Les résultats de l’enquête nationale sur la violence à l’encontre des femmes et des hommes de 2019 vient d’être publiée, ce mercredi par le Haut-Commissariat au plan (HCP). Parvenu à Yabiladi, ce document montre que près de la moitié de la population entre 15 et 74 ans a subi un acte de violence au moins, durant les 12 mois précédant l’enquête. En chiffres, 57% des visés par ces violences sont des femmes et 42% sont des hommes.
La note met l’accent particulièrement sur la différenciation entre les différentes formes de violences visant les femmes ou les hommes. «Outre les tendances de la violence dans la société à laquelle les femmes sont exposées, la violence se manifeste également parmi les hommes, mais avec une incidence moindre», explique le HCP, selon lequel «la quasi-totalité des violences conjugales subies par les hommes sont de forme psychologique (94%)». Dans le cadre conjugal, les violences contre les femmes revêtent différentes formes : 69% sont psychologiques, 12% économiques, 11% physiques et 8% sexuelles.
Les violences structurelles basées sur le genre ressortent sans être nommées
«La violence psychologique qui occupe la première position dans tous les espaces de vie, représente, dans le contexte familial, près des trois quarts des violences subies, aussi bien par les femmes que par les hommes», note le HCP, qui indique que «la répartition des autres formes de violence est contrastée selon le sexe», sans pour autant évoquer expressément les violences structurelles basées sur le genre et la forme différente que revêt la violence en tant que phénomène social.
Plus loin, la note analyse certains aspects spécifiques, dont l’un est lié au «droit du partenaire de violenter sa conjointe». Les résultats montrent que «près des 2/3 des hommes (64%) refusent le recours du conjoint à la violence à l’encontre de sa partenaire quelle qu’en soit la raison. Néanmoins, plus de 25% des hommes reconnaissent au conjoint le droit de battre/violenter son épouse si elle sort sans son autorisation et 15% si elle néglige de s’occuper des enfants». Plus de 7% approuvent «le fait que le conjoint a le droit de battre/violenter son épouse si elle refuse d’avoir une relation sexuelle avec lui, 6% si elle néglige les travaux ménagers et 6% si elle contredit ses opinions».
Dans un registre associé, le HCP indique que 57% des hommes ne sont pas au courant de l’existence de la loi 103.13 relative à la lutte contre la violence à l’encontre des femmes. Ils sont 69% dans le même cas, en milieu rural, et 51% en zone urbaine. Parmi les hommes sans niveau scolaire, ils sont de 74%, contre 30% au sein de ceux ayant un niveau d’instruction supérieur.
Dans les autres contextes de vie, «la part de la violence sexuelle représente 21% des violences perpétrées à l’encontre des femmes dans les lieux du travail», contre 2% pour les hommes, selon le HCP. 37% de ces violences sont subies dans les établissements d’enseignement et de formation, contre 14% pour les hommes et 42% sont vécues dans les espaces publics, contre 8% pour les hommes.
Un comparatif peu enrichi en analyse faisant appel aux sciences humaines
L’institution souligne qu’en dépit de «la conscience masculine de la vulnérabilité des femmes à la violence», les perceptions vis-à-vis des «rôles sociaux et des rapports d’autorité au sein du couple» traduisent «une persistance de la vision traditionnelle» du couple. Ces visions masculines «représentent un facteur de risque de victimisation majeur qui favoriserait la perpétration et la persistance de la violence à l’égard des femmes».
Cette note a été publiée une semaine après que des associations féministes soient montées au créneau, au lendemain de la publication d’une autre note relative à la prévalence de la violence à l’égard des hommes. Parmi eux, l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a fustigé une faille méthodologique, dans la mesure où la démarche adoptée pour analyser les violences structurelles basées sur le genre a été transposée pour étudier celle visant les hommes, bien qu’elle n’obéisse pas aux mêmes constructions sociales, politiques, historiques ou civilisationnelles.
Contactée par Yabiladi, l’ONG a estimé qu’«on peut parler d’une violence en tant que phénomène social, mais nous ne parlerons pas dans ce cas-là d’une violence structurelle comme celle visant les femmes par le fait qu’elles soient des femmes en situation de vulnérabilité et donc en proie à la domination masculine, au sein d’une construction patriarcale, où nous parlons même de féminicides». Lorsqu’une violence vise les hommes, «cela ne se fait pas dans une structure matriarcale de domination féminine, donc nous ne pouvons pas l’analyser avec la même approche», a estimé l’ONG.