Ludovic-Mohamed Zahed, 35 ans, Franco-algérien, ethnologue et premier militant de la cause homosexuelle en Islam en France, pose un nouveau jalon dans son combat. Sur 20minutes il annonce, aujourd’hui, mardi 6 novembre, qu’il prévoit de créer une mosquée «inclusive» où les femmes seront au même niveau que les hommes et où pourront être célébrées des unions homosexuelles.
Trois imams sont actuellement en formation pour venir prêter main-forte à celui qui officie au sein de l’association Homosexuels Musulmans de France (H2MF). Dans un premier temps, un dojo bouddhiste zen de la banlieue et accueillera les fidèles, avant que Ludovic-Mohamed trouve un lieu dans Paris pour accueillir les 300 fidèles qu’il pense pouvoir réunir. «On n'a pas besoin d'une mosquée-cathédrale, confie-t-il. Même si à terme, on pourrait imaginer un grand centre culturel…»
Exclus de la Oumma
Ce projet est la quatrième étape symbolique de son parcours d’homme et de militant. En 2010, au terme d’un cheminement intime long et douloureux, Ludovic-Mohamed fonde l'association HM2F «pour lutter contre l'homophobie dans l'islam et l'islamophobie chez les LGBT», une tendance minoritaire mais réelle. Le 18 février 2012, à Sevran, en banlieue parisienne, il épouse Qiyaam son compagnon devant un imam. Le 29 mars, il publie «Le Coran et la chair «(Editions Max Milo) dans lequel il livre son propre témoignage.
La volonté de fonder cette mosquée progressiste est une nouvelle étape pour laquelle, Ludovic-Mohamed Zahed n’a pas sollicité le soutien des principales instances religieuses musulmanes de France. «Dès qu'il est question d'homosexualité, il est difficile de travailler avec les autorités musulmanes», explique Ludovic-Mohamed Zahed. En effet, interrogé sur le mariage de Ludovic-Mohamed, Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris, a répondu à lgpmarseille : «c’est un acte volontaire qui met ces deux personnes en marge de la communauté musulmane. C’est un choix qui les écarte des valeurs de l’islam. En s’affichant ainsi ils font en sorte de ne plus être reconnus par la Oumma, la communauté des musulmans.» Toutefois, d’autres membres influents du culte musulman français se montrent moins tranchés. «Sur l'homosexualité, je dis que sa pratique n'est pas préconisée par l'islam, mais que les musulmans homosexuels sont des musulmans à part entière», estime Tareq Oubrou, imam de la mosquée de Bordeaux.
Concilier islam et homosexualité
Faute de trouver en France, des formes réelles de reconnaissances de l’homosexualité en islam en France, Ludovic-Mohamed Zahed a eu tendance à se tourner vers d’autres pays. «Etre homo et musulman est pour nous une réalité, mais beaucoup de questions se posent pour concilier au mieux notre sexualité et notre foi, explique l'association. C'est pour ça que nous avons besoin d'un espace de partage et d'accueil», explique l'imam Hendricks, invité par HM2F, le 6 octobre. Il a créé il y a 13 ans en Afrique du Sud The Inner Circle , la seule association d'envergure internationale d'homos musulmans.
Les Etats Unis fournissent également des exemples à suivre. «Des mosquées inclusives existent aux Etats-Unis, souligne le jeune militant. Beaucoup de musulmans ne supportent plus d'entendre des propos contre les femmes ou les homosexuels.» «Etre un bon musulman signifie être en paix dans son cœur et son âme, explique Daayiee Abdullah, imam à Washington. Il faut atteindre le point où deux pôles de sa vie, sa foi et sa sexualité, sont réconciliés. Et mon étude personnelle du Coran m'a montré que c'était possible.» Ludovic-Mohamed Zahed s’astreint à la même recherche. Doctorant en anthropologie à l’’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales (EHESS), il prépare une thèse sur l’homosexualité dans l’Islam.