salam alaykoum: vendredi 13 février 2009 - 06h:47 Arab Monitor -------------------------------------------------------------------------------- Le négociateur égyptien a crié aux représentants du Hamas : « Personne dans le monde arabe ne peut se permettre de dire non à l’Egypte ».
Un document qui date de quelques semaines, de janvier. Des journalistes d’ArabMonitor, principal portail sur le monde arabe en Italie, ont interviewé un dirigeant éminent du Hamas qui révèle les dessous des négociations - Hamas, Egypte, Autorité palestinienne à Ramallah, Union européenne et USA - qui ont eu lieu pendant et avant l’agression israélienne contre la bande de Gaza.
Damas, janvier. Le haut représentant du Hamas a eu le choix de parler sous anonymat, compte tenu du côté délicat des déclarations qu’il avait à nous faire. A quelques heures de l’assassinat de Saed Siyam dans la bande de Gaza et peu avant l’ouverture du sommet arabo-islamique reçu par l’émir du Qatar, notre interlocuteur n’avait pu dormir que deux heures la nuit précédente, on le voyait à ses yeux veinés de rouge et profondément creusés.
Il nous a révélé que ce n’était pas l’Egypte qui était en train [en janvier] de négocier les termes d’un cessez-le-feu pour Gaza, mais la Turquie, au moins, pour ce qui concerne les exigences de la résistance islamique.
Voilà comment nous avons appris que les délégués du Hamas s’étaient vu présenter par l’Egypte, non un projet de propositions pour un cessez-le-feu, mais le diktat qui suit : pause dans les combats pour une première période de deux semaines afin de permettre la distribution de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, pause au cours de laquelle les conditions d’un cessez-le-feu durable, sur le long terme, pourraient être négociées. Le Caire optait pour une trêve de 20 ans, en tout cas pas moins de 15 ans, et exigeait dans le même temps que la résistance signe sa défaite sans conditions, renonce à la lutte armée et s’abstienne de donner une formation militaire à ses membres, ainsi que de fabriquer et d’importer des armes. Durant cette accalmie de courte durée - arrêt des tirs pendant deux semaines -, aucun des passages frontaliers ne serait ouvert et même l’aide humanitaire ne pourrait entrer dans la bande de Gaza qu’à la discrétion de l’Egypte et d’Israël.
« Nous les avons remerciés et leur avons expliqué que ce n’était pas acceptable. Le général Suleiman (chef des Renseignements égyptiens) est alors devenu furieux et a crié : "Personne dans le monde arabe ne peut se permettre de dire non à l’Egypte" ».
Pour décrire le genre de jeu qui fut celui du Caire dès le début et tout au long de l’agression israélienne (déclenchée le 27 décembre), notre interlocuteur nous raconte que le 26 décembre, les Egyptiens ont demandé au Hamas de « lever le drapeau blanc », de se déclarer vaincu, ajoutant : « alors, "nous (les Egyptiens) interviendrons auprès des Israéliens pour garantir votre sécurité personnelle" ». De toute façon, durant cet entretien qui a eu lieu en présence de certains collaborateurs de Suleiman, les représentants égyptiens ont assuré aux Palestiniens qu’ils avaient reçu des garanties de la part d’Israël qu’aucune attaque militaire contre Gaza n’était au calendrier [c’était le 26 décembre !].
« Dans ces trois semaines de guerre, il y a eu des jours, des périodes, pouvant aller jusqu’à 48 heures, où ils ont refusé tout passage par le poste de Rafah, même pour des bouteilles de gaz dont on avait un besoin urgent pour les services de chirurgie des hôpitaux de la bande de Gaza. »
« Ce n’est pas tout : depuis dix jours, 400 hommes de Mohammad Dahlan (l’ancien homme fort du Fatah, des USA et d’Israël pour la bande de Gaza) sont cantonnés dans un centre militaire à al-Arish (capitale provinciale du Sinaï) où ils sont entraînés par des Egyptiens ». Le projet de ces 400 hommes est de pénétrer [revenir] dans la bande de Gaza, si ce n’est sur le dos des chars israéliens, au moins avec le soutien de l’Egypte.
Ces derniers jours, les eaux du Nil ont commencé à devenir très troubles car l’Egypte n’a pas du tout apprécié le travail de la délégation turque dans sa médiation pour les conditions d’un cessez-le-feu. Le général Suleiman avait même initialement empêché les Turcs de rencontrer les représentants du Hamas, exigeant d’agir comme messager entre les deux délégations. A un certain moment, Ahmed Davotouglu, conseiller éminent du Premier ministre turc Erdogan, s’est impatienté et la délégation turque d’Ankara a finalement été autorisée à rencontrer directement les Palestiniens.
