saLe ministre de l'Immigration Eric Besson a présenté lundi à Rezé, près de Nantes, à une partie de son administration et dans un climat plutôt houleux, la réforme de la naturalisation qui va se traduire par un transfert de compétences vers les préfectures. La réforme, déjà largement tracée par son prédecesseur Brice Hortefeux, a été conçue au premier semestre 2008 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour parvenir à une "déconcentration" de la procédure de naturalisation par décret. La naturalisation peut être acquise soit par décret, soit par mariage. La réforme devrait être prochainement traduite par un décret. "A quoi sert d'avoir une double instruction?", a lancé Eric Besson en expliquant que, "jusqu'à présent, un étranger qui estime avoir les conditions requises pour accéder à la nationalité, voit son dossier traité deux fois: sur place - au niveau préfectoral - et au niveau national", à la sous-direction à l'accès à la nationalité française, installée à Rezé. "Ce qui va changer, a-t-il poursuivi, c'est qu'il y aura dorénavant séparation de l'instruction, faite par les préfets, et de la mission de contrôle, de pilotage et d'harmonisation qui va relever de l'administration centrale de mon ministère". Les décisions de naturalisation resteront toujours prises par décret du Premier ministre. Eric Besson a souligné que le but était à la fois une "réduction des délais" pour les usagers et une économie pour l'Etat. Il a assuré que cette réforme n'attentait en rien à "notre volonté d'intégrer par la naturalisation". Selon les services de Rezé, il y a eu en 2008 quelque 91.000 naturalisations par décrets et 16.000 par mariage. Environ la moitié des naturalisés sont originaires d'un pays du Maghreb, 13% d'Afrique, 13% d'Asie, 6% de pays de l'UE, 7,2% d'autres pays européens et 5% d'Amérique. Le transfert de compétences vers les préfectures sera précédé par une période d'expérimentation dans 20 préfectures qui débutera le 1er janvier 2010. Les délégués CGT et CFDT de la sous-direction ont protesté contre cette réforme. "On va rompre l'égalité de traitement en confiant aux préfets les décisions d'octroi ou de refus", a déclaré devant le ministre Marc Bonnefis, secrétaire CGT de la sous-direction. "Au lieu d'un endroit unique où on peut harmoniser pour une égalité de traitement, il va y avoir un éclatement en 101 lieux de décisions". Pour le délégué CFDT Laurent Poiraud, cette réforme, "qui n'a été soumise à aucune instance paritaire", "va amener de l'hétérogénéité dans les décisions". "De plus, a-t-il pointé, les délais d'obtention ne vont en rien être améliorés, les problèmes de délai se situant dans les préfectures et non à la sous-direction". La sous-direction des naturalisations de Rezé, qui compte 156 fonctionnaires, devrait perdre 20 postes en 2010-2011 et de nouveau 20 postes en 2012. L'historien Patrick Weil, qui avait coordonné l'an dernier une pétition de chercheurs pour protester contre la réforme, a estimé que celle-ci "représente une atteinte au principe d'égalité. Un tel pouvoir régalien délégué aux préfets comporte naturellement un risque d'abus et de favoritisme politique. C'est pour cette raison que tous les grands pays démocratiques ont centralisé leurs procédures de naturalisation qui sont des procédures très complexes", a-t-il déclaré dimanche à l'AFP.
e ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale a expliqué à Nantes, en marge d'une cérémonie de remise des décrets de naturalisation à trente nouveaux Français, que l'instruction serait dorénavant confiée aux préfectures, tandis que "l'harmonisation" au niveau national reviendra à la SDANF.
Actuellement, les candidats à l'octroi de la nationalité française par décret déposent leur dossier en préfecture, qui émet alors un "avis" à l'attention de l'administration centrale, basée à Rezé (Loire-Atlantique). Celle-ci instruit ensuite le dossier et donne la décision.
"La procédure actuelle créé des doublons entre les préfectures et l'administration centrale", estime le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale. "Il y a encombrement de demandes dans certaines préfectures. Cela pénalise les étrangers candidats à l'octroi de la nationalité française, et induit un délai de réponse trop lourd (20 mois en moyenne)."
"C'est un faux prétexte, qui cache des motivations idéologiques et politiques", est convaincu Laurent Poiraud, délégué syndical CFDT de la SDANF, qui a perturbé lundi matin le discours du ministre dans les locaux de l'administration centrale avec son homologue de la CGT.
Cette réforme va poser, selon le syndicaliste, des "problèmes d'équité" entre les candidats.
"Il y a 101 préfectures, avec 101 points de vue qui risquent d'être différents", redoute-t-il. "Cela risque de se faire à la tête du client."
L'administration centrale, qui emploie 160 agents administratifs à Rezé, craint également d'être "démantelée" à terme. Une vingtaine de postes vont être supprimés d'ici 2012 "en raison de la disparition de doublons", a dit Eric Besson.
"Dans quelques mois, les syndicats seront rationnels, ils verront qu'il n'y a pas d'intention maligne ou cachée dans cette réforme", a-t-il ajouté.
La France a naturalisé plus de 117.000 étrangers en 2008, selon le ministère de l'Immigration. Près de 87.000 naturalisations se font faites par décret, et 29.000 par déclaration (mariage, mineurs, etc.)