«Rares sont les clients qui demandent encore des sfenj», ces beignets baignant dans l’huile que l’on apprécie avec un bon verre de thé à la menthe. «Ils cherchent tous des chebakias», explique ce commerçant, les mains dans la pâte. C’est alors que les sfenj se muent en chebakias qui se vendent comme des petits pains en ce mois sacré. «On vend dans les 120 kilos par jour de chebbakias, et même plus les premiers jours, mais après ça ralentit vers le 15ème jour du ramadan» nous assure ce vendeur de chebbakias.
Une demande fleuve
Un peu plus loin, un fabriquant de feuilles à pastilla a posé bagages. Poêles plats reliés par des tuyaux à des bombonnes de gaz, ces installations vétustes ne sont pas là pour durer. Ce sont les renforts que Mohamed a mis en place pour répondre à la demande «fleuve» durant le mois de ramadan. «Je suis là toute l’année, je fais des feuilles à pastilla, nous assure-t-il, mais pendant le ramadan, les gens ont plus tendance à faire des briouates et des ch’hiouates en général, alors je prends quatre ou cinq autres employés» pour ne rien perdre de cette affluence saisonnière.
Les «baghrir women» à la rescousse des salariées
«Franchement, je ne sais pas ce que je ferai sans ces dames qui vendent les m'laouis et le baghrir», soupire Naima, fonctionnaire. «Je sors à 15h du travail, mais je suis tellement épuisée… Et les mêmes produits coutent très cher dans les pâtisseries, c’est la surenchère. Alors que chez ces dames, c’est vraiment à la portée de tout le monde et c’est très bien fait».
L’enthousiasme, voire la gratitude, de Naima est largement partagée par toutes les dames agglutinées autour de Hafida, la vendeuse. «Les gens sont plus gourmands pendant le ramadan. Au lieu d’acheter leur quantité habituelle, ils achètent le double ou le triple», nous assure Hafida. «Un monsieur vient de me commander 100dhs de baghrir. C’est énorme ! J’espère qu’il a invité toute sa famille pour le ftour (rires)», poursuit Hafida qui officie toute l’année dans les ruelles du quartier Mâarif, sinon près de chez elle, avenue Mohamed VI quand elle est fatiguée. «Mais ici à Mâarif, je double les prix, et ça se vend même plus facilement. Les gens ont plus d’argent ici.»
Jus en bouteille vs jus d'oranges pressées
Des vendeurs de jus en bouteille, à l’emballage imprimé en espagnol, pullulent également. «On achète la marchandise dans le nord (du Maroc) […] les Marocains adorent boire du jus pendant le ramadan», nous assure curieusement ce vendeur que les clients semblent bouder, pas rassurés par les produits proposés. «On ne sait rien sur la provenance de ces jus, ils peuvent être périmés…», explique ce monsieur qui a préféré acheter du jus d’oranges pressées devant lui. «In sait ce qu'on boit, c'est naturel, sans colorant et c'est moins cher !»
Mois de ramadan donc, mois de jeûne mais aussi de grande consommation. La nourriture censée être reléguée au second plan au profit de la prière et de la spiritualité, finit trop souvent par prendre le dessus. Et ce n’est pas les pâtissiers et autres vendeurs de nourriture qui vont s'en plaindre.