La jet-set qui a «fait» Marrakech migrerait discrètement vers Tanger. Les salons adorent ce genre d’histoire. Ils ajoutent qu’il «faut suivre le wali Hassad à la trace pour faire de bonnes affaires». Il y a peut-être un avertissement dans ces ragots: n’y a-t-il pas une bulle spéculative à Marrakech? La magie de Marrakech va-t-elle durer? peut-elle durer? quels sont les ingrédients de sa durabilité?
En fait Marrakech se développe toute seule sur sa propre lancée. «Elle n’a pas besoin de plan de développement», disent en cœur et depuis longtemps toute une partie des professionnels locaux relayés par une partie des autorités locales. L’autre partie des professionnels et des autorités locales développent exactement le point de vue opposé à partir du même constat : «puisque Marrakech se développe toute seule, il faut un plan très précis pour que ce développement ne se retourne pas contre la ville et qu’un jour le produit Marrakech ne soit bradé».
Valeur aujourd’hui, Marrakech «est en train de préparer un plan», ce qui revient à ne pas en avoir tout en satisfaisant les tenants du plan. Il n’y pas de solution toute prête car le programme de développement touristique est de fait un programme d’aménagement du territoire, sans que cela ait été dit clairement. C’est le premier niveau du problème de pilotage que pose la Vision 2010. Mais il y en a d’autres que devront éclaircir, autant que faire se peut, les Assises nationales d’Agadir les 9 et 10 décembre. Cela tombe bien, les assises nationales sont faites pour vider les querelles maroco-marocaines avant les Assises internationales (le 3 mars prochain à Fès). A ce moment-là il faudra s’être mis d’accord et marcher comme un seul homme.
La question du pilotage est exactement la question qui fâche et ce n’est pas pour rien que depuis le démarrage de «Vision 2010» tout le monde a évité de mettre ce sujet au programme d’une des assises.
Ce ne sont pas des questions faciles. En effet, le tourisme s’imbrique dans la société marocaine, la politique touristique, elle, s’imbrique dans la politique tout court, pas seulement dans la politique économique. Par exemple, sont laissées dans le flou les questions des pouvoirs respectifs des walis, des maires et des Conseils régionaux du tourisme, des relations que chacun de ces acteurs entretient avec l’Etat. Et puis il y a des questions tabous: le gouvernement et le ministre du Tourisme ont engagé leur responsabilité politique sur les «10 millions de touristes en 2010». Ne risquent-ils pas de faire de la quantité à la place de la qualité? Et inversement, ceux qui veulent faire cette fameuse qualité, ne cachent-ils pas sous cette référence l’envie de fermer le secteur aux nouveaux arrivants?
Bonne question…
Et les RH ?
Aux assises, le deuxième sujet, avant le très à la mode «tourisme durable» (qui sera traité le dimanche 10 décembre) porte sur les ressources humaines. La question est simple, la réponse ne l’est pas: mais pourquoi donc personnes n’est content, ni les clients qui trouvent le personnel gentil mais pas assez professionnel, les employés qui trouvent que les patrons sont des exploiteurs sans vision à long terme et les patron qui disent qu’ils ne trouvent personne à la hauteur des métiers du tourisme. Tout le monde a raison. Le tourisme n’attire pas assez les jeunes à potentiel car ils ne voient pas où sont les carrières possibles, les patrons sous-payent leur collaborateurs car «ils faut tout leur apprendre». Pourtant, le secteur va droit dans le mur s’il ne réagit pas à toute vitesse et intelligemment au goulot d’étranglement qui se présente sur les ressources humaines.
Source : L'Economiste