Contre vents et marées, la commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants a tenu, mardi, sa séance consacrée à l’examen de propositions de lois des élus pour les retraites des parlementaires. Une séance marquée, à la grande surprise générale, par des interventions de ses membres qui se sont interrogés du timing de la programmation de ladite réunion.
La rencontre a surtout été marquée par une intervention remarquée de Driss El Azami El Idrissi, ancien ministre chargé du Budget, maire actuel de Fès et membre du groupe parlementaire du PJD à la chambre basse.
«Je le dis clairement et en réponse au populisme odieux et l’atteinte aux institutions : Le Maroc est fort par ses institutions et à sa tête Sa Majesté le Roi que Dieu le préserve et avec lui le gouvernement, le Parlement, les institutions territoriales et les autorités locales qui, grâce à eux, l’Etat est solide», lance-t-il avec colère.
Les influenceurs et le débat «populiste» en ligne de mire
«Ces personnes ne travaillent pas pour Dieu. Ils le font certes en implorant la miséricorde de Dieu mais il leur faut, à la fin du mois, de quoi nourrir leurs enfants», enchaîne-t-il.
«Le Parlementaire doit-il travailler gratos ? Le gouvernement, les walis et gouverneurs, les directeurs de service, les chefs et les fonctionnaires travailleront-ils gratos, sans salaires ? C’est du populisme et nous devons faire face, sans avoir peur de ce qu’on appelle des attaques des soi-disant influenceurs sociaux ?»
L'ancien chef du groupe du PJD à la Chambre basse s’en prend ainsi violemment aux internautes sur les réseaux sociaux, s’interrogeant de la «richesse qu’ils ont produit». «Au contraire, ils portent atteinte à l’économie, au social et au paysage politique du pays et au lieu de permettre la transparence et laisser les partis, la société civile et les médias assument leurs rôles, ils induisent les gens en erreur», fustige l’actuel maire de Fès.
Reprennt la parole, quelques minutes plus tard, Driss El Azami El Idrissi aborde aussi le cumul des fonctions, n’y voyant aucun problème, si «la personne remplit des fonctions». «En plus, un avocat et parlementaire, qui n’a pas de détachement, ne cumule-t-il pas des indemnités ? Un médecin ? Un notaire ? Un entrepreneur ?», s’interroge-t-il avant d’appeler à ne pas «cibler le maillon faible et oublier le reste».
«Si je ne suis qu’élu parlementaire, enfermez-moi ici», lance-t-il aux présidents de groupes parlementaires ayant évoqué aussi le cumul des indemnités. «Lorsque je sors de chez moi, je n’ai que ça, alors qu’un avocat part vers son boulot, tout comme le médecin, le notaire», poursuit l'ex-président du groupe de la Lampe à la Chambre basse. «Encore une fois, nous vaincrons le populisme et c’est notre devoir malgré les posts (sur les réseaux sociaux, ndlr) et les erreurs, la vérité brillera», conclut-il.
Bénévolat pour les élus pour contrer les remarques sur le cumul des fonctions
Pourtant, en évoquant les retraites parlementaires et en plaidant pour une «liquidation» de ce que certains qualifient de «rente», Driss El Azami El Idrissi omet de mentionner le calcul politique entrepris par son parti qui, après avoir déposé une proposition de loi dans ce sens, a préféré enterrer le texte, s’allier avec les partis de la majorité en plus de l’Istiqlal et du PPS pendant deux ans, avant d’annoncer qu’il revient à sa première idée, à la vielle de ce débat.
Même s’il appelle à la définition d’un délai pour «liquider» ce dossier de retraites, le parti au pouvoir ne s’est pas opposé à la formule trouvée, en 2018, par le bureau de la Chambre des représentants. Celui-ci avait décidé ainsi que la pension ne sera servie que lorsque l’élu(e) atteint 65 ans au lieu d’un versement dès la fin du mandat parlementaire. Ils avaient également opté pour une pension proportionnelle au nombre de mandats, avec le maintien de la cotisation mensuelle fixée à 2 400 dirhams, sans pour autant permettre le cumul de cette pension avec d’autres indemnités depuis l’argent des contribuables.
Driss El Azami El Idrissi a dévié le débat vers le «bénévolat des élus», alors que la question était de s’intéresser aussi au cumul des indemnités, pointé du doigt par certains. Il s’est probablement senti visé, lui qui cumule, en plus de son mandat de parlementaire, des indemnités pour sa fonction de maire de la ville de Fès. «Après des mois et d’ici septembre prochain, il commencera – s’il n’est pas réélu- à toucher une pension ministérielle (...) et il vivra le reste de sa vie avec une pension ministérielle», affirme le politologue Omar Cherkaoui sur sa page Facebook en réaction aux propos d’El Azami.
Le PJD est d’ailleurs bien placé pour défendre une retraite pleine et immédiate après le mandat d’un parlementaire ou parler de cumul de fonctions. Plusieurs de ses ministres et actuels élus assument, en effet, plusieurs fonctions à la fois, comme Aziz Rebbah, ministre et maire de Kenitra ou encore Abdelali Hamieddine, conseiller, vice-président de la région Rabat-Salé-Kenitra et président de la Commission de la justice à la Chambre haute du Parlement, et reçoivent de ce fait des indemnités conséquentes.