L'intervention des Forces armées royales marocaines dans la zone tampon au sud d’El Guerguerate a-t-elle irrité la Mauritanie ? Des médias algériens et pro-Polisario ont fait la part belle a l'analyse d’un politologue mauritanien. Ce dernier a fait part de la «colère» de son pays, expliquant que les «changements de positions de l’armée marocaine au Sahara occidental irritent la Mauritanie». Des affirmations qui servent d’arguments pour les médias du Polisario et algériens pour contrer l’élan de soutien dont a bénéficié le Maroc ces derniers jours, émanant de plusieurs pays africains, arabes et d’Amérique latine.
Pourtant cette analyse ne résiste pas aux témoignages de terrain en Mauritanie. Contacté par Yabiladi ce lundi, Saleh Ould Hanenna, ancien officier et président du parti mauritanien de l'Union et du changement (HATEM) dément catégoriquement. «Il n'est pas question d'un inconvénient politique ou sécuritaire ou de colère à propos de l’intervention marocaine à El Guerguerate. Ces informations sont sans fondement», tranche-t-il.
«Le peuple mauritanien satisfait des mesures marocaines»
La figure politique mauritanienne rappelle que «la Mauritanie adopte une neutralité positive mais préfère ne pas avoir de problème». Il explique aussi que «l’intervention marocaine a été nécessaire pour ouvrir la voie, tandis que la Mauritanie a profité de cette intervention, qui s'est reflétée positivement sur ses marchés».
«Dans notre parti, nous considérons que cette étape était nécessaire et que le Maroc n’avait pas de deuxième option pour ouvrir le passage.»
Pour sa part, El Hafed Ould El Ghabed, chercheur, politologue et journaliste mauritanien a du mal à déceler une quelconque colère en Mauritanie sur le sujet. «Le peuple mauritanien, dans son écrasante majorité, est satisfait des mesures marocaines qui ont ouvert l'importante route internationale entre la Mauritanie et le Maroc, dont la fermeture constitue une agression flagrante contre le plan de la MINURSO et les efforts internationaux pour favoriser la paix», confie-t-il. «S'il y avait de la colère ou de l’inquiétude, elle pourra émaner d’un groupe limité qui sympathise, en raison d'un lien social ou politique, avec le Polisario. Ce n'est qu'une sympathie formelle», ajoute le chercheur et politologue.
«Quant à la Mauritanie officielle, je crois que le Maroc n’a franchi le cap qu'après des consultations, en tant que partie concernée par une neutralité positive sur cette question. Je pense aussi que le Polisario, en fermant le point de passage, a fait un pas irréfléchi qui lui a fait perdre la crédibilité, car il a atteint les intérêts internationaux et non seulement l'intérêt du Maroc.»
Pour l’expert, «ce type d'information s'inscrit dans le cadre de la propagande qui n'a aucune influence sur la décision politique en Mauritanie».
Une «coopération maroco-mauritanienne avant l’intervention militaire»
Pour sa part, le journaliste Cheikh Ahmed Amine, rédacteur en chef du site d'information Anbaa.Info, rappelle que l’information a été notamment relayée par certains médias marocains. «J’ai lu d’abord l’information sur Al Massae mais pour moi, elle est sans fondement». «Selon mes informations, il y a eu une coopération militaire entre le Maroc et la Mauritanie avant même la réouverture de ce passage bloqué par le Polisario», ajoute-t-il.
«C’était une opération presque secrète, car avant l’intervention marocaine, la Mauritanie a dépêché son armée vers les frontières Nord. Ces forces mauritaniennes se sont retirées dès que le passage-frontalier a été sécurisé par les forces marocaines. S’il y avait une colère, les forces mauritaniennes ne se seraient pas retirées de la zone.»
Le journaliste met en avant la conversation téléphonique entre le roi Mohammed VI et le président mauritanien Mohamed Cheikh Ould Ghazouani, «signe d’une coopération étroite» entre les deux chefs d’Etat.
Pour lui, «ces informations sont destinées à la consommation médiatique et leur but est d’influer sur le rapprochement maroco-mauritanien récent». «El Guerguerate est aussi important pour la Mauritanie, puisque sa fermeture a privé le pays des droits de douanes et d'échanges commerciaux», conclut-il.