Les études britanniques l’avaient déjà démontré. Les chiffres aux Etats-Unis sont éloquents. Le Dr Anthony Fauci a annoncé que 99,2% des décès du Covid-19 durant le mois de juin concernent des personnes non vaccinées. Alors même que près de la moitié de la population étatsunienne est complètement vaccinée. Une statistique nationale et officielle qui permet d’appuyer l’efficacité vaccinale et tacle les discours qui pullulent sur la base d’anecdotes et de cas particuliers. «Le voisin de ma sœur est décédé du Covid-19 alors qu’il était vacciné», entend-on de plus en plus fréquemment par celles et ceux qui enchaineront comme une évidence : «Donc le vaccin ne sert à rien !»
Au Maroc, les rumeurs se propagent à grande vitesse. Des cafés aux hammams rouverts récemment, le «téléphone arabe» est passé au 2.0 avec WhatsApp. Face au rouleau compresseur des anecdotes, rumeurs et fake news, le ministère de la Santé brille par sa discrétion. A part quelques communiqués assez redondants prêchant les mesures barrières et une énième mise en garde avant sanction, il est aux abonnés absents. On ne voit plus le ministre et sa parole est devenue inaudible.
Peut-être a-t-il été échaudée par son erreur, en janvier, lorsqu’il a annoncé sans précaution que l’immunité collective grâce à la vaccination serait atteinte début mai 2021 ? Une erreur vite oubliée à la faveur du bon déroulement de la campagne vaccinale même si, au rythme actuelle, l’immunité collective ne sera pas atteinte avant 2022. Or, plus nous avançons dans la campagne vaccinale, plus la part des hésitants à se faire vacciner sera importante. Les arguments de santé publique et de patriotisme sanitaire seront de moins en moins efficaces face aux personnes qui, de manière compréhensible, s’inquiètent des éventuels effets secondaires ou des rumeurs sur l’efficacité moindre des vaccins face aux nouveaux variants.
La data publique plus efficace qu’une étude scientifique ?
Face à la montée des cas covid+, à la baisse de la vigilance générale, aux réticences à la vaccination, un outil simple et efficace est négligé depuis de nombreux mois : la communication et la transparence sur les données de santé. Pour une partie de la population, asséner que le vaccin est efficace ne suffit pas. Lui coller devant les yeux une étude scientifique randomisée en double aveugle et évaluée par les pairs, ne suffit pas non plus. Entre les deux, il y a des faits, des chiffres qui pourraient en convaincre beaucoup.
Il est anormal d’avoir un bilan quotidien Covid-19 aussi pauvre en données. Aucune ventilation par tranches d’âges, par sexe, ni par le statut vaccinal. Alors que nous avons dépassé le quart de la population vaccinée, nous ne savons toujours pas quelle est la répartition des non vaccinés/vaccinés (1 dose et deux doses) parmi les infections, les hospitalisations, les cas graves en réanimation et les décès. Ces statistiques pourraient jouer un rôle essentiel dans la sensibilisation du grand public à l’efficacité vaccinale. Elles pourraient aussi servir au ministre de la Santé pour rappeler que XX% des décès au cours du mois de juin concernent des personnes non vaccinées... à l’instar du Dr Fauci aux Etats-Unis.
Et puisque nous en sommes à la valorisation de la data au service de la santé publique, le Maroc gagnerait à mettre à disposition des journalistes et informaticiens les données en open data sur le portail officiel qui reste bien pauvre depuis son lancement en 2011 (seulement 5 fichiers de données pour le ministère de la Santé). Voilà un geste simple qui ouvrirait un nouveau champ des possibles en matière de data-journalisme et data-visualisation au service de l’information en santé publique.