Menu
Connexion Voyages Yabiladies Islam Radio Forum News
Schyzophène
M
20 août 2006 22:41
Salam Angel

je dois reprendre le boulot demain et déjà j'ai une énorme boule à l'estomac.


Mon problème depuis que je travaille en entreprise c'est que j'ai le sentiment d'être schizophrène. Premièrement, je ne travaille qu'avec des français et j'ai une façon d'être et de parler qui est à des années lumière de la façon dont je suis dans la vie de tous les jours.


De plus j'ai l'impression que travailler dans une entreprise c'est exploiter la misère du monde, faire la course aux profits, donc c'est totalement opposé à ma vision du bien et du mal.

Du coup je ne suis pas capable d'être à fond dans mon travail, je me sens hypocrite parce que je ne crois pas au bien fondé de ce que je fais (je n'améliore pas le sort de l'humanité) et chaque fois qu'une opportunité de promotion s'offre à moi, je recule ou je démissionne.


Est-ce qu'il y en a parmi vous qui sont dans la même situation que moi ? Comment faites vous pour aimer quand même votre boulot ?


Merci pour vos réponses.
k
20 août 2006 22:44
salut moi j ai le méme probléme mais pour les études a chaque fois je change je ne sais pas pk
i
20 août 2006 22:48
Citation
BeautéDuRif a écrit:
Salam Angel

je dois reprendre le boulot demain et déjà j'ai une énorme boule à l'estomac.


Mon problème depuis que je travaille en entreprise c'est que j'ai le sentiment d'être schizophrène. Premièrement, je ne travaille qu'avec des français et j'ai une façon d'être et de parler qui est à des années lumière de la façon dont je suis dans la vie de tous les jours.


De plus j'ai l'impression que travailler dans une entreprise c'est exploiter la misère du monde, faire la course aux profits, donc c'est totalement opposé à ma vision du bien et du mal.

Du coup je ne suis pas capable d'être à fond dans mon travail, je me sens hypocrite parce que je ne crois pas au bien fondé de ce que je fais (je n'améliore pas le sort de l'humanité) et chaque fois qu'une opportunité de promotion s'offre à moi, je recule ou je démissionne.


Est-ce qu'il y en a parmi vous qui sont dans la même situation que moi ? Comment faites vous pour aimer quand même votre boulot ?


Merci pour vos réponses.

Je pense à l'argent que je vais gagner à la fin du moisgrinning smiley
n
20 août 2006 22:53
J'ai été comme toi il y a longtemps, à aller à reculon au boulo, me demander quel était l'utilité de ce que je fais....j'ai tenu un an puis j'ai donné ma démission, pour être plus en accord avec moi même. J'ai ramé aprés. Pas d'allocation chômage. J'ai vécu de mes économies. Mais s'était mon choix. J'ai eu des moments de regret ou je me suis dit que j'avais peut-être fait une bétise, surtout quand l'argent venait à manquer. Quinze ans aprés avec le recul, je trouve que j'ai eu raison, et que cela a été un tremplin pour moi et un tournant à 90 degré dans ma vie professionnelle.
l
20 août 2006 22:56
nous savons dans quel monde nous vivons (pour ceux qui raisonnent). on a le choix de participer pleinement, de se dire "apres moi le deluge", se focaliser sur l'achat de la derniere voiture de sport sortie ou tout ces gadgets qui nous font apartenir à la classe des aisés de la planete, faire semblant de vivre au pays des merveilles, cyniquement, egoistement. certains refusent en bloc et choisissent la marginalité.
d'autres versent de temps en temps une obole afin de se laver la conscience.
mais on peut aussi choisir un boulot le moins "impliqué" possible, voir cette activité juste comme un gagne pain, une obligation et garder son energie, sa motivation pour sa vie sociale, familliale ou militante.
perso, c'est mon cas. il ne m'est plus possible de faire semblant ou difficilement.
s
20 août 2006 23:13
pourquoi dis tu que tu n'avais pas d'alloc chômage ? moody smiley

Citation
nai312 a écrit:
J'ai été comme toi il y a longtemps, à aller à reculon au boulo, me demander quel était l'utilité de ce que je fais....j'ai tenu un an puis j'ai donné ma démission, pour être plus en accord avec moi même. J'ai ramé aprés. Pas d'allocation chômage. J'ai vécu de mes économies. Mais s'était mon choix. J'ai eu des moments de regret ou je me suis dit que j'avais peut-être fait une bétise, surtout quand l'argent venait à manquer. Quinze ans aprés avec le recul, je trouve que j'ai eu raison, et que cela a été un tremplin pour moi et un tournant à 90 degré dans ma vie professionnelle.
B
21 août 2006 00:01
Salam aalikoum


tu boss chez cofodis moody smiley
[b]Plus rien ne m'étonne[/b]
n
21 août 2006 00:06
Parce que j'avais démissionné de mon poste, et donc je ne pouvais ouvrir de droit auprés de l'Assedic.
Tu ne peux toucher des allocations qu'en cas de licenciement.

Aujourd'hui tu as la possibilité aprés avoir reçu la notification de rejet de l'Assedic, de faire 4 mois aprés une demande de réexamen de ton dossier par la commission de l'Assedic. Mais pour que cela débouche sur une réponse favorable il faut que ta démission soit légitime (ex: quelqu'un qui est obligé de démissionner parce que sont conjoint est muté dans son travail dans une autre région....), de toute l'Assedic tient compte de la copie de ta lettre de demission (donc indiquer le motif de la démission), et des démarches de recherche d'emploi faite avant la demande auprés de la commission.

