La France a jugé "excessif", vendredi 18 décembre, l'encerclement du Centre culturel français de Jérusalem-Est par la police israélienne, jeudi. Cette dernière entendait empêcher une manifestation culturelle rappelant la part arabe de la ville, dont la partie orientale annexée après la guerre de 1967 est revendiquée par les Palestiniens. Il s'agit du dernier incident en date opposant le consulat général de France à Jérusalem, dont dépend ce centre, aux autorités israéliennes, qui multiplient les tracasseries à l'encontre de cette administration qui tient lieu d'ambassade de fait auprès de l'Autorité palestinienne, entravant son travail de coopération dans les territoires occupés.
Les agents du consulat ont ainsi les plus grandes difficultés depuis cet été à obtenir la carte de résident en Israël, délivrée jusque-là par le service du protocole du ministère des affaires étrangères israélien aux personnels de toutes les représentations étrangères installés sur son territoire, Jérusalem-Est compris. Ce document leur sert de sésame et de sauf-conduit durant leur déplacement dans les territoires palestiniens. Sa détention est d'autant plus précieuse que, depuis un an, le personnel des ambassades et des consulats, français en Israël ou israélien en France, bénéficie d'une exemption de visa. Or une dizaine d'agents consulaires se sont déjà vus refuser cette carte de résident. Il s'agit pour la plupart de volontaires internationaux (l'appellation des coopérants du service national depuis la fin de la conscription obligatoire), titulaires d'un passeport de service.
"La conséquence, c'est que nous n'avons plus de titre de séjour en Israël", explique l'un d'eux, enseignant de français en Cisjordanie et qui préfère conserver l'anonymat. "A chaque passage de frontière ou de check-point, nous pouvons être arrêtés, placés en détention administrative, voire expulsés. Le consulat nous conseille de ne pas voyager à l'étranger de peur que nous soyons refoulés à notre retour sur le sol israélien." Un autre de ces coopérants renchérit : "Non seulement Israël refuse d'assumer les responsabilités qui lui incombent en tant que puissance occupante, mais il met des bâtons dans les roues des pays qui font ce travail à sa place."
Porte-parole du ministère des affaires étrangères israélien, Yigal Palmor relativise la portée de cette affaire. Selon lui, seulement six agents sont concernés, "qui ne disposent pas d'adresse en Israël". Il affirme aussi que le durcissement des conditions de délivrance de la carte de résident est une réponse au Quai d'Orsay, qui, selon lui, "est devenu plus regardant sur l'attribution des cartes d'identité aux diplomates postés en France". PROJETS MIS EN VEILLEUSE
La France garde pour l'instant le silence même si le nombre d'agents concernés augmente à chaque nouvelle arrivée en poste. Plusieurs projets de coopération, comme le département d'enseignement du français à l'université de Bir Zeït, en Cisjordanie, pourraient être mis en veilleuse. Une jeune Française qui devait y travailler, Elodie Michelet - qui n'était pas rattachée au consulat - a été refoulée au mois d'août lors de son atterrissage à l'aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv. Une anthropologue invitée à un colloque organisé par le consulat, Véronique Bontemps, a subi le même sort en novembre, parce que mariée à un Palestinien.
A moyen terme, c'est tout le dispositif d'assistance de la France dans les territoires occupés qui paraît menacé de paralysie. "A ce rythme, dans six mois, on ferme la maison", confirme un diplomate français, en référence au service de coopération implanté à Jérusalem-Est. En privé, beaucoup de diplomates font remarquer que d'autres représentations diplomatiques européennes installées à Jérusalem subissent des vexations similaires. Selon eux, les autorités israéliennes, soucieuses de préserver leur souveraineté sur l'ensemble de la Ville sainte, seraient tentées de les pousser vers Ramallah, la capitale de l'Autorité palestinienne. "Faux, il n'y a pas de complot, objecte M. Palmor. Ce problème est restreint à la France et il est soluble." Les employés du consulat ne demandent qu'à le croire.