Total a voulu acheter le silence sur ses agissements en Birmanie
L'argent ne fait pas le bonheur, paraît-il. Et le groupe pétrolier français Total vient de découvrir que l'argent ne permet même pas d'acheter le silence ! En tout cas pas celui d'Aung Maw Zin et de ses avocats, note Le Soir. Cet opposant à Rangoon a introduit en 2002 à Bruxelles "une plainte devant la cour d'assises contre la société et ses responsables pour complicité de crimes contre l'humanité. L'argument développé est que Total apporte un soutien moral, financier et logistique" à la junte birmane. Laquelle est "un régime peu fréquentable", précise le quotidien belge.
Un euphémisme, pour qualifier l'une des pires dictatures de la planète, avec laquelle Total a longtemps et beaucoup collaboré alors que toutes les associations de défense des droits de l'homme de la planète appellent à boycotter ce régime. Certaines de ces associations considèrent d'ailleurs que Total a non seulement soutenu la junte mais que par certaines de ses demandes ou certains de ses agissements, le groupe pétrolier a même encouragé des exactions. Ce que conteste, bien sûr, la multinationale.
Depuis le dépôt de la plainte d'Aung Maw Zin, Total fait des pieds et des mains pour empêcher que la procédure aboutisse. Avec des hauts et des bas. Le 13 avril 2005 marquait un bas pour la compagnie pétrolière française : ce jour-là, la cour d'arbitrage belge s'opposait à l'arrêt des poursuites envisagé par le ministère public.
Craignant que le scandale aille plus avant, l'entreprise entre alors en contact avec les avocats du plaignant en vue d'un règlement à l'amiable, raconte le quotidien, leur proposant le "retrait de leur plainte contre une grosse somme d'argent". Les négociateurs du groupe pétrolier exigent dans le même temps une complète confidentialité sur l'opération. D'ailleurs, Total a affirmé au journaliste du Soir "ne pas avoir connaissance d'une telle proposition".
Quelques mois plus tôt, relève encore Le Soir, "la société américaine Unocal, partenaire de Total en Birmanie, également empêtrée dans un marathon judiciaire (aux Etats-Unis), avait versé 30 millions de dollars (environ 25 millions d'euros) à des plaignants pour qu'ils retirent leurs plaintes". Mais Total a eu moins de chance qu'Unocal : Aung Maw Zin refuse l'offre d'argent, voulant continuer la procédure jusqu'au bout, "pour ceux qui sont restés en Birmanie".
Depuis, le pétrolier français a obtenu la fin des poursuites, "sans que la justice se penche sur le fond du dossier", remarque Le Soir. La Cour de cassation a en effet décidé que, techniquement, la plainte ne pouvait être reçue, du fait de modifications apportées à la loi de compétence universelle qui lui servait de support. "Seule une nouvelle loi pourrait contraindre à rouvrir le dossier", reconnaît Le Soir. Avant de conclure que "plusieurs parlementaires se sont engagés à voter ce nouveau texte. Aung Maw Zin attend."