Voilà, j'espére que ma réponse aura répondu à ta question



Citation
salma26 a écrit:
pourquoi dis tu que tu n'avais pas d'alloc chômage ? moody smiley

Citation
nai312 a écrit:
J'ai été comme toi il y a longtemps, à aller à reculon au boulo, me demander quel était l'utilité de ce que je fais....j'ai tenu un an puis j'ai donné ma démission, pour être plus en accord avec moi même. J'ai ramé aprés. Pas d'allocation chômage. J'ai vécu de mes économies. Mais s'était mon choix. J'ai eu des moments de regret ou je me suis dit que j'avais peut-être fait une bétise, surtout quand l'argent venait à manquer. Quinze ans aprés avec le recul, je trouve que j'ai eu raison, et que cela a été un tremplin pour moi et un tournant à 90 degré dans ma vie professionnelle.
k
21 août 2006 00:46
salam,

tu n'es pas la seule dans cette situation.
Mais le mot schyzophrene est un peut trop fort à mon gout.
C'est vrai qu'on peut jouer un double rôle, acteur dans la société ou on bosse et acteur dans la vie courante...mais pour nous les arabes ont est obligé de la faire pour montrer qu'on s'adapte.
J'avoue que notre situation est speciale.
Beauté du rif: je te conseil un article des enjeux economiques le titre : "double-je des beurs"
article interessant sur la description de tes sentiments sur ce sujet.

A +
U
21 août 2006 02:38
Le double-je des Beurs cadres

Ils sont jeunes, cadres et issus de l’immigration. Pour s’insérer, ils gomment leurs différences. Mais ces efforts se heurtent aux préjugés des collègues et des proches.


Il a la trentaine volubile, une bouille ronde et rieuse et l’aisance de celui qui connaît les extrêmes. Et sait s’y adapter. La semaine, Khalid, consultant, est "nickel". "J’ai la photo de mon fils sur mon bureau ; je porte des cravates italiennes et je roule en Audi. Je fais comme tous les cadres autour de moi." Enfin, un peu plus que les autres. Khalid s’impose toute la semaine un costume noir impeccable sans céder au casual Friday. Il réserve le jean, le sweat-shirt et la casquette pour le week-end. Au boulot, il évoque peu sa vie privée, sauf à un cercle restreint de collègues, ne mentionne pas l’association pour la promotion de la réussite auprès des jeunes de la cité dans laquelle il milite. Il évite de parler arabe dans l’open space. Lorsque sa mère l’appelle, il s’éclipse. Les rares fois où un mot de verlan lui échappe, son entourage le relève, comme un stigmate de son origine.
Rien n’est dit ouvertement. Mais Khalid le sait : au bureau, il n’a pas le droit de ressembler à un Arabe, qui plus est de banlieue. Cet ingénieur diplômé de de l’université technologique de Compiègne a pourtant grandi dans un quartier réputé chaud de Cergy-pontoise. Il habite aujourd’hui dans une maison, proche du pavillon où vivent encore ses parents. "Je pourrais être un pont entre les banlieues et l’entreprise, entre les Beurs et autres Français, suggère-t-il. En réalité, je vis dans deux mondes hermétiques." Lorsqu’il rentre chez lui le soir, Khalid se fait parfois arrêter, mains sur le capot et insultes à la clé, comme un vulgaire trafiquant de marijuana. Enfin, voyons, un Arabe capable de s’offrir honnêtement une belle cylindrée... C’est impossible ! Cadre sup ? Vous n’y pensez pas ! Cela non plus, il ne le raconte pas à ses collègues. Et quand il confie à ses amis "français de souche", personne ne le croit.
Sur l’autre rive de la Manche, Rabah l’ami d’enfance de Khalid, titulaire d’un DEA de finance, raconte un tout autre univers. En 2004, ce bel homme timide est parti à Londres pour "booster son CV, avec autres chose que des missions d’interim, et observer le communautarisme que les Français rejettent tant". Malgré son anglais scolaire, la Deutsche Bank l’a embauché en un jour. Dans la salle des marchés où il travaille, se côtoient des Britanniques, des Italiens, des Pakistanais... Chacun parle sa langue natale quand il s’adresse à un compatriote. "Je n’ai jamais à me justifier de ce que je suis, ni à expliquer pourquoi je bois un Coca plutôt qu’une bière au pub. mes collègues ne me rabâchent pas qu’eux aussi, ils aiment le couscous. pour eux, je suis Rabah, un mec de 29 ans, sympa et bosseur. Point. En France, se souvient-il, "on me disait lors d’entretiens d’embauche : "Vous savez, nous avions dans notre équipe un petit rachid et cela s’est très bien passé" ". Au début, il prenait cette remarque positivement, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il y avait peut-être là comme un message subliminal : "Si vous êtes recalé, ne croyez pas que c’est par racisme." "Imagine-t-on un recruteur lancer à un candidat juif : "Nous avons eu un petit Benhamou et cela s’est bien passé" ? plaisante Rabah.
Cet économiste ne supportait plus aussi qu’on l’interroge sur les valeurs dans lesquelles il avait été élevé, comme s’il fallait s’assurer qu’il ne fomenterait pas un casse au bureau avec sa bande de copains "rebeus". Lui qui avait eu un parcours universitaire exemplaire, voilà qu’on le prenait pour un voleur d’ordinateurs. Et lorsqu’il mentionnait qu’il faisait ses prières le soir, il se voyait, dans les yeux de son entourage, transformé en un dangereux intégriste, prêt à poser une bombe. "A Londres, je n’en suis pas revenu que le présentateur télé le plus célèbre, Trevor McDonald, soit un Noir. Oui, un Noir. Dans le Sun, un journal pourtant peu réputé pour son ouverture d’esprit, des tribunes sont signées de photos de femmes voilées. Si c’est cela le communautarisme à l’anglaise, j’y vois plutôt l’acceptation de la différence. En France, je suis le Beur potentiellement islamiste ; à Londres, un trader qui paie ses impôts."
Hypersensibilité de jeunes gens sur qui pèsent les images de la déconfiture des banlieues ou témoignages d’une difficulté française à incorporer la progéniture des immigrés africains ? En d’autres temps, les Bretons qui montaient à Paris puis les Portugais qui débarquaient en France ont aussi subi les avanies de leur terre d’accueil. Les particularismes régionaux et le dédain pour les Méditerranéens ont fini par se folkloriser et s’estomper. Depuis, "l’étranger" est devenu le Maghrébin et le Noir. Mais à la différence de leurs prédecesseurs, note la sociologue Jamila Ysati (in Beurs, Blacks et entreprise), leurs concitoyens leur demandent de s’intégrer mais l’estampille "origine étrangère" reste indélébile.
Rapports, livres, articles... et Enjeux ("L’entreprise est-elle raciste ?", juin 2004) l’ont dénoncé : même surdiplômés, Arabes et Noirs ont ainsi trois à six fois plus de difficultés à se faire embaucher que les Français de souche. En avril dernier, un sondage CSA attestait la banalisation des opinions racistes : un Français sur trois se déclare raciste, soit 8 % de plus qu’en 2004. Pour combattre cette stigmatisation, on propose de cacher les minorités visibles derrière un CV anonyme, de contrebalancer leur handicap par la discrimination positive, de récompenser les entreprises vertueuses et de punir les autres. Soit. En attendant, ceux qui ont un bon job n’ont pas une vie très facile. Ils n’endurent pas de franche discrimination - le mérite républicain est passé par là - mais ces phrases anodines voire drôles dans l’esprit de leurs collègues, humiliantes pour eux et qui alourdissent leur vie au bureau. Au mieux, les extravertis neutralisent par l’autodérision ces grains de sable qui font crisser les journées. "L’autre, c’est moi", blague Gad Elmaleh dans son one man show qui a fait rire toute la France. Au pire, les plus introvertis, et c’est particulièrement vrai pour les femmes, s’inventent une double vie pour éviter les regards de travers et les revers de carrière. Et tous, sauf Khalid et Kamilia, ont pris un pseudonyme pour confier plus librement leurs déchirures.
Yassin vit ce tiraillement au quotidien. Il a grandi à Montreynaud, un quartier difficile de Saint-Etienne, et à réussi à l’école jusqu’à décrocher un DESS en logistique. "J’ai l’impression d’avoir eu une trajectoire normale, dit-il, je me vis comme un ingénieur lambda dans un cabinet de conseil. Pourtant, personne ne me considère comme un banal collègue." Un matin, il enfile le cadeau d’un de ses frères, une chemise Façonnable. Las, des collègues lui demandent en plaisantant si la chemise est "tombée du camion"... Depuis, Yassin n’a plus jamais remis un vêtement de marque au bureau. En novembre dernier, il prend une semaine de vacances pour fêter la fin du ramadan en famille. Les émeutes enflamment alors les banlieues. Lorsqu’il revient au bureau, son chef lance par boutade un "Maintenant que tu es rentré, les petiots vont se calmer !" "Soit on prend ces plaisanteries à coeur et l’on passe pour un mauvais coucheur et l’on devient fou, diagnostiquent Yassin ; soit on ne dit plus rien sur soi et l’on se protège par l’humour. Je taquine parfois mon chef par un "Fais attention à ton portefeuille quand je suis dans les parages..." Le plus blessant, c’est que son chef et ses collègues ignorent tout des efforts qu’il a fournis pour en arriver là. "Cela devrait plutôt être vu positivement, non ? Mais on me demande des efforts pour rentrer dans la norme tout en me renvoyant sans cesse à mes origines de Marocain de banlieue."
Picarde et musulmane

