Trois jours après le cours où l’enseignant d’histoire-géographie, Samuel Paty, a montré des caricatures du prophète Mohammed, un parent d’élève de cet établissement a déposé plainte pour «diffusion d’images pornographiques à une mineure». Il s’agit de Brahim C., père d’une élève de 13 ans, qui a fait part à sa petite famille du déroulement du cours à son retour du collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Après l’attentat terroriste qui a visé le professeur, vendredi dernier, le ressortissant franco-marocain a été placé en garde-à-vue.
Samedi, BFM TV a rappelé la succession des plaintes, indiquant que celle de Brahim C. a donné lieu à une enquête. Le 12 octobre, soit lundi dernier, l’enseignant a été entendu par la police. Après avoir écouté la déposition du père, il a soutenu que la version du père ne rendait pas compte des faits réels, ajoutant que l’élève en question aurait été absente ce jour-là. Il a également déclaré avoir fait un cours d’éducation civique, en montrant en effet les caricatures, mais tout en soulignant que cette séquence entrait dans le cadre d’un traitement incluant une thèse, une antithèse et une synthèse sur le thème de la liberté d'expression.
A la suite de son audition, Samuel Paty a décidé à son tour de porter plainte pour «dénonciation calomnieuse». Quatre jours plus tard, il a été décapité par un jeune homme de 18 ans, et «l’objet de l’enquête est de savoir s’il s’agissait d’une vengeance», selon le média français. Sans faire explicitement référence au cours, le terroriste abattu après l’attentat a cependant donné le nom de l’enseignant, dans un tweet où il s’adresse également au président Emmanuel Macron, le qualifiant de «dirigeant des infidèles» et disant vouloir «venger le prophète».
Un signalement à la justice et aux associations
Avant de saisir la justice, Brahim C., dont les soutiens se sont mobilisés sur les réseaux sociaux après sa garde-à-vue, a appelé à des sanctions à l’encontre de Samuel Paty. Sur un groupe Whatsapp, des messages que Yabiladi a pu consulter et lui étant attribués racontent les faits, sur la base du récit de sa fille. «Ce matin, le prof d’histoire de ma fille en quatrième demande à toute la classe que tous les élèves musulmans de la classe lèvent la main. Ensuite, il leur dit de sortir de la classe car il va diffuser une image qui va les choquer. Certains sortent et d’autres refusent dont ma fille. Ce professeur diffuse l’image de notre cher bien aimé prophète», a indiqué le parent.
Evoquant «une honte venant de la part d’un professeur qui apprend à nos/vos enfants l’histoire», il promet de «ne pas laisser passer» et de saisir le directeur de l’établissement dès le lendemain, car sa fille a été «exclue pendant deux jours du collège». Dans ses messages, Brahim C. aurait également appelé d’autres parents à «écrire un courrier au directeur de l’école pour virer ce malade» (sic) et donne l’adresse à cet effet.
«Faites au minimum un courrier au collège, au CCIF, à l’inspection académique, au ministre de l’Education ou au président», aurait-il écrit plus tard, insistant en tout cas sur l’importance de «faire quelque chose». Selon lui, le défunt enseignant aurait déclaré à l’élève avoir participé à la marche de soutien à Charlie Hebdo. Plus tard, le père aurait confirmé avoir déposé plainte et avoir appelé à contacter le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF).
«Qui est pour mettre des caméras en classe, comme au foot», aurait-il proposé plus loin, avant d’appeler à soutenir sa fille, qui aurait été «harcelée plusieurs fois par son professeur d’histoire». Encore plus tard, Brahim C., soutenu par un islamiste franco-marocain Abdelhakim Sefrioui, aurait annoncé que la direction du collège chercherait à «couvrir» Samuel Paty, lequel, selon lui, aurait «choqué des centaines d’enfants depuis longtemps».
Un attentat suivi d’une série de polémiques
Au lendemain de l’attentat après lequel le terroriste a été tué lors d’une intervention policière pour l’arrêter, enseignants de confession musulmane comme associations ont indiqué sur les réseaux sociaux avoir été critiqués, voire menacés par différentes parties qui les tiendraient complices des faits. Dans l’atmosphère du deuil collectif, le CCIF a réagi aux polémiques, confirmant avoir été saisi par Brahim C. «Selon le premier témoignage parvenu au CCIF, l’enseignant aurait demandé aux élèves musulmans de sortir de la classe car il allait montrer le prophète Mohammed nu», a indiqué l’association, dans un communiqué.
«Au stade où en était l’affaire ce 16 octobre, l’équipe du CCIF était à l’étape des vérifications d’informations, car si effectivement nous n’intervenons pas dans les cas où le cours porte sur la liberté d’expression et qu’il se sert de Charlie Hebdo pour en parler, nous agissons lorsqu’il est question de discrimination et de fichage des musulmans», a encore souligné le Collectif. Et d’ajouter que jusqu’à ce moment-là, «aucune action n’avait été entamée». «Même si cela avait été le cas, c’est l’occasion pour nous de rappeler notre premier principe dans la lutte contre l’islamophobie : la médiation se basant sur le droit. Aujourd’hui, il est trop tard pour cela, et l’horreur qui a touché cet enseignant nous bouleverse au plus haut point», a déploré l'ong.
Plus loin, elle dément avoir «mené une campagne de harcèlement contre cet enseignant», ajoutant que «cela est faux et constitue donc une diffamation d’une grande abjection». «L’enseignant Samuel Paty fait partie de nos morts, des morts de notre pays, ceux qui sont les victimes de l’extrémisme, et avant d’en arriver à identifier les responsables, nous exprimons notre douleur et notre tristesse à la famille de cet enseignant, et celles et ceux qui lui ont été proches», a annoncé le CCIF.
Le Collectif a également annoncé un dépôt de plainte contre la députée LREM pour les Yvelines, Aurore Bergé, ainsi que Zineb El Rhazoui, qui auraient tenu le CCIF responsable des faits. Dimanche, l’élue s’est exprimée favorable à la proposition du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, de dissoudre l’association. Ce lundi matin sur Europe 1, le responsable a évoqué une nouvelle fois le projet, ajoutant que BrakaCity serait également visée.