PARIS, 16 sept 2005 (AFP) - Mucchielli (CNRS): L'islam en prison, facteur de réduction de la délinquance
L'Islam que de jeunes musulmans découvrent ou redécouvrent en prison a "généralement pour effet de leur faire quitter leurs anciennes pratiques délinquantes", estime le sociologue Laurent Mucchielli, chercheur au CNRS, après la nomination d'un aumônier national musulman des prisons.
Q: Un rapport des renseignements généraux s'alarmait récemment du prosélytisme islamiste en prison allant jusqu'à parler de "bombe à retardement", qu'en pensez-vous ?
R: "Les rapports des RG sont par définition alarmistes. Après s'être réorganisés sur les "violences urbaines" au début des années 1990, les RG sont aujourd'hui orientés vers "l'islamisme" et doivent rendre des compte. Il ne faut donc pas s'étonner de ce rapport qui en suit d'autres de la même teneur. Quant au fond, les rares recherches qui existent sur l'Islam en prison, comme celle de Farhad Khosrokhavar, et les quelques témoignages recueillis auprès d'associations, indiquent qu'il y a bien une montée de l'Islam en prison, qui peut être, pour le délinquant, une façon de s'en sortir psychologiquement face à son échec social et la violence de la situation carcérale. Mais ils ne permettent absolument pas de dire qu'une armée de dangereux fanatiques s'y prépare, ni que le comportement en prison perdurera après la sortie".
Q: Quelles sont les conséquences de cette découverte ou redécouverte de leur religion en prison par de jeunes délinquants ?
R: "Le paradoxe est total puisque dans les quartiers + sensibles +, le retour ou la conversion à l'Islam de jeunes ayant un parcours délinquant a généralement pour effet de leur faire quitter leurs anciennes pratiques délinquantes. En entrant en religion, ces jeunes adoptent un nouveau style de vie, ils changent leur comportement, par exemple arrêtent de boire de l'alcool et de fumer du cannabis, cherchent à se marier et montent un commerce licite à la place du "business" qu'ils avaient auparavant. L'Islam réduit plutôt la violence que le contraire".
Q: Peut-on malgré tout parler d'une revendication de plus en plus forte des musulmans pour pratiquer leur religion, en prison comme dans l'ensemble de la société ?
R: "Oui mais revendiquer une pratique de sa religion, fut-ce de façon agressive ou en se coupant des autres, ne signifie pas que l'on ira ensuite poser des bombes ! C'est bien là qu'est le problème dans cette tendance constante à criminaliser la religion musulmane alors que l'Islam est la religion de plusieurs millions de nos concitoyens. Beaucoup de gens ont du mal à comprendre en France que la demande d'Islam est fondamentalement une demande de respect, une quête de dignité et de reconnaissance symbolique. Dès lors, réagir par la peur et la stigmatisation, c'est donner une réponse contre-productive".
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