A l’exception d’une poignée de sportifs et de personnalités du spectacle tels Zinedine Zidane, Jamel Debbouze ou McSolaar, l’espace public n’offre guère à ces cadres et à leur entourage d’images positives et normalisantes. En conséquence de quoi, "les Français souffrent du syndrome conditionnement TF1", constate Kamilia, une pétulante cadre de 30 ans chez Hewlett-Packard. "Un Maghrébin est toujours vu comme quelqu’un qui n’a pas fait d’études et qui brûle des voitures et une Maghrébine comme une égérie de "Ni putes ni soumises". Je n’ai jamais entendu parler de tournante chez moi, mes frères ne m’ont jamais fait une remarque sur mon habillement ! On ne s’imagine pas qu’il existe des Maghrébins "normaux" : on me dit que je suis différente, issue de la bourgeoisie marocaine. C’est faux ! Mes parents viennent du bled, mon père était chef d’équipe et ma mère faisait des ménages, j’ai grandi en banlieues d’Amiens. Cela n’a pas empêché les sept enfants d’avoir un bac+5."
Kamilia se revendique picarde et musulmane et vit sa double culture comme une grande richesse. Elle passe ses week-ends en famille, à papoter en arabe, à faire du shopping avec ses soeurs, "à rire beaucoup", ajoute-t-elle. La semaine, elle travaille, comme tout le monde, dans une entreprise qu’elle apprécie. "Mes valeurs sont sans doutes obsolètes pour certains, mais pourquoi voudrait-on me formater ?" Elle se sent aussi à l’aise avec ses collègues de Hewlett Packard qu’avec ses copines voilées. "Je n’en connais aucune qui le fait par obligation", insiste cette jeune fille aux grands yeux maquillés de noir. Elle se dit que si un jour cela ne va plus, elle peut partir comme ses parents ont quitté le Maroc. Pour l’heure, sa France à elle, c’est celle que décrit la chanteuse Diam’s : "Elle paraît feignante mais dans le fond, elle ne perd pas d’temps / Certains la craignent car les médias s’acharnent à faire d’elle un cancre / Et si ma france se valorise, c’est bien sûr pour mieux régner / Elle s’intériorise et s’interdit de saigner. Non..."
Si, les jeunes femmes suscitent moins de suspicion que leurs congénères masculins, elles sont nombreuses à jongler entre leur vie active de femmes modernes et leur vie familiale, encore calée sur le modèle qu’ont connu les Françaises d’avant-guerre. Toutes n’assument pas leur héritage biculturel avec l’aisance de Kamilia. S’installe alors une double vie qui use. Samira vit ainsi en stéréo depuis toujours. Petite, quand elle racontait à la maison l’école, la récré, les copains, ses parents qui ne lisent pas le français lui disaient déjà : "Au Maroc, on ne fait pas comme cela." Alors elle s’est arrêtée de raconter.
Aujourd’hui, cette consultante en marketing très chic se dit "embeurgeoisée". Ses copines blanches lui prônent la liberté et elle vient de s’acheter un appartement. A 29 ans, Samira en avait assez de partager sa chambre avec sa soeur. Elle voulait son nid à elle et ses parents l’ont accepté. Mais son indépendance lui pèse. La tradition marocaine, où les filles célibataires affranchies du toit paternel sont mal vues, la rattrape. Ecartelée entre deux cultures, elle a, au bureau, le sentiment de faire des efforts constants oiur s’adapter aux autres, sans retour. Elle ne dit pas qu’elle fait partie des Dérouilleurs, un réseau de cadres beurs, par crainte d’être accusée de communautarisme. Elle déteste faire la bise, mais n’a pas su l’avouer à ses clients exubérants. Ne pas s’isoler, ne pas se distinguer, voilà son credo. Parfois c’est intenable. "Nous devions récemment jouer les clients mystères dans un restaurant, vin inclus. J’ai dit que je ne pouvais pas le faire. On m’a prise pour une récalcitrante."
Pour Samira, la religion est une affaire privée. Elle rattrape les prières le soir, cela l’ennuie mais elle s’y plie. Elle fait le ramadan, une pratique bien tolérée par les Français non musulmans. Et, depuis quelques mois, elle songe à porter le voile. "C’est un cheminement classique pour les femmes croyantes, dit-elle. Lorsque l’âge de la maternité se rapproche, elles souhaitent parfois s’engager davantage dans le respect des principes de l’islam." Un peu comme une religieuse affiche ses voeux en portant l’habit. "Pour moi, cela ne correspond pas du tout à une radicalisation de ma foi. Avec ou sans hidjab, je resterai la même, mais je redoute qu’on me prenne pour une intégriste." Samira suppose qu’elle ne pourra plus travailler, tout du moins comme cadre sup dans une entreprise classique. Et d’une vie en stéréo, qu’elle devra passer en mode mono. Un renoncement difficile.
Au-delà du fait religieux, deux systèmes de valeurs se frictionnent au quotidien : l’impératif pour la femme cadre d’être pimpante et dynamique, et la nécessité pour la fille de famille d’obéir et de faire preuve d’une certaine abnégation. A 30 ans, Amaria, cadre sup dans une entreprise de télécommunication, a fait de cette tension sa routine. Cette aînée de cinq enfants partage une chambre exiguë avec sa soeur dans le 80 mètres carrés familial d’une tour HLM et porte l’honneur de sa famille sur ses épaules. Une famille pas spécialement conservatrice ni religieuse, insiste-t-elle : contrairement à certaines de ses copines, on ne la forcera jamais au mariage. "Mes parents vivent dans une culture de l’Afrique du Nord traditionnelle et moi, je fais des allers et retours entre deux univers. Si je décidais de prendre ma liberté, alors je devrais renoncer à ma famille qui me renierait. Je suis trop attachée à elle."
Un vecteur d’émancipation

