Devant les membres de la Commission des finances à la Chambre des représentants, le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a dressé un tableau sombre de la situation économique du royaume, frappé de plein fouet par la pandémie du coronavirus.
Tout en passant en revue les mesures mises en place, le wali de la banque centrale a exposé un bilan provisoire de ces actions. Il a ainsi annoncé quelques nouveautés, comme la réévaluation des mesures prises auprès des banques, pour rectifier ou prolonger certaines décisions. «La crise que nous vivons n’est pas sans effet sur le secteur bancaire, notamment en ce qui concerne les impayés et les coûts des risques. A la fin des neuf premiers mois, les créances en souffrance ont augmenté de 70 à 79 MMDH», souligne le patron de la Banque centrale.
Dans son exposé, Abdellatif Jouahri a reconnu que des efforts «exceptionnels ont été mis en place». «Ces mesures ont certes permis d’atténuer les impacts de la pandémie sur la situation économique et sociale, mais les effets de cette crise restes exceptionnels», a-t-il ajouté.
Croissance, marché du travail et vie sociale impactés
Rappelant les indicateurs et les derniers scénarios de Bank Al-Maghrib, il a noté que le Maroc connaîtra «une forte récession de l’économie, une perte sensible de postes d’emploi et une instabilité des équilibres macroéconomique». «Les derniers développements de la pandémie, au niveau interne comme externe, aggrave les inquiétudes quant à l’évolution de cette situation. A chaque fois que nous consultons les publications des institutions comme la banque mondiale, l’OCDE, le mot d’ordre est l’incertitude», lance-t-il aux députés.
Côté chiffres, le patron de la Banque centrale a rassuré sur l’inflation qui restera à moins de 1% en 2020 et en 2021. Toutefois, le taux de chômage constitue le «vrai point noir». «Lors du 3ème trimestre, près de 581 000 postes ont été perdus, tandis que le taux de chômage a augmenté de 3,3 points pour atteindre 12,7% au niveau national», rappelle-t-il, notant que ce taux passe à 16,5% dans le milieu urbain et à 46,7% chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans.
Abdelatif Jouahri a noté que le déficit du compte courant s’aggravera, tandis que le déficit budgétaire atteindra 7,9%, et l’endettement du Trésor public grimpera à 76% du PIB en 2020 avant de revenir à 75%.
«Cette crise à de multiples facettes. Sur le court terme, la relance sera lente en général et durera dans le temps pour certains secteurs, car elle dépendra de l’évolution de la pandémie et de ses délais, en attendant de trouver une issue. La plupart des indicateurs l’attestent, il faut attendre 2023 pour la relance.»
Accélérer les réformes pour immuniser l’économie
Quant au long terme, le Wali de Bank Al-Maghrib a estimé que les conséquences de la crise sont incertaines avec des changements radicaux, comme la révolution digitale, la place des politiques protectionnistes, l’aggravation des écarts entre classes et entre régions. «Pour nous, les mesures ont permis d’atténuer mais il faut en tirer des leçons et faire face aux points de faiblesses qu’elle a démasqués», plaide-t-il. Il a cité notamment les déficits du système de santé, la vulnérabilité économique d’une importante part de la population, la place du secteur informel, la vulnérabilité du secteur productif ou encore l’omniprésence du cash dans les échanges économiques.
Le Wali de la Banque centrale a considéré nécessaire l’accélération des réformes structurelles et les programmes qui doivent renforcer la résilience économique et sociale pour permettre au royaume de «faire face aux prochains défis et les futures crises». «Nous avons joué et nous continuons de jouer aux sapeurs-pompiers. Il est nécessaire, d’un point de vue structurel, qu’un travail soit fait pour donner de l’immunité à notre économie et notre société particulièrement», insiste-t-il.
«Sans résilience, nous continuerons à jouer aux sapeurs-pompiers et il faut rappeler que les choses ne cesseront de s'aggraver, avec les changements climatiques, le stress hydrique,...», conclut-il, en plaidant pour l’investissement dans le capital humain à travers l’Education et la Santé.