Le Conseil européen des relations internationales (ECFR), un centre de recherche et d’influence pan-européen basé à Berlin, a plaidé pour l’extension du Pacte vert pour l’Europe pour les pays d’Afrique du Nord, dont le Maroc. Dans un Policy Brief publié cette semaine, l’ECFR a ainsi estimé que cette extension «pourrait catalyser de nombreuses opportunités économiques, sociales et environnementales».
«Le renforcement des partenariats transméditerranéens de l'UE pourrait contribuer à la sécurité énergétique européenne, du moins à moyen et long terme. Si elle est gérée de manière transparente et accessible, avec un soutien politique de haut niveau et l'engagement des gouvernements nationaux, l'UE pourrait surmonter certaines des difficultés qui ont entravé les projets antérieurs», estime le centre dans son analyse.
L’«énorme potentiel d'énergie renouvelable» de l’Afrique du Nord
Le Policy Brief, signé par la chercheuse Laura El-Katiri, rappelle que l'Union européenne s'est engagée à devenir «la première économie climatiquement neutre au monde», visant d'abord à réduire les émissions d'au moins 57% d'ici 2030, puis à atteindre la neutralité climatique à l'échelle de l'UE d'ici 2050. Dans cette optique, «l'Afrique du Nord pourrait devenir un partenaire important dans la transition énergétique de l'Europe» mais celle-ci doit prendre «les bonnes mesures dans les années à venir».
L’auteure souligne que cette région de l’Afrique «dispose d'un énorme potentiel d'énergie renouvelable, notamment solaire et éolienne, dont le surplus pourrait être exporté assez facilement vers l'Europe». Elle note que l’Afrique du Nord est également «un endroit prometteur pour la production future d'hydrogène vert». Une matière qui «sera probablement essentielle à l'UE pour atteindre ses objectifs climatiques dans les secteurs difficiles à décarboner».
La même source cite notamment le Maroc et la Tunisie, rappelant que leurs gouvernements «ont déjà manifesté leur intérêt pour un partenariat avec leurs homologues européens sur l'énergie propre». «L'énergie verte et ses chaînes de valeur connexes s'imbriquent avec les priorités politiques de certains gouvernements nord-africains, notamment attirer les investissements étrangers, promouvoir la diversification économique et la création d'emplois, développer de nouveaux secteurs d'exportation et, dans des cas comme le Maroc, l'Égypte et la Tunisie, se positionner à l'international grâce à un leadership "vert"», explique-t-on encore.
D’ailleurs, «le Maroc et la Tunisie se positionnent déjà en augmentant la part de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables», rappelle-t-on plus loin. L’article donne aussi l’exemple du Maroc qui «négocie avec des fabricants européens de batteries de véhicules électriques pour implanter une usine dans le pays, visant à intégrer sa production de cobalt à une stratégie existante de développement de son secteur automobile».
Pour une intégration régionale et une résolution des conflits
Toutefois, «avant que tous ces avantages ne puissent se matérialiser, les pays d'Afrique du Nord devront sortir de l'impasse politique qui existe entre certains d'entre eux», estime la chercheuse qui cite notamment les crises des relations maroco-algériennes. Car, «les industries de l'énergie propre et leurs chaînes de valeur ont beaucoup à offrir aux pays d'Afrique du Nord, surtout si les gouvernements de la région progressent dans l'intégration de leurs marchés régionaux de l'électricité, l'harmonisation régionale des normes technologiques et, à long terme, la coopération sur l'accès des tiers aux pipelines», estime-t-on.
La chercheuse met aussi en garde contre le risque pour les pays de la région de «s'appuyer sur d'autres fournisseurs dominants dans les chaînes de valeur de l'énergie propre, en particulier la Chine, sans un engagement européen fort». Laura El-Katiri reconnait, dans ce sens, que «l’UE dispose des outils nécessaires pour transformer la transition verte en une opportunité sociale et économique au-delà des frontières de l'Europe et créer un moteur de reprise au lendemain de la pandémie mondiale de covid-19».
«L'Afrique du Nord s'intéresse déjà à ces questions, comme le montre, par exemple, la signature du partenariat vert UE-Maroc en octobre 2022», note-t-on. Pour la chercheuse, la coopération européenne avec les partenaires commerciaux nord-africains par le biais des mécanismes du Pacte vert européen pourrait notamment «se concentrer sur des outils et des forums qui aident les gouvernements et les entreprises à réduire les émissions sur les exportations vers l'Europe».
L’article cite plusieurs «domaines d’opportunité», dont l’énergie éolienne et solaire, les Biocarburants et l’hydrogène vert. «Alors qu'ils visent à atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, les États européens et nord-africains ont un grand potentiel de complémentarité dans la transition des énergies fossiles vers les énergies propres», note la chercheuse, qui recommande notamment aux Etats européens d’«aider à fournir aux dirigeants nord-africains des arguments financiers et politiques importants» pour accélérer leur transition énergétique.
Elle propose également de «cartographier les problèmes et le potentiel», «identifier les synergies et explorer les voies dans lesquelles le Pacte vert européen pourrait faire la différence dans le contexte spécifique de chaque pays» et «mettre en place des garanties sociales et environnementales élevées pour tous les projets liés à l'énergie», entre autres.