Les pharaons ont remporté l’une des plus belles coupes d’Afrique. En effet nous avons eu du spectacle, des buts et de l’émotion. Pour nous marocains on retiendra surtout la débâcle de l’équipe nationale, une des plus sévères à travers l’histoire footballistique du Maroc. Au début des années 80, la déroute face à l’Algérie à Casablanca avait secoué le football marocain. L’électrochoc a donné naissance à la plus belle équipe que le Maroc ait connu, il s’agit bien sûr de la génération 1986. L’élimination de la coupe du monde 2006 a précipité l’équipe nationale dans une profonde crise. Nous avions interrogé nos internautes au début de la CAN 2006, sur les raisons de la crise du football marocain. Le naufrage du Nil a constitué la goutte qui a fait déborder le vase…, en effet plus de 4000 personnes ont répondu à nos questions. Analyse.
La crise actuelle a commencé lors de l’éviction de Zaki, méprisé avant la CAN 2004, adulé après le parcours honorable de Tunis et détesté par la suite. Au Maroc on a coutume de s’en prendre aux entraîneurs après les échecs, chacun y va de son analyse, tout le monde a un avis sur la question. La popularité de Naybet n’a pas joué en faveur de Zaki, le public et surtout la presse réclamaient la tête de Zaki. Pour la fédération l’occasion était trop belle pour se débarrasser d’un entraîneur trop travailleur, honnête et aux choix discutables. Mais cette fois, après l’élimination de la CAN 2006, les doigts accusateurs sont pointés vers la fédération marocaine de football. 75% des internautes ayant répondu à notre enquête estiment que la fédération a ruiné les espoirs du football marocain. Issi pense que « le problème réside dans le fait que la fédération marocaine n'assume pas ses responsabilités. Donc c'est un problème de fédération. Il faut savoir que c'est la fédération qui dirige l'équipe nationale par la désignation des entraîneurs ». Amine quant à lui regrette que le foot ne soit pas considéré dans sa dimension réelle : « C'est dommage que les responsables ne prêtent pas une importance particulière à ce sport. Un bon parcours de l’équipe nationale renforce la fierté des marocains et par conséquent leur attachement à leur pays et favorise ainsi la cohésion nationale. Il ne faut plus traiter ce sport comme simplement « un sport », car les enjeux autours de ce sport vont plus loin que le simple aspect sportif de la chose ». La débâcle des lions de l’atlas a pris une tournure politique. Le sentiment de gâchis, la gestion hasardeuse de la fédération marocaine à quelques semaines de la CAN a fini par dévoiler les lacunes énormes qui minent le football marocain. L’état déplorable du championnat national, les images des pelouses honteuses de nos meilleurs stades ont battu en brèche les ambitions démesurées du Maroc 2010. Rocnii résume la situation par une demande que beaucoup de marocains aimeraient proposer : « Je veux vous demander Messieurs les responsables de la FRMF de vous occuper des terrains avant de poser notre candidature pour la coupe du monde ».
Le contraste saisissant entre les ambitions mondialistes et la réalité des terrains de football dans notre pays n’a pas l’air d’émouvoir les responsables marocains. Au lendemain du retour en catimini du Caire, la fédération a tenu sa réunion d’évaluation avec le nouvel entraîneur. A la sortie rien à se mettre sous la dent pour les journalistes présents, même pas une démission, encore moins un limogeage ! Bref rien à signaler, au pays des merveilles tout baigne. « Les passages à vide arrivent aux meilleurs, tenez, la France a fait comme nous lors du mondial 2002 » s’exclame un responsable fédéral, trop content de son argument, il se montre offensif, presque agressif. Monsieur le responsable semble ignorer la réalité douloureuse du football marocain. Clubs à l’agonie exception faites de trois ou quatre, les caisses sont vides, les stades ressemblent plus à un champ de fantasia, le football national n’est plus capable de produire des joueurs de la pointure de Dolmi ou Timoumi, et ce depuis belle lurette. L’ossature de l’équipe nationale est formée en Europe sûrement pas grâce à l’argent de notre fédération. Le Maroc n’a pas remporté de titre depuis 30 ans, il a brillé une seule fois au mondial 1986 avec la génération Timoumi. Le bilan donc est largement désastreux. Certains internautes vont droit au but –chemin difficile pour les lions de l’atlas- et pose les termes du vrai débat qui devrait animer les couloirs de notre fédération. El Aakel (le sage) délivre sa vision « personnellement je l'expliquerai par le fait que le temps et les choses évoluent trop vite, mais nos mentalité de bouchkara, ne suivent pas cette évolution. Aussi il fut un temps, où des gens comme Awzal , Benslimane ....étaient crédibles pour diriger la FRMF, mais maintenant leur temps est révolu. Il nous faut des cadres qui proposent un mix jeunes et gens d'expérience, dont les mission au sein de la FRMF sont bien définies. Le foot aujourd'hui est devenu un champ politique où chaque pays mets en place ce qui lui permet de se vendre au mieux aux instances internationales. Nous, on a qui pour défendre notre pays devant la FIFA ? Qui a la posture, les contacts, et le poids qui peut basculer des décisions de la FIFA à notre faveur. Il faut qu'on sache mettre le gens convenables aux postes sensibles au sein de la FRMF ».
Hichamo pointe du doigt le sommet de la hiérarchie fédérale « Pourquoi Benslimane doit rester à la tête de la fédé ? Est-ce que mettre un civil est contre la religion ou la constitution ? Il me semble que c'est trop. Qu'ils mettent quelqu'un qui puisse faire un peu de ménage et se consacrer à reformer la fédé et football national ». Voilà qui est dit !
Pour 10% des internautes, il s’agit bien d’un problème d’entraîneurs qui profitent des largesses du Maroc. L’épisode « Troussier » a sans doute renforcé cette conviction. L’opposition du cadre local au cadre étranger a toujours alimenté les débats du football marocain, un débat outrageusement alimenté par une presse sportive insultante et ignare.
Les joueurs sont aussi pointés du doigt par 10% des sondés, pour Reda « la fédération n'y est pour pas grand chose comme beaucoup prétendent. Pour gagner il faut une bonne équipe donc de bons joueurs !!! Ce ne sont pas les dirigeants de la Fédération qui mouillent le maillot ». Une autre internaute va plus loin en accusant les joueurs de ne pas remplir leur mission pour l’équipe nationale : « Ils s'en foutent en fait du résultat réalisé par le team marocain du moment qu'ils sont épargnés et qu'ils vont après rejoindre leurs clubs en Europe ou ailleurs ! ». L’immense déception d’un Chamakh ou l’amertume d’un Regragui après l’élimination laisse peu de place au doute sur leur volonté de servir l’équipe nationale.
Le public marocain quant à lui n’aurait pas jouer un quelconque rôle négatif dans la crise actuelle, ils sont 4 % seulement à le mettre en cause. El Aakel estime que « Les médias marocains manquent de professionnalisme et d’objectivité, et utilisent le caractère colérique du public pour augmenter leur ventes sur le compte de l'EN ».
La dégradation générale que vit le sport marocain au moment même ou d’autres secteurs économiques et sociaux connaissent un assainissement rapide, laisse planer le doute sur la volonté réelle de changement et de rupture avec les vielles méthodes de gestion des biens publics. On pourrait réduire le sport à sa dimension ludique et faire l’économie de ce débat qui semblerait stérile pour certains, mais le sport est d’abord un secteur économique et social important, rien ne justifie sa mise à l’écart dans le processus de réforme dont on nous demande de prendre acte. La mauvaise gestion doit être combattue partout si l’on veut une adhésion pleine et entière de la société au processus de mise à niveau.
Rachid
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