Cette année, l’insuline, découverte en 1921, fêtera son centenaire. Cette hormone naturellement secrétée par le pancréas et jouant un rôle clé dans le maintien d’une glycémie normale fascinent toujours nombre de chercheurs, dont le Marocain Abdelfattah El Ouaamari.
Né et ayant grandi à Nador, il s’est longtemps intéressé au diabète. Plus particulièrement, sa recherche a pour but de comprendre comment les cellules bêta sécrétrices d’insuline, situées dans les îlots de Langerhans du pancréas, augmentent leur croissance et fonctionnent dans les états de résistance à l’insuline.
Après des études primaires et secondaires dans sa ville natale jusqu’à l’âge de 18 ans puis un CUES en Biologie et Géologie à l’Université Mohammed 1er d’Oujda, le jeune marocain voulait poursuivre des études de pharmacie à Rabat. Fasciné par la Biochimie, il change complètement d’avis et opte pour des études en France.
Son aventure commence ainsi à Nice, où il intègre la prestigieuse Université de Nice Sophia Antipolis, pour une licence. Il passe presque 10 ans de sa vie dans cette ville de la Côte d’Azur, puisqu'après un master en sciences de la vie et de la santé il poursuivra un doctorat. «J’étais initié et j’aimais beaucoup la recherche. J’ai donc fait une thèse de doctorat dans le domaine de la Biologie Cellulaire et Moléculaire», confie-t-il à Yabiladi.
«J’ai eu beaucoup de chance d’intégrer le laboratoire du Professeur Emmanuel Van Obberghen pour mes travaux de thèse ; un laboratoire de recherche de renommée internationale qui travaille sur tout ce qui est résistance à l’insuline, diabète et obésité.»
Les moyens cellulaires et moléculaires pour générer des cellules produisant l’insuline
C’est en 2010 que le Marocain prend la décision de «faire un grand saut», quittant ainsi la France pour les Etats-Unis et commence un stage postdoctoral à la prestigieuse Université de Harvard, où il passe six ans. «En termes de développement de carrière, aux Etats-Unis il y a beaucoup plus de moyens pour financer la recherche et d’opportunités pour évoluer», explique-t-il.
En 2013, il devient Instructeur en médecine à Harvard, avec la possibilité de demander des financements. Son ambition l’amène, trois ans plus tard, à candidater pour le poste d’Assistant Professeur au Robert Wood Johnson Medical School de l’Université de Rutgers au New Jersey. «Je travaille sur la neuromodulation des cellules bêta pancréatiques. A la différence de Boston, je suis indépendant aujourd’hui, je dirige mon propre laboratoire avec mes propres financements», déclare-t-il.
Car pour Abdelfattah El Ouaamari, même si la découverte des îlots pancréatiques date de plus 150 ans, «on ne sait toujours pas pourquoi on devient diabétique». Percer les mystères de cette maladie représente, pour lui, un «challenge et un défi intellectuel» et «si un jour on arrive à la comprendre de manière plus détaillée, on pourra la guérir».
«Il y a évidemment la stimulation intellectuelle que tout chercheur éprouve dans le processus de fonctionnent, mais aussi cette volonté de trouver de meilleurs moyens thérapeutiques autres que de s’injecter de l’insuline tous les jours. Mon travail de recherche est justement axé sur la régénération des cellules bêta produisant de l’insuline.»
«Si un jour on arrive à comprendre comment ces cellules se régénèrent, on peut très bien envisager de les produire à grande échelle pour transplantation chez les patients diabétiques de façon à ne plus avoir à recourir à l’insuline», dit celui qui a déjà reçu plusieurs prix et distinctions, comme le Outstanding Research Award à Joslin Diabetes Center en 2016, le Human Islet Research Network New Investigator Award en 2018 ou encore le National Institutes of Health R01 Grant Award.
Le Maroc, les vaccins et la recherche scientifique
Interrogé sur ses liens avec son pays d’origine, Abdelfattah El Ouaamari regrette de ne pas «avoir de relations professionnelles avec le Maroc». «Evidemment j’ai de la famille et des amis sur place. Je rentre pour les voir dès que j’en ai l’occasion. Mais c’est quelque chose que j’essaie de développer», assure-t-il, en rappelant qu'il est membre d’une communauté de compétences maroco-américaine. Il tente, à ce titre, d’identifier des chercheurs marocains pour de potentielles collaborations.
Le jeune chercheur insiste d’ailleurs sur la place de la recherche scientifique pour le royaume. «Il est extrêmement important de développer une recherche scientifique au Maroc. Je pense qu’il y en a, mais pas encore assez développée», souligne-t-il. Il rappelle à cet égard que «tous les Marocains arrivent à faire un maximum de choses même avec un minimum de moyens». «Nous avons toujours l’ambition d’aller plus loin. Il faut donc changer la mentalité et investir dans la recherche», plaide-t-il.
«Il faut que la culture change vis-à-vis de la recherche scientifique : C’est investir pour le long terme. La Chine, il y’ a quelques années, n’était pas un pays considéré comme développé. Ils ont commencé à investir dans l’innovation et la recherche. Résultat : La Chine rattrape et dépasse même les Etats-Unis !», conclut le chercheur marocain.