Au quotidien, Amaria a appris à parler de tout et à mentir sur tout. Comment avouer aux collègues qu’elle n’a pas le droit de sortir quand ils vont boire un verre pour fêter un contrat ? Elle y va quand même et explique à son père en rentrant le soir qu’un cadre a des horaires élastiques et qu’elle devait boucler une affaire. Pour ce peintre en bâtiment, qui n’a aucune idée des responsabilités de sa fille - sa fierté à lui est qu’elle ait le bac et qu’elle travaille dans un bureau -, les horaires se limitent à "9 heures - 18 heures". "Ma fille, il faut que tu changes de patron !" s’énerve-t-il en lui interdisant de recommencer.
Amaria n’avait jamais quitté sa banlieue avant sa dernière année d’études à Paris. Depuis qu’elle travaille, l’entreprise a été son vecteur d’émancipation : les collègues lui ont appris à se maquiller, elle a découvert la presse, est devenue accro à Charlie Hebdo, a goûté à l’alcool à l’occasion d’un pot. Pour être en phase avec ses collègues, elle s’est inventé un appartement et des amis qu’elle n’a jamais eus : ses parents veulent qu’elle épouse un Marocain originaire de la région familiale. Quand sa mère lui propose de rencontrer un candidat, il lui arrive d’accepter pour ne pas faire d’histoires. "Me voilà à servir le thé à des inconnus qui me décortiquent, raconte-t-elle. C’est tellement humiliant !" Impensable de le raconter lundi matin... Ni même ces week-ends plus banals où elle est coincée chez elle à faire le ménage et les courses, ni surtout ces visites autrefois à son petit frère à la centrale de Fleury-Mérogis. L’espoir d’Amaria est d’épouser un homme français, habitué à jouer au passe-muraille pour ménager sa double culture et en finir avec sa double vie.


