La reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël est un événement majeur. Une annonce qui coïncide avec la célébration du premier jour de la fête juive Hannouka. Une reprise qui met un terme à une «rupture officielle» de deux décennies.
C'est en effet le 1er septembre 1994, soit une année après la signature le 13 septembre 1993 à la Maison blanche des accords d’Oslo entre les Israéliens et l’Organisation de Libération de la Palestine de Yasser Arafat, que le Maroc et Israël décidaient d’ouvrir des bureaux de liaisons à Rabat et Tel-Aviv.
Une expérience qui n’a pas résisté à la montée de la droite israélienne, notamment après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. La visite-provocation d’Ariel Sharon, en septembre 2000, à l’esplanade de la mosquée Al Aqsa avait précipité la rupture et un retour à la case départ.
Bourita justifie la reprise sur Al Jazeera
Force est de constater que cette reprise des relations dépasse de loin le cadre de 1994. Outre l’argument politique, le facteur économique est fortement présent dans ces retrouvailles chaperonnées par le président américain sortant, Donald Trump. Le cabinet royal précise dans son communiqué que le royaume a décidé d’ «accorder les autorisations de vols directs pour le transport des membres de la communauté juive marocaine et des touristes israéliens en provenance et à destination du Maroc ; reprendre les contacts officiels avec les vis-à-vis et les relations diplomatiques dans les meilleures délais et promouvoir des relations innovantes dans les domaines économique et technologique dont, à cet effet, œuvrer à la réouverture des bureaux de liaison dans les deux pays, comme cela fut le cas antérieurement et pendant plusieurs années jusqu’en 2002».
Dans des déclarations à la chaîne Al Jazeera, le ministre des Affaires des étrangères marocain a expliqué que «ces dispositions ne constituent pas une nouveauté, le bureau de liaison existait déjà». Nasser Bourita a souligné que la reprise des relations «contribuera» aux efforts de paix au Moyen Orient, précisant que «tout rapprochement entre Rabat et Tel Aviv ne se fera pas au détriment de son engagement en faveur de la question palestinienne. C’est, d’ailleurs, le message que le roi Mohammed VI a transmis au président Mahmoud Abbas».
Des liens officieux désormais officiels
La «rupture officielle» n’a pas pour autant constituer un obstacle au développement des liens militaires et économiques ces 18 dernières années. L’expertise israélienne dans l’industrie de l'armement est présente dans la flotte des drones des Forces armées royales. En 2014, par l’entremise de la société française Dassault, Tel-Aviv a accepté de fournir trois drones de type Heron TP.
Les quatre avions Gulfstream G-550, dotés de technologies d’espionnage capables d'aveugler les défenses ennemies, que se prépare à recevoir l’armée de l’air sont équipés de système d’intelligence, de surveillance et de reconnaissance (ISR selon son acronyme en anglais) de fabrication israélo-américaine. Cette normalisation pourrait également rapprocher le Maroc de l’acquisition de l’avion F-35, d’autant qu’une autorisation d’Israël est capitale pour la réalisation du contrat, en témoigne le précédent avec les Emirats.
Quant aux échanges économiques, ils ont poursuivi leur trend haussier, et ce, malgré les dénégations répétées des gouvernements Benkirane et El Othmani prétendant que le Maroc boycotte Israël. En 2019, ils ont enregistré une hausse de 27% par rapport à 2018. L’expertise israélienne a pris également racine au Maroc. Certaines grandes entreprises spécialisées dans l’agriculture, telle que Netafim sont déjà présentes au royaume.
D'ailleurs, Nasser Bourita a rappelé sur Al Jazeera que le Maroc a accueilli «l’année dernière plus de 70 000 touristes israéliens originaires du Maroc». Avec des liaisons aériennes, le nombre de touristes israéliens devraient sensiblement croitre.