Le Parti de la justice et du développement, qui dirige la coalition gouvernementale au Maroc, s’est retrouvé au milieu de polémiques internes mais également de critiques venues de l'étranger, après la décision du Maroc d’officialiser la normalisation de ses relations avec Israël.
Comme dans d’autres partis islamistes arabes, le soutien à la cause palestinienne et le rejet de toute forme de normalisation avec Israël fait partie du référentiel du PJD. En 2013, son groupe parlementaire a été de ceux qui ont soumis une proposition de loi, criminalisant la normalisation avec Israël. Mais la proposition est restée dans les tiroirs.
Le 21 août, le secrétariat général du parti a publié un communiqué à l’occasion du 51e anniversaire de l’incendie de la mosquée Al-Aqsa. Il a réaffirmé que «la normalisation avec l’entité sioniste est un soutien à son agression contre les droits inaliénables du peuple palestinien, ce qui est contraire à l’unité des rangs contre les tentatives de liquidation de la cause palestinienne».
Le PJD a même critiqué la normalisation officielle des Emirats arabes unis et de Bahreïn avec Israël. Le 23 août, Saâdeddine El Othmani a affirmé lors d’une réunion du parti que le Maroc rejetait toute normalisation avec l’entité sioniste, car toute démarche diplomatique renforçait la position de Tel-Aviv dans ses violations des droits du peuple palestinien.
Mais quelques mois plus tard, c’est El Othmani lui-même qui s’est retrouvé autour de la table, avec le conseiller à la sécurité nationale israélien Meir Bin-Shabat, pour la signature de la déclaration commune qui définit les prochaines étapes de la normalisation entre le Maroc et Israël. Des images qui ont choqué un certain nombre de partis et de mouvements affiliés aux Frères musulmans dans le monde arabe.
Le Hamas se dit abandonné par le PJD
Membre du bureau politique du mouvement palestinien Hamas, Mousa Abumarzook a exprimé son ferme rejet de la signature de la déclaration tripartite. Sur son compte Twitter, il s’est indigné d’«une démarche déplorable qui n’exprime pas la position de principe réelle du peuple marocain et son soutien à la cause palestinienne». «Nous avons été profondément déçus par la signature de l’accord par Saâdeddine El Othmani, dont nous avions espéré une position historique honorable», a-t-il ajouté.
نرفض وبشدة توقيع الاتفاق الثلاثي بين المغرب وأمريكا والعدو الصهيوني، وهو خطوة مستنكرة لا تعبر عن الشعب المغربي الأصيل ومواقفه المبدئية الداعمة للقضية الفلسطينية،كما أصابنا خذلان كبير بتوقيع د. #سعد_الدين_العثماني للاتفاق، والذي كنا نأمل منه اتخاذ موقف تاريخي مشرّف.#التطبيع_خيانة
— د. موسى أبو مرزوق DR. Mousa Abumarzook (@mosa_abumarzook) December 23, 2020
Au sein du Hamas également, le dirigeant Sami Abu Zuhri a considéré cet accord comme «une grande déception pour le peuple et la cause palestiniennes». S’exprimant aussi via les réseaux sociaux, il a fait part de son «mécontentement face à la signature de l’accord par El Othmani», tout en considérant cette démarche «comme un échec majeur pour le PJD». Sami Abu Zuhri a appelé à «corriger cette erreur, afin de préserver le statut du Maroc et l’histoire du parti».
ندين توقيع اتفاق التطبيع بين #المغرب والاحتلال، ونعتبره خذلاناً كبيراً للشعب و #القضية_الفلسطينية ،
— DR. SAMI ABU ZUHRI (@SamiZuhri) December 23, 2020
كما نعبر عن استيائنا من توقيع رئيس الحكومة السيد #سعدالدين_العثماني للاتفاق ونعتبره سقطة كبيرة لحزب العدالة والتنمية وندعو الى تصحيح هذا الخلل حفاظا على مكانة المغرب وتاريخ الحزب.
Les Frères musulmans au Koweït crient à la trahison
Au Koweït, le Mouvement constitutionnel islamique, affilié aux Frères musulmans, a publié une déclaration condamnant et dénonçant l’accord de normalisation entre le Maroc et Israël. Il voit dans cette décision «un coup de poignard dans le dos pour la première cause musulmane» et un «soutien à l’occupation sioniste de la terre d’Israa et de la mosquée d’Al-Aqsa».
Le mouvement a dénoncé une position «honteuse du gouvernement du PJD». «Si la normalisation résultant de gouvernements faibles est déjà considérée comme une trahison, cette trahison est encore plus grande venant d'un parti au référentiel islamiste», a-t-il renchérit. Le mouvement a appelé «les groupes arabes et islamiques de tous les spectres intellectuels à rejeter la normalisation et à refuser de traiter avec l’entité sioniste», sur la base des principes des Frères musulmans.
Les Frères algériens estiment qu’El Othmani a trahi ses principes
La position du mouvement Société algérienne pour la paix, affilié aux Frères musulmans, a été exprimée également via les réseaux sociaux par son président. Sur sa page Facebook, Abderrazzak Makri «la principale personne à qui cette honte et cette disgrâce est donnée est le Premier ministre, le secrétaire général du PJD, compte tenu de la trahison de ses principes et de sa précédente position anti-normalisation».
«Nous savons qu’il y a des militants sincères dans ce parti pour soutenir les Palestiniens contre l’occupant sioniste. Cependant, si les institutions de cette formation politique acceptent cette trahison, alors c’est un parti qui est officiellement entré dans le cercle du sionisme, et chaque déclaration plaidant le soutien de la cause palestinienne est fausse et sans effet», a-t-enchaîné. Pour Makri, sa position à l’égard du PJD «est un devoir» de la formation algérienne et «de toute personne libre dans le monde arabo-musulman».
En Jordanie, la normalisation est vue comme «un coup de poignard»
En Jordanie, le Parti du Front d’action islamique, affilié aux Frères musulmans, a dénoncé dans un communiqué la démarche du gouvernement dirigé par le PJD. Il décrit la signature de la déclaration tripartite comme «un coup de poignard contre la cause palestinienne, sa résistance à l’occupation et une trahison des positions des peuples arabes qui rejettent toute forme de normalisation avec l’ennemi sioniste». Cette normalisation représente aussi «une trahison des positions du peuple marocain en déphasage avec ses principes concernant la cause palestinienne et son soutien à la résistance à l’occupation». Le parti a par ailleurs lancé un appel à la population et aux partis politiques pour «prendre des mesures et rejeter cette démarche inquiétante, de manière à pousser le régime marocain à revenir sur sa décision et tenir le gouvernement responsable de ses actions».