Laurence Bagot
M
21 août 2006 14:21
Formidable cet article, je me suis entièrement reconnu dan tous les personnages.

Il est vrai que la religion joue beaucoup. en France il y a un tel rejet de la religion qu'on est obligé de la mettre à la porte quand on entre dans l'entreprise alors que ça fait parti intégrante de notre vie...et pour les femmes voilées ce n'est pas qu'une expression.

J'envie les pays comme l'Angleterre ou les états unis ou on peut en parler avec des personnes qui ne partagent pas nos convictions mais qui respectent le fait que nous y soyons attaché.
l
21 août 2006 14:28
"J'envie les pays comme l'Angleterre ou les états unis ou on peut en parler avec des personnes qui ne partagent pas nos convictions mais qui respectent le fait que nous y soyons attaché"

pays qui font profiter l'iraq et d'autres de leur ouverture d'esprit.......
B
21 août 2006 14:40
Citation
Bass a écrit:
Salam aalikoum


tu boss chez cofodis moody smiley


sleeping
[b]Plus rien ne m'étonne[/b]
M
21 août 2006 15:18
Citation
l'européen a écrit:
"J'envie les pays comme l'Angleterre ou les états unis ou on peut en parler avec des personnes qui ne partagent pas nos convictions mais qui respectent le fait que nous y soyons attaché"

pays qui font profiter l'iraq et d'autres de leur ouverture d'esprit.......

Ce n'est pas parce qu'un pays fait une chose injuste qu'il faut rejeter toutes les autres choses qu'elle peut être amenée à faire de bien.
M
21 août 2006 15:19
Citation
Bass a écrit:
Citation
Bass a écrit:
Salam aalikoum


tu boss chez cofodis moody smiley


sleeping

J'ai pas compris, tu veux quelquechose ? Parle a khouya
y
21 août 2006 15:26
Citation
BeautéDuRif a écrit:
Citation
Bass a écrit:
Citation
Bass a écrit:
Salam aalikoum


tu boss chez cofodis moody smiley


sleeping

J'ai pas compris, tu veux quelquechose ? Parle a khouya
cofidis, les credits a la conso (faire des credits a des gens pauvres, les mettre encore plus dans la mmmmerde!).
je pense qu'il parlait de cofidis car tu as dit avoir "un problème d'ethique" dans ton job.
c
21 août 2006 15:45
Citation
BeautéDuRif a écrit:
Salam Angel

je dois reprendre le boulot demain et déjà j'ai une énorme boule à l'estomac.


Mon problème depuis que je travaille en entreprise c'est que j'ai le sentiment d'être schizophrène. Premièrement, je ne travaille qu'avec des français et j'ai une façon d'être et de parler qui est à des années lumière de la façon dont je suis dans la vie de tous les jours.


De plus j'ai l'impression que travailler dans une entreprise c'est exploiter la misère du monde, faire la course aux profits, donc c'est totalement opposé à ma vision du bien et du mal.

Du coup je ne suis pas capable d'être à fond dans mon travail, je me sens hypocrite parce que je ne crois pas au bien fondé de ce que je fais (je n'améliore pas le sort de l'humanité) et chaque fois qu'une opportunité de promotion s'offre à moi, je recule ou je démissionne.


Est-ce qu'il y en a parmi vous qui sont dans la même situation que moi ? Comment faites vous pour aimer quand même votre boulot ?


Merci pour vos réponses.

Travaille dans une entreprise tenue par des marocains, qui vend de la viande hallal, par exemple.
M
21 août 2006 15:47
Citation
coraçao azul a écrit:
Citation
BeautéDuRif a écrit:
Salam Angel

je dois reprendre le boulot demain et déjà j'ai une énorme boule à l'estomac.


Mon problème depuis que je travaille en entreprise c'est que j'ai le sentiment d'être schizophrène. Premièrement, je ne travaille qu'avec des français et j'ai une façon d'être et de parler qui est à des années lumière de la façon dont je suis dans la vie de tous les jours.


De plus j'ai l'impression que travailler dans une entreprise c'est exploiter la misère du monde, faire la course aux profits, donc c'est totalement opposé à ma vision du bien et du mal.

Du coup je ne suis pas capable d'être à fond dans mon travail, je me sens hypocrite parce que je ne crois pas au bien fondé de ce que je fais (je n'améliore pas le sort de l'humanité) et chaque fois qu'une opportunité de promotion s'offre à moi, je recule ou je démissionne.


Est-ce qu'il y en a parmi vous qui sont dans la même situation que moi ? Comment faites vous pour aimer quand même votre boulot ?


Merci pour vos réponses.

Travaille dans une entreprise tenue par des marocains, qui vend de la viande hallal, par exemple.

6:\
c
21 août 2006 16:02
Citation
Un Air de Familles a écrit:
Le double-je des Beurs cadres

Ils sont jeunes, cadres et issus de l’immigration. Pour s’insérer, ils gomment leurs différences. Mais ces efforts se heurtent aux préjugés des collègues et des proches.