« Les Turcs ont alors avancé dans une démarche très pragmatique. Ils ont fait comprendre à Suleiman que les propositions égyptiennes étaient, à proprement parler, inacceptables pour nous et ils ont avancé des idées qui contenaient des garanties pour nous comme pour les Israéliens. Par exemple, ils ont proposé d’organiser une présence d’observateurs internationaux, directement sur les passages frontaliers, présence conjointe avec les forces palestiniennes de l’Autorité dans la bande de Gaza, lesquelles, au passage de Rafah, mais seulement au passage de Rafah, pourraient aussi consister en des forces palestiniennes mixtes, c’est-à-dire, celles de l’Autorité nationale palestinienne avec nos propres forces. Dans la proposition turque, la présence internationale était différente de celle mise en place il y a des années [en 2005] au passage de Rafah par l’Union européenne qui, pratiquement, exécutait les ordres d’Israël qui contrôlait le passage au moyen d’un dispositif de surveillance à distance. Dans la nouvelle proposition, les forces aux postes-frontières devaient fonctionner en tant qu’autorité indépendante. Et ce sont encore les Turcs qui ont proposé un calendrier, qui pourrait être d’un an, pour la durée du cessez-le-feu. Nous considérons que la Turquie est un partenaire avec lequel on peut négocier, car elle a montré beaucoup de réalisme. »
« Parmi les conditions clé que proposait le mouvement islamique palestinien de résistance pour un cessez-le-feu, il y avait : l’exigence d’un arrêt total et définitif des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza ; le retrait immédiat des troupes d’invasion, qui "pourraient se retirer dans un délai de deux heures" mais dont l’évacuation était exigée sur deux jours maximum ; et la fin du siège imposé sur le territoire avec l’ouverture de tous les passages frontaliers et en premier lieu, celui de Rafah avec l’Egypte. »
« Nous avons demandé à notre partenaire de nous faire part de son appréciation sur les positions et actions d’Abu Mazen dans la crise actuelle. "Ecoutez, peu après le déclenchement de l’agression israélienne, il a été appelé au téléphone par le secrétaire général du Jihad islamique, Ramadan Shallah (en exil en Syrie), qui lui a demandé de faire un geste et d’appeler Ismail Haniyeh à Gaza, pour savoir ce qui se passait. Abu Mazen a refusé. Nous savons de sources absolument dignes de confiance qu’hier, quand l’information lui est arrivée à la Moqata (le siège d’Abu Mazen à Ramallah) que Saed Siyam avait été tué, les dirigeants politiques présents, parmi lesquels Abu Mazen, se sont félicités et se sont distribué des bonbons". Que puis-je ajouter, quand on en est là ? ».
Le mandat d’Abu Mazen, en tant que président de l’Autorité nationale palestinienne, a expiré le 9 janvier : « Oui, mais vu les circonstances présentes, nous ne voulons pas créer des problèmes supplémentaires et préférons laisser la question en suspens jusqu’après la fin de la guerre contre Gaza, après laquelle, dernier point mais ce n’est pas le moindre, nous devrons nous attaquer à la reconstruction dans la bande de Gaza ».
Notre interlocuteur nous fait part que l’an dernier, avant le sommet de la Ligue arabe à Damas, l’Egypte avait essayé par tous les moyens de convaincre le président de l’Autorité palestinienne de boycotter la réunion mais qu’Abu Mazen avait répondu : « Si je n’y vais pas, mon fauteuil va être occupé par Khaled Meshaal (chef du bureau politique du Hamas) », c’est pourquoi il s’est rendu à Damas. (A la dernière réunion d’urgence arabo-islamique à Doha, où il était absent, le fauteuil du représentant des Palestiniens avait effectivement été occupé par Meshaal).
Les Européens également, qui en public font toujours attention à se présenter comme des « vertueux » évitant tout contact avec le Hamas, ont eu les semaines passés plus d’une discussion avec la résistance islamique. « Certains d’entre eux nous ont approchés pour exprimer leurs sentiments négatifs sur le fait que, selon eux, nous refusions de respecter le cessez-le-feu en cours. Quand nous leur avons dit, en insistant, que c’était en réalité Israël qui violait le cessez-le-feu en refusant de lever le siège de la bande de Gaza, ces pays se sont éclipsés. »
« Cependant, trois pays européens ont gardé leur ligne ouverte et nous avons toujours eu des contacts avec eux. Ils nous proposaient leur aide pour trouver un moyen de sortir de la crise. Je ne peux pas vous donner les noms de deux d’entre eux, seulement vous indiquer que ce sont des Etats membres de l’Union européenne, l’un étant une puissance dirigeante, et l’autre qui suit une politique ambitieuse. Le troisième qui nous proposait son aide était la Norvège. »
Néanmoins, sur le front américain, certains développements intéressants se sont manifestés. Daniel Kurtzer, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Israël, qui est assez proche de l’équipe de Barack Obama, a rencontré à deux reprises « en tant que citoyen privé » des dirigeants du Hamas. Son but était « de récupérer des idées ». Les deux entretiens ont eu lieu l’un au printemps 2008, l’autre en novembre après la victoire électorale d’Obama. Et puis, comment oublier que l’ancien président des USA, Jimmy Carter, a demandé à rencontrer personnellement Khaled Meshal, avec d’autres personnalités de la direction du Hamas, en avril et novembre de l’an dernier ?