INSEE. Aussi la population immigrée est-elle plus féminisée, puisque 52% des immigrés vivant en France en 2021 sont des femmes, contre 44 % en 1968.

En chiffre, l’INSEE souligne qu’en 2019, 272 000 immigrés sont arrivés en France pour une durée d’au moins un an. Parmi eux, 41% sont issus d’Afrique, 33% d’Europe, 15% d’Asie et 11% d’Amérique et d’Océanie. Sur dix ans, la part des nouveaux immigrés originaires d’Afrique (hors Maroc, Algérie et Tunisie) est en nette augmentation, avec 14% en 2009 contre 20% en 2019.

«Outre la diversification des origines, le profil sociodémographique des nouveaux arrivants évolue également», ajoute la même source, selon laquelle «43% de ceux âgés de 15 ans ou plus sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre 38% des immigrés de 15 ans ou plus arrivés en France en 2006».

En 2007, plus de la moitié (51%) des premiers titres de séjour délivrés à des ressortissants de pays tiers l’ont pour motif familial, qui ne représentent plus que 32% en 2021. Selon l’INSEE, «le nombre total de titres a augmenté dans un contexte d’immigration de travail favorisée depuis le milieu des années 2000, de montée de la demande d’asile et de circulation croissante des étudiants». En 2021 et pour la première fois, l’immigration étudiante représente le motif principal de venue en France pour les ressortissants de pays tiers bénéficiant d’un titre de séjour, constituant un total de 87 700 premiers titres de séjour délivrés.

Ce nombre devance légèrement celui de l’immigration familiale (85 800 premiers titres). «En 2021, 7,3 millions de personnes vivant en logement ordinaire en France hors Mayotte sont des descendants d’immigrés de deuxième génération, c’est‑à‑dire des personnes nées en France d’au moins un parent immigré», fait savoir l’INSEE. Désormais, «les descendants d’immigrés les plus âgés sont pratiquement tous d’origine européenne», puisque «les mouvements migratoires les plus anciens en France sont très majoritairement européens».

L’institut souligne, dans ce registre, que le lien à l’immigration «se distend encore à la troisième génération». Ainsi, «parmi les 10,2% de personnes de moins de 60 ans (soit 4,8 millions de personnes) descendantes d’immigrés de troisième génération – c’est‑à‑dire nées en France de deux parents non immigrés mais ayant au moins un de leurs grands‑parents immigré, plus d’une sur deux n’a qu’un seul grand‑parent immigré, et 90% ont au plus deux grands‑parents immigrés. Moins de 1% des personnes de moins de 60 ans ont quatre grands‑parents immigrés».

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com