Une récente décision de la Turquie, qui envisage l'acquisition de missiles de longue portée produits par une entreprise d'Etat chinoise afin de renforcer son système de défense, suscite la colère et l'inquiétude de ses partenaires au sein de l'OTAN. Le dossier, devenu brûlant, devait être évoqué mardi 1er octobre, par les ambassadeurs auprès de l'Alliance atlantique. C'est le 26 septembre que le ministère turc de la défense a évoqué l'ouverture de négociations avec la firme China Precision Machinery Import-Export Corporation (CPMIEC), qui produit le missile Hongqui (ou HQ-9 SAM), calqué depuis 1980 sur une version de l'ancien missile russe S-300. Ankara avait lancé un appel d'offres en 2009, pour un marché de 12 batteries, estimé à quelque 2,95 milliards d'euros.
La Turquie, qui compte, en nombre de soldats, la deuxième armée de l'OTAN, envisage à la fois de renforcer sa protection contre des attaques aériennes ou de missiles, de diversifier ses fournitures d'équipements et de trouver des partenaires en vue de la coproduction d'armements.En 2010, les autorités turques et chinoises ont signé un accord en vue de développer leur coopération stratégique et de tripler, à terme, leurs échanges commerciaux.
Outre CPMIEC, trois autres firmes s'étaient portées candidates pour le marché : la russe Rosoboronexport pour une version moderne du S-300, le duo américain Lockheed Martin-Raytheon pour le Patriot et l'alliance européenne Eurosam avec l'Aster-30. La firme chinoise aurait remporté le marché avec un prix inférieur de 25 % à celui de son premier concurrent. Elle aurait par ailleurs offert un transfert complet de sa technologie.
DISCUSSION POLITIQUE ORAGEUSE
Raytheon s'est publiquement étonnée, évoquant son "espoir d'en apprendre plus sur la décision" d'Ankara et rappelant que ce sont des missiles Patriot de l'OTAN qui protègent actuellement les frontières turques d'une éventuelle attaque syrienne : les Etats-Unis, l'Allemagne et les Pays-Bas en ont déployé six batteries il y a quelques mois...
La diplomatie américaine, qui avait mis en garde Ankara dès le mois de juin, décolère d'autant moins que CPMIEC a été sanctionnée pour avoir livré de l'armement à l'Iran, la Corée du Nord et la Syrie malgré l'embargo frappant ces Etats. Washington et Ankara s'étaient déjà disputées en 2006, quand la Turquie voulait acquérir des hélicoptères d'attaque mais disposer d'un accès complet aux codes des appareils, ce qui lui avait été refusé pour des raisons de sécurité.
L'acquisition des HQ-9 SAM chinois poserait un problème du même ordre : ces équipements ne sont pas compatibles avec les systèmes et les radars de l'OTAN, ce qui pourrait les rendre inefficaces. Ils pourraient devenir interopérables à condition que CPMIEC – et donc Pékin – accède à certaines données confidentielles de l'OTAN, ce qui paraît évidemment inconcevable.
L'affaire augure aussi d'une discussion politique orageuse : "Snober des partenaires quand on leur réclame une protection contre la Syrie ou lorsqu'on demande que le futur système de défense antimissile OTAN protège tout le territoire turc, c'est inconcevable", commente un diplomate.
Quand l'être humain montre la Lune, Bôfbôfbôf le chien regarde le doigt.
Les chiens aboient, la caravane passe.
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