LE MONDE | 31.03.07 | 14h51 • Mis à jour le 31.03.07 | 14h51
Le metteur en scène Jean Liermier a choisi de situer Le Médecin malgré lui, de Molière, actuellement au Théâtre des Amandiers, à Nanterre, entre le milieu des années 1950 et celui des années 1960 - si l'on en croit des événements sportifs (Raymond Poulidor se fait souffler la première place du Tour de France par Jacques Anquetil) ou mondains (la naissance de Caroline de Monaco) entendus au cours du spectacle -, soit trois siècles après la création de la pièce en 1666.
Sganarelle, paresseux, ivrogne et coureur de jupons, vivote minablement avec femme et enfants près d'un boulevard périphérique. A la suite d'une énième violente dispute conjugale, sa femme, Martine, décide de se venger. Et c'est parti !
Tout Molière est là, la farce, bien sûr, dont il est l'héritier : disputes, coups de bâton, médecins charlatans, déguisements et stratagèmes. Mais aussi l'acharnement des pères à contrer les projets amoureux de leurs enfants, les différences sociales, l'indifférence des puissants quant au sort des plus faibles - celle de Sganarelle, devenu médecin, face au paysan dont la femme se meurt, celle de Géronte quand on se dispose à pendre Sganarelle ; la férocité de Léandre qui se réjouit de la mort de son oncle faisant de lui son héritier, ou, pire encore, l'habileté de Sganarelle, précurseur de Scapin, en roi de l'arnaque.
Si la modernité (relative) des décors et des costumes tranche avec le langage, l'incongruité s'efface vite. On s'amuse grâce au texte, bien sûr, mais aussi aux astuces de mise en scène (Sganarelle fonçant sur son vélo) et au jeu des acteurs, tous impeccables. Eric Elmosnino (Sganarelle) tient le spectacle du début à la fin, et Marie Druc (Lucinde) fait preuve, en une seule scène, d'une verve alcoolisée épatante.
C'est une ambition plus simple qui préside aux trois comédies montées par Christian Schiaretti au TNP, à Villeurbanne, avec ses jeunes comédiens presque tous issus de l'Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (Ensatt). Désireux de remonter à la "préhistoire" du théâtre de Molière, il a choisi Sganarelle, ou le Cocu imaginaire, L'Ecole des maris et Les Précieuses ridicules, jouées en mars avant de partir en tournée dans la région.
Le postulat du directeur du TNP est non seulement de "faire rire les honnêtes gens", mais aussi de mettre en scène l'alternance, les mêmes comédiens passant d'une pièce à l'autre avec en perspective la possibilité de faire tourner ces petites formes au décor allégé ensemble ou séparément. Une pédagogie en soi sur ce que doit être une troupe.
Les comédiens embrayent, le public (souvent scolaire) aussi, ravi de s'amuser. Mais, au-delà de la franche rigolade, l'aspect social des Précieuses fonctionne à merveille : quand Mascarille et Jodelet s'enfuient, roués de coups par leurs maîtres, humiliés, nus, les applaudissements accompagnent leur sortie.
Le Médecin malgré lui,de Molière, mise en scène de Jean Liermier. Théâtre des Amandiers. 7, avenue Pablo-Picasso, Nanterre (Hauts-de-Seine). RER Nanterre-Préfecture. Tél. : 01-46-14-70-30. De 12 € à 24 €. Jusqu'au 7 avril. Durée : 1 h 30. A Mâcon, les 10 et 11 avril, à Zurich, les 14 et 15 avril, à Cherbourg, du 18 au 20 avril, à Corbeil-Essonnes, le 27 avril, et, en mai, à Marseille, Bordeaux, puis Genève, en juin à Lausanne.
Sganarelle, ou le Cocu imaginaire, L'Ecole des maris, Les Précieuses ridicules en septembre à Villefranche-sur-Saône, en octobre à Vienne, Meylan, Vénissieux, Voiron, puis à Thonon et à Privas en novembre, et à Bourgoin-en-Jallieu en décembre.
Martine Silber Article paru dans l'édition du 01.04.07
j'ai vu la pièce oui. ça donne un spectacle hilarant .
l'aspect farcesque est totalement préservé "malgré" la mise en scène moderne. je crois même que cette version est plus drôle que la mise en scène, disons plus "puritaine" (ou du moins, plus fidèle à l'époque à laquelle à été écrite la pièce), à laquelle j'ai assisté il y a maintenant très longtemps .
même les rares moments de la pièce qui n'ont aucun aspect comique sont complètement dédramatisés.
en ce qui me concerne, j'ai ri du début à la fin, non pas seulement grâce au texte de Molière (qui est évidemment à se tordre de rire), mais aussi, et beaucoup, grâce au jeu des comédiens.
Et la terre se transmet comme la langue (Mahmoud Darwich).