Il a la trentaine volubile, une bouille ronde et rieuse et l’aisance de celui qui connaît les extrêmes. Et sait s’y adapter. La semaine, Khalid, consultant, est "nickel". "J’ai la photo de mon fils sur mon bureau ; je porte des cravates italiennes et je roule en Audi. Je fais comme tous les cadres autour de moi." Enfin, un peu plus que les autres. Khalid s’impose toute la semaine un costume noir impeccable sans céder au casual Friday. Il réserve le jean, le sweat-shirt et la casquette pour le week-end. Au boulot, il évoque peu sa vie privée, sauf à un cercle restreint de collègues, ne mentionne pas l’association pour la promotion de la réussite auprès des jeunes de la cité dans laquelle il milite. Il évite de parler arabe dans l’open space. Lorsque sa mère l’appelle, il s’éclipse. Les rares fois où un mot de verlan lui échappe, son entourage le relève, comme un stigmate de son origine.
Rien n’est dit ouvertement. Mais Khalid le sait : au bureau, il n’a pas le droit de ressembler à un Arabe, qui plus est de banlieue. Cet ingénieur diplômé de de l’université technologique de Compiègne a pourtant grandi dans un quartier réputé chaud de Cergy-pontoise. Il habite aujourd’hui dans une maison, proche du pavillon où vivent encore ses parents. "Je pourrais être un pont entre les banlieues et l’entreprise, entre les Beurs et autres Français, suggère-t-il. En réalité, je vis dans deux mondes hermétiques." Lorsqu’il rentre chez lui le soir, Khalid se fait parfois arrêter, mains sur le capot et insultes à la clé, comme un vulgaire trafiquant de marijuana. Enfin, voyons, un Arabe capable de s’offrir honnêtement une belle cylindrée... C’est impossible ! Cadre sup ? Vous n’y pensez pas ! Cela non plus, il ne le raconte pas à ses collègues. Et quand il confie à ses amis "français de souche", personne ne le croit.
Sur l’autre rive de la Manche, Rabah l’ami d’enfance de Khalid, titulaire d’un DEA de finance, raconte un tout autre univers. En 2004, ce bel homme timide est parti à Londres pour "booster son CV, avec autres chose que des missions d’interim, et observer le communautarisme que les Français rejettent tant". Malgré son anglais scolaire, la Deutsche Bank l’a embauché en un jour. Dans la salle des marchés où il travaille, se côtoient des Britanniques, des Italiens, des Pakistanais... Chacun parle sa langue natale quand il s’adresse à un compatriote. "Je n’ai jamais à me justifier de ce que je suis, ni à expliquer pourquoi je bois un Coca plutôt qu’une bière au pub. mes collègues ne me rabâchent pas qu’eux aussi, ils aiment le couscous. pour eux, je suis Rabah, un mec de 29 ans, sympa et bosseur. Point. En France, se souvient-il, "on me disait lors d’entretiens d’embauche : "Vous savez, nous avions dans notre équipe un petit rachid et cela s’est très bien passé" ". Au début, il prenait cette remarque positivement, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il y avait peut-être là comme un message subliminal : "Si vous êtes recalé, ne croyez pas que c’est par racisme." "Imagine-t-on un recruteur lancer à un candidat juif : "Nous avons eu un petit Benhamou et cela s’est bien passé" ? plaisante Rabah.
Cet économiste ne supportait plus aussi qu’on l’interroge sur les valeurs dans lesquelles il avait été élevé, comme s’il fallait s’assurer qu’il ne fomenterait pas un casse au bureau avec sa bande de copains "rebeus". Lui qui avait eu un parcours universitaire exemplaire, voilà qu’on le prenait pour un voleur d’ordinateurs. Et lorsqu’il mentionnait qu’il faisait ses prières le soir, il se voyait, dans les yeux de son entourage, transformé en un dangereux intégriste, prêt à poser une bombe. "A Londres, je n’en suis pas revenu que le présentateur télé le plus célèbre, Trevor McDonald, soit un Noir. Oui, un Noir. Dans le Sun, un journal pourtant peu réputé pour son ouverture d’esprit, des tribunes sont signées de photos de femmes voilées. Si c’est cela le communautarisme à l’anglaise, j’y vois plutôt l’acceptation de la différence. En France, je suis le Beur potentiellement islamiste ; à Londres, un trader qui paie ses impôts."
Hypersensibilité de jeunes gens sur qui pèsent les images de la déconfiture des banlieues ou témoignages d’une difficulté française à incorporer la progéniture des immigrés africains ? En d’autres temps, les Bretons qui montaient à Paris puis les Portugais qui débarquaient en France ont aussi subi les avanies de leur terre d’accueil. Les particularismes régionaux et le dédain pour les Méditerranéens ont fini par se folkloriser et s’estomper. Depuis, "l’étranger" est devenu le Maghrébin et le Noir. Mais à la différence de leurs prédecesseurs, note la sociologue Jamila Ysati (in Beurs, Blacks et entreprise), leurs concitoyens leur demandent de s’intégrer mais l’estampille "origine étrangère" reste indélébile.
Rapports, livres, articles... et Enjeux ("L’entreprise est-elle raciste ?", juin 2004) l’ont dénoncé : même surdiplômés, Arabes et Noirs ont ainsi trois à six fois plus de difficultés à se faire embaucher que les Français de souche. En avril dernier, un sondage CSA attestait la banalisation des opinions racistes : un Français sur trois se déclare raciste, soit 8 % de plus qu’en 2004. Pour combattre cette stigmatisation, on propose de cacher les minorités visibles derrière un CV anonyme, de contrebalancer leur handicap par la discrimination positive, de récompenser les entreprises vertueuses et de punir les autres. Soit. En attendant, ceux qui ont un bon job n’ont pas une vie très facile. Ils n’endurent pas de franche discrimination - le mérite républicain est passé par là - mais ces phrases anodines voire drôles dans l’esprit de leurs collègues, humiliantes pour eux et qui alourdissent leur vie au bureau. Au mieux, les extravertis neutralisent par l’autodérision ces grains de sable qui font crisser les journées. "L’autre, c’est moi", blague Gad Elmaleh dans son one man show qui a fait rire toute la France. Au pire, les plus introvertis, et c’est particulièrement vrai pour les femmes, s’inventent une double vie pour éviter les regards de travers et les revers de carrière. Et tous, sauf Khalid et Kamilia, ont pris un pseudonyme pour confier plus librement leurs déchirures.
Yassin vit ce tiraillement au quotidien. Il a grandi à Montreynaud, un quartier difficile de Saint-Etienne, et à réussi à l’école jusqu’à décrocher un DESS en logistique. "J’ai l’impression d’avoir eu une trajectoire normale, dit-il, je me vis comme un ingénieur lambda dans un cabinet de conseil. Pourtant, personne ne me considère comme un banal collègue." Un matin, il enfile le cadeau d’un de ses frères, une chemise Façonnable. Las, des collègues lui demandent en plaisantant si la chemise est "tombée du camion"... Depuis, Yassin n’a plus jamais remis un vêtement de marque au bureau. En novembre dernier, il prend une semaine de vacances pour fêter la fin du ramadan en famille. Les émeutes enflamment alors les banlieues. Lorsqu’il revient au bureau, son chef lance par boutade un "Maintenant que tu es rentré, les petiots vont se calmer !" "Soit on prend ces plaisanteries à coeur et l’on passe pour un mauvais coucheur et l’on devient fou, diagnostiquent Yassin ; soit on ne dit plus rien sur soi et l’on se protège par l’humour. Je taquine parfois mon chef par un "Fais attention à ton portefeuille quand je suis dans les parages..." Le plus blessant, c’est que son chef et ses collègues ignorent tout des efforts qu’il a fournis pour en arriver là. "Cela devrait plutôt être vu positivement, non ? Mais on me demande des efforts pour rentrer dans la norme tout en me renvoyant sans cesse à mes origines de Marocain de banlieue."
Picarde et musulmane

