Une femme et deux hommes ont été tués, vendredi près du Centre culturel kurde Ahmet-Kaya, dans le 10e arrondissement de Paris. Trois autres hommes ont été blessés, l’un est en urgence absolue et deux autres en urgence relative, lors d'une fusillade dont l’auteur, William M., 69 ans, a été arrêté. Le suspect, qui a avoué ses motivations racistes, était déjà connu pour tentative d’homicide volontaire dans un camp de migrants à Paris en 2021, rappelle les médias français. Le parquet de Paris a annoncé l’ouverture d’une enquête pour assassinats et tentatives d’assassinat, confiée à la Direction régionale de la police judiciaire (DRPJ).
Lors de son émission Midi News du vendredi, la chaîne française CNews a abordé ce drame, avec son désormais habituel regard islamophobe. Ainsi, le présentateur Anthony Favalli a demandé à ses invités, dont le député Renaissance Alexis Izard, l’avocate franco-marocaine Najwa El Haïte et l’essayiste franco-marocaine Naima M’Faddel, ce que ces événements leurs «inspirent, au vu des premières éléments» et si «ça pourrait ressembler à quelque chose qu’on a déjà vu dans la capitale». «Je parle des faits les plus graves qui peuvent se produire, les attaques terroristes,…», a-t-il dit.
Les attentats à Paris et les prières du vendredi
L’essayiste franco-marocaine Naima M’Faddel a pris la parole pour rappeler que le profil de l’individu, plus de 70 ans, ne colle pas avec ceux des terroristes, «des personnes très jeunes». Amaury Bucco, journaliste police-justice CNews revient alors sur les faits de cette fusillade.
«Les informations de sources policières que j’ai, on parle du centre culturel kurde. Cet homme qui a été arrêté est né en 1953 à Montreuil. L’enquête n’a pas été non plus confiée à la section antiterroriste des policiers. Pour l’instant, ce n’est pas la piste la plus évidente», déclare-t-il. Mais il fait très vite un parallèle douteux avec l’islam : «A noter toutefois qu’il est vrai que lorsqu’on parle avec les policiers, les vendredis sont les jours où se commettent des attentats», lance-t-il.
Le journaliste de CNews explique alors que les policiers «sont toujours plus préparés à ce genre d’événements», alors que «ceux qui se déplacent, le font plus avec leurs armes le vendredi car ils savent que c’est le jour où peut se produire ce genre d’incident». Anthony Favalli enfonce le clou : «Cette vigilance des forces de l’ordre et des missions sentinelles les vendredis est-elle vraie ?», interroge-t-il l’essayiste Naima M’Faddel.
«C’est toujours ces jours-là que ça se produit souvent après la prière ?», ajoute-t-il. «Je pense que c’est en lien avec la prière du vendredi. Oui, effectivement», répond la Franco-marocaine, candidate de LR à la 9e circonscription des Français de l’étranger, lors des dernières législatives.
Anthony Favalli tente enfin de recadrer le débat, rappelant qu'il faut prendre «bien évidemment des précautions pour parler de tout cela». «On est bien d’accord qu’on n’a aucune idée pour l’heure des motivations de cet individu et qu’on ne dit pas qu’il s’agit d’une attaque terroriste bien évidemment», lâche-t-il enfin. Pour ne pas être rattraper par l'autorité de l'audiovisuel (ARCOM), il précise que l’émission «essaye d’émettre des pistes et des hypothèses», dans un contexte où notamment les «lieux de culte sont surveillés, car à deux jours des fêtes de Noël».
Sur les réseaux sociaux, une vague de commentaires dénonce cette corrélation non étayée entre le drame survenu et l’islam. «Un attentat raciste est commis par un homme déjà condamné pour une agression contre des personnes migrantes, et CNEWS dit qu'il y a une corrélation entre la survenue d'attentats et la prière (musulmane) du vendredi : c'est un mensonge et une incitation à la haine», dénonce Yasmine Bouagga, maire du 1er arrondissement de Lyon sur Twitter.
Un attentat raciste est commis par un homme déjà condamné pour une agression contre des personnes migrantes, et @CNEWS dit qu'il y a une corrélation entre la survenue d'attentats et la prière (musulmane) du vendredi: c'est un mensonge et une incitation à la haine. @Arcom_fr
— Yasmine Bouagga (@yasminebouagga) December 23, 2022
Les précisions de Naima M’Faddel
«Je ne suis pour rien dans cette polémique» se défend, pour sa part, l’essayiste franco-marocaine. «J’ai cru comprendre que le journaliste indiquait qu’il avait de nombreux militaires le vendredi aux abords des mosquées. Il me pose la question, je ne comprends pas très bien mais je réponds que c’est certainement en raison des prières du vendredi. Je sous-entendais que c’était en raison d’attaques racistes il fallait donc une protection», explique-t-elle.
Dans l’édition Week-end de Midi News, Naima M’Faddel précise que les invités d’hier, de la même émission, étaient «dans le flou». «On ne savait pas ce qui s’est passé et on s’inquiétait énormément. On a justement abordé la question de ce que le ministre de l’Intérieur a fait, à savoir de renforcer la protection des lieux de culte pendant cette période des fêtes et notamment de renforcer la protection des mosquées pour que les fidèles puissent venir faire leurs prières en toute quiétude», poursuit l’ancienne candidature LR à la 9e circonscription des Français de l’étranger.
«J'appelle encore une fois à ce qu’il y ait un renforcement des lieux de culte et notamment des mosquées (…) moi-même, en tant que musulmane, je suis inquiète. C’est un acte raciste.»
L’essayiste affirme, lors de la même émission, que le ministre français de l’Intérieur «a eu raison» et «a certainement eu des informations des renseignements généraux du risque d’attentats contre les lieux de culte». «La prière du vendredi est la plus importante et il faut vraiment qu’on protège les fidèles qui viendront prier ce jour saint. Personnellement, je ne peux qu’être inquiète de cet acte terroriste raciste», conclut-elle.