Invité par une amie à une soirée restau, nous nous sommes retrouvés à six, devant l’établissement prévu. Ils ne prennent pas les réservations me dit l’amie en question, mais le service est rapide, on va attendre. J’aime pas attendre quand je peux faire autrement. Je suis, malgré tout, rentré dans ce restau, qui ressemblait plus à une cantine yabiladienne qu’à un fleuron de la gastronomie française.
Une dizaine de tables pourvues d’une paire de banc ou les clients serrés les uns contre les autres s’hurlaient des banalités pour couvrir la musique tonitruante expédiée par un DJ'Rachid via quelques enceintes acoustiques.
Bref, un restau branché.
En sus des deux cents personnes attablés, deux cents autres attendaient leur tour en sirotant un verre de pisse au krafésse vendu au bar du fond. J’émis quelques réserve sur le temps d’attente auquel nous allions être confrontés. « T’inquiète pas, ça tourne rapidement ».
Je me dirigeais donc avec mon groupe vers une hôtesse branchée ( au doux nom de Samira ) elle aussi, c’est à dire en tenue décontracté remuant convulsivement au rythme de la musique lounge arabo-andalouse. Celle ci nous inscrivit sur une liste d’attente, longue comme un jour de ramadan, puis nous expédia vers le bar pour patienter avec les autres.
Devant l’impossibilité de communiquer tant la musique était forte, je me réfugiais dans un mutisme forcé, commençant à me demander ce que je foutais là. Toutes les dix minutes, l’hôtesse précitée appelait un groupe en tapant sur une poêle à frire sur laquelle elle avait inscrit le nom du groupe ayant enfin acquis le droit de s’attabler.
D’autres postulants aux agapes arrivaient épisodiquement grossissant le troupeau qui vagissait devant le bar. Deux videurs venaient régulièrement nous repousser dans le carré réservé à l’attente, arguant que nous gênions le passage des serveuses. Je commençais à m’imaginer gros bœuf, attendant son tour pour passer à la mangeoire. Tout le monde hurlait pour surpasser la musique syncopée que crachaient les enceintes. La chaleur était à son comble. Déjà une heure d’attente.
Non me suis-je dit.
Je ne suis pas un gros boeuf. Je ne veux pas être parqué, je ne veux pas qu’on me fasse attendre, je ne veux pas de leur verre de pisse au Krafésse.
Je ne veux pas, je ne veux pas.
Merdouille, c’est moi le client, je ne veux pas qu’on me traite comme du bétail. J’ai réussi à hurler à mon amie que je m’en allais. Elle a été surprise, m’a dit qu’il n’y en avait plus pour longtemps. Trop tard, ma décision était prise. Je suis parti. J’espère ne pas l’avoir froissé, mais c’est plus fort que moi, quand je ne supporte plus, je me tire.
Au-delà de l’anecdote, combien sont partis ce soir là, écœurés d’être traité comme des vaches à lait ? Peu sans doute, les gens sont résignés, prêt à supporter des heures d’attente pour pouvoir dire, j’y étais.
Ben j’y étais pas, j’y serais plus et je veux pas en être. Jamais.
Même si c’est une illusion, je veux croire que j’ai mon libre arbitre à défaut d’une véritable liberté.
Les endroits à la mode me font gerber, sans doute que je vieillis…
Amical'ment et Humoristik'ement
Art'mony
anouarcharif's
16 novembre 2004 20:57
Les tragédies des autres contiennent toujours des éléments de médiocrité infinie !