A l’exception d’une poignée de sportifs et de personnalités du spectacle tels Zinedine Zidane, Jamel Debbouze ou McSolaar, l’espace public n’offre guère à ces cadres et à leur entourage d’images positives et normalisantes. En conséquence de quoi, "les Français souffrent du syndrome conditionnement TF1", constate Kamilia, une pétulante cadre de 30 ans chez Hewlett-Packard. "Un Maghrébin est toujours vu comme quelqu’un qui n’a pas fait d’études et qui brûle des voitures et une Maghrébine comme une égérie de "Ni putes ni soumises". Je n’ai jamais entendu parler de tournante chez moi, mes frères ne m’ont jamais fait une remarque sur mon habillement ! On ne s’imagine pas qu’il existe des Maghrébins "normaux" : on me dit que je suis différente, issue de la bourgeoisie marocaine. C’est faux ! Mes parents viennent du bled, mon père était chef d’équipe et ma mère faisait des ménages, j’ai grandi en banlieues d’Amiens. Cela n’a pas empêché les sept enfants d’avoir un bac+5."
Kamilia se revendique picarde et musulmane et vit sa double culture comme une grande richesse. Elle passe ses week-ends en famille, à papoter en arabe, à faire du shopping avec ses soeurs, "à rire beaucoup", ajoute-t-elle. La semaine, elle travaille, comme tout le monde, dans une entreprise qu’elle apprécie. "Mes valeurs sont sans doutes obsolètes pour certains, mais pourquoi voudrait-on me formater ?" Elle se sent aussi à l’aise avec ses collègues de Hewlett Packard qu’avec ses copines voilées. "Je n’en connais aucune qui le fait par obligation", insiste cette jeune fille aux grands yeux maquillés de noir. Elle se dit que si un jour cela ne va plus, elle peut partir comme ses parents ont quitté le Maroc. Pour l’heure, sa France à elle, c’est celle que décrit la chanteuse Diam’s : "Elle paraît feignante mais dans le fond, elle ne perd pas d’temps / Certains la craignent car les médias s’acharnent à faire d’elle un cancre / Et si ma france se valorise, c’est bien sûr pour mieux régner / Elle s’intériorise et s’interdit de saigner. Non..."
Si, les jeunes femmes suscitent moins de suspicion que leurs congénères masculins, elles sont nombreuses à jongler entre leur vie active de femmes modernes et leur vie familiale, encore calée sur le modèle qu’ont connu les Françaises d’avant-guerre. Toutes n’assument pas leur héritage biculturel avec l’aisance de Kamilia. S’installe alors une double vie qui use. Samira vit ainsi en stéréo depuis toujours. Petite, quand elle racontait à la maison l’école, la récré, les copains, ses parents qui ne lisent pas le français lui disaient déjà : "Au Maroc, on ne fait pas comme cela." Alors elle s’est arrêtée de raconter.
Aujourd’hui, cette consultante en marketing très chic se dit "embeurgeoisée". Ses copines blanches lui prônent la liberté et elle vient de s’acheter un appartement. A 29 ans, Samira en avait assez de partager sa chambre avec sa soeur. Elle voulait son nid à elle et ses parents l’ont accepté. Mais son indépendance lui pèse. La tradition marocaine, où les filles célibataires affranchies du toit paternel sont mal vues, la rattrape. Ecartelée entre deux cultures, elle a, au bureau, le sentiment de faire des efforts constants oiur s’adapter aux autres, sans retour. Elle ne dit pas qu’elle fait partie des Dérouilleurs, un réseau de cadres beurs, par crainte d’être accusée de communautarisme. Elle déteste faire la bise, mais n’a pas su l’avouer à ses clients exubérants. Ne pas s’isoler, ne pas se distinguer, voilà son credo. Parfois c’est intenable. "Nous devions récemment jouer les clients mystères dans un restaurant, vin inclus. J’ai dit que je ne pouvais pas le faire. On m’a prise pour une récalcitrante."
Pour Samira, la religion est une affaire privée. Elle rattrape les prières le soir, cela l’ennuie mais elle s’y plie. Elle fait le ramadan, une pratique bien tolérée par les Français non musulmans. Et, depuis quelques mois, elle songe à porter le voile. "C’est un cheminement classique pour les femmes croyantes, dit-elle. Lorsque l’âge de la maternité se rapproche, elles souhaitent parfois s’engager davantage dans le respect des principes de l’islam." Un peu comme une religieuse affiche ses voeux en portant l’habit. "Pour moi, cela ne correspond pas du tout à une radicalisation de ma foi. Avec ou sans hidjab, je resterai la même, mais je redoute qu’on me prenne pour une intégriste." Samira suppose qu’elle ne pourra plus travailler, tout du moins comme cadre sup dans une entreprise classique. Et d’une vie en stéréo, qu’elle devra passer en mode mono. Un renoncement difficile.
Au-delà du fait religieux, deux systèmes de valeurs se frictionnent au quotidien : l’impératif pour la femme cadre d’être pimpante et dynamique, et la nécessité pour la fille de famille d’obéir et de faire preuve d’une certaine abnégation. A 30 ans, Amaria, cadre sup dans une entreprise de télécommunication, a fait de cette tension sa routine. Cette aînée de cinq enfants partage une chambre exiguë avec sa soeur dans le 80 mètres carrés familial d’une tour HLM et porte l’honneur de sa famille sur ses épaules. Une famille pas spécialement conservatrice ni religieuse, insiste-t-elle : contrairement à certaines de ses copines, on ne la forcera jamais au mariage. "Mes parents vivent dans une culture de l’Afrique du Nord traditionnelle et moi, je fais des allers et retours entre deux univers. Si je décidais de prendre ma liberté, alors je devrais renoncer à ma famille qui me renierait. Je suis trop attachée à elle."
Un vecteur d’émancipation

Au quotidien, Amaria a appris à parler de tout et à mentir sur tout. Comment avouer aux collègues qu’elle n’a pas le droit de sortir quand ils vont boire un verre pour fêter un contrat ? Elle y va quand même et explique à son père en rentrant le soir qu’un cadre a des horaires élastiques et qu’elle devait boucler une affaire. Pour ce peintre en bâtiment, qui n’a aucune idée des responsabilités de sa fille - sa fierté à lui est qu’elle ait le bac et qu’elle travaille dans un bureau -, les horaires se limitent à "9 heures - 18 heures". "Ma fille, il faut que tu changes de patron !" s’énerve-t-il en lui interdisant de recommencer.
Amaria n’avait jamais quitté sa banlieue avant sa dernière année d’études à Paris. Depuis qu’elle travaille, l’entreprise a été son vecteur d’émancipation : les collègues lui ont appris à se maquiller, elle a découvert la presse, est devenue accro à Charlie Hebdo, a goûté à l’alcool à l’occasion d’un pot. Pour être en phase avec ses collègues, elle s’est inventé un appartement et des amis qu’elle n’a jamais eus : ses parents veulent qu’elle épouse un Marocain originaire de la région familiale. Quand sa mère lui propose de rencontrer un candidat, il lui arrive d’accepter pour ne pas faire d’histoires. "Me voilà à servir le thé à des inconnus qui me décortiquent, raconte-t-elle. C’est tellement humiliant !" Impensable de le raconter lundi matin... Ni même ces week-ends plus banals où elle est coincée chez elle à faire le ménage et les courses, ni surtout ces visites autrefois à son petit frère à la centrale de Fleury-Mérogis. L’espoir d’Amaria est d’épouser un homme français, habitué à jouer au passe-muraille pour ménager sa double culture et en finir avec sa double vie.


Laurence Bagot

sympa l'article, le coup du "conditionnement Tf1", c'est bien dit par miss Bagot, bon y a aussi le conditionnement du beur et de la beurette par sa famille "...Si je décidais de prendre ma liberté, alors je devrais renoncer à ma famille qui me renierait...". Il y a des familles maghrébines qui pour rien au monde renieraient ou répudieraient leurs enfants parce qu'ils ont choisi leur vie. C'est mon cas, celui d'un ami , de mes frères, d'une cousine et d'autres. Bon courage aux autres ou pas de bon courage.
r
21 août 2006 16:06
salam

comme l'a di qqn plus haut schozophrene c un peu fort comme mot. et les arabes ne sont pas les seules a devoir jouer ce double jeu. tout depend d'ou tu vients. si tu as grandi dans une cité en banlieue que tu sois arabe ou noir ou francais fodra t'adapter au monde de l'entreprise.

jpense ke tu l'as sompris t pas la seule dans ce cas, c'est d'ailleur aussi mon cas mais moi je voi plutot ca comme un tremplin. j'accepte pour l'instant de jouer ce jeu qui ne me convient pas et que j'esperre quitter le plus tot possible en attendant de mettre en place un projet et faire qqch ki m'interresse vraiment et en accord avec mes valeurs

Citation
BeautéDuRif a écrit:
Salam Angel

je dois reprendre le boulot demain et déjà j'ai une énorme boule à l'estomac.


Mon problème depuis que je travaille en entreprise c'est que j'ai le sentiment d'être schizophrène. Premièrement, je ne travaille qu'avec des français et j'ai une façon d'être et de parler qui est à des années lumière de la façon dont je suis dans la vie de tous les jours.


De plus j'ai l'impression que travailler dans une entreprise c'est exploiter la misère du monde, faire la course aux profits, donc c'est totalement opposé à ma vision du bien et du mal.

Du coup je ne suis pas capable d'être à fond dans mon travail, je me sens hypocrite parce que je ne crois pas au bien fondé de ce que je fais (je n'améliore pas le sort de l'humanité) et chaque fois qu'une opportunité de promotion s'offre à moi, je recule ou je démissionne.


Est-ce qu'il y en a parmi vous qui sont dans la même situation que moi ? Comment faites vous pour aimer quand même votre boulot ?


Merci pour vos réponses.
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook