Depuis plus de cinq siècles, l'exploitation des importantes réserves d'or enfouies en Afrique de l'Ouest représente un enjeu économique et stratégique crucial pour les sociétés occidentales.
La richesse du métal jaune avait dès le XIVesiècle attiré l'attention des explorateurs arabes. Elle a ensuite attisé la convoitise des puissances coloniales européennes, le drainage de l'or africain vers l'Europe se déroulant alors simultanément, et depuis la fin du XVesiècle, avec un autre commerce sordide: celui de la traite des Noirs. Au nom de la déclaration universelle des droits de l'homme, l'esclavage a ensuite été aboli, le régime colonial est tombé. La guerre froide qui paralysait le continent africain dans la lutte d'influence menée par guérilla interposée entre les Etats-Unis et l'ancien bloc de l'Est, relayée aux oubliettes.
On aurait pu imaginer que le Mali, sorti d'une longue période de dictature, deviendrait enfin libre d'exploiter à sa guise ses étonnantes réserves d'or, troisième en importance après l'Afrique du Sud et le Ghana. C'était sans compter la politique de privatisation forcée dictée depuis le début des années nonante par la Banque mondiale. On connaît la rengaine: les plans de restructuration des industries maliennes doivent amener des investissements étrangers, améliorer le rendement des usines de traitement et relever le niveau de vie de la population, parmi les plus pauvres du monde.
De fait, l'or du Mali profite aujourd'hui largement aux multinationales sud-africaines, américaines, canadiennes ou suisses qui décrochent ici, et en toute discrétion, d'importantes concessions sous prétexte qu'elles sont les seules à pouvoir installer sur place les infrastructures d'exploitation permettant une extraction du minerai à l'échelle industrielle. Leurs usines de traitement de l'or s'accaparent des surfaces dépassant souvent plus de 40hectares du sol malien. Elles érigent des forteresses impénétrables, fonctionnent en vase clos, sont dirigées par des cadres anglo-saxons qui imposent leurs conditions de travail à la main-d'oeuvre africaine locale. Certaines ont recours à des méthodes de surveillance parfois dignes du régime d'apartheid, comme l'a dénoncé avec force la documentariste Camille de Vitry dans un film intitulé Le prix de l'or en évoquant le cas du complexe industriel de Sadiola, site d'exploitation proche de la frontière sénégalaise et sous la responsabilité de la multinationale sud-africaine Anglogold.
Une situation qui n'a pas l'air d'embarrasser les institutions financières internationales, partenaires de plusieurs concessions aurifères sous le confortable label de «l'aide au développement». GILLES LABARTHE