Le