Le «Congressional Research Service», relevant de la tutelle du Congrès des Etats-Unis, a publié, le 15 juin, un rapport sur l’impact de la guerre en Ukraine sur les pays de la région MENA. Sur la partie consacrée au Maroc, les auteurs du document reviennent sur la réaction modérée prise par le royaume au lendemain de l’invasion russe du territoire ukrainien, décidée le 24 février par le président Vladimir Poutine.
Ils rappellent que le Maroc a exprimé son «soutien à l'intégrité territoriale de l'Ukraine et son opposition à l'utilisation de la force pour régler les différends internationaux». Une position défendue dans le communiqué du 26 février du ministère des Affaires étrangères. «Le Royaume du Maroc réitère son soutien à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de tous les Etats membres des Nations unies et rappelle son attachement au principe de non recours à la force pour le règlement des différends entre Etats», indiquait alors le département de Nasser Bourita.
Dans la semaine qui a suivi le déclenchement de la guerre, Rabat a adopté la politique de la chaise vide lors de l’adoption, les 2 et 27 mars et le 7 avril, à l’Assemblée générale de l’ONU de résolutions condamnant l’invasion russe. Le rapport du «Congressional Research Service» attribue ces non-participations au vote à des facteurs économiques et politiques.
Le Maroc sur la bonne voie ?
Côté commercial, Rabat veut ainsi «renforcer ses liens économiques avec Moscou», d'autant que «sa dépendance vis-à-vis des exportations russes de charbon est croissante». Le pays a également «un intérêt pour les importations de blé russe en pleine année de sécheresse», explique la même source.
Le commerce entre la Russie et le Maroc a, en effet, enregistré une hausse de 50%, en janvier et février 2022, par rapport à l’année dernière. «Le Royaume du Maroc reste le troisième partenaire commercial de la Fédération de Russie parmi les pays du continent africain après l'Egypte et l'Algérie», se félicitait en mai dernier Artem Tsinamdzgvrishvili, représentant commercial à l’ambassade russe à Rabat, dans des déclarations à l’agence de presse russe TASS.
Durant la même période, les importations russes en provenance du Maroc ont augmenté de 36%, particulièrement grâce à la hausse de 52% des exportations des agrumes marocains. Des chiffres qui ont dû peser dans la prise de position politique sur la guerre en Ukraine. Pour rappel, suite à la visite d’Etat du roi Mohammed VI en Russie, en mars 2016, le Maroc a été parmi les Etats bénéficiaires des mesures de rétorsions décidées en pleine crise de l’annexion de la Crimée, par le président Poutine contre les exportations européennes, en avril 2014.
Outre les arguments économiques, le rapport note aussi les «préoccupations» marocaines d’un changement radical de la position de Moscou sur la question du Sahara occidental au Conseil de sécurité en cas d’alignement du royaume sur les positions des pays occidentaux.
Force est de constater que la politique de la chaise vide du Maroc à l’ONU a été prise en considération par la Russie. En témoignent, les absences du dossier du Sahara dans la communication téléphonique, du 18 avril, entre les présidents Poutine et Tebboune et dans les déclarations à la presse faites, le 10 mai à Alger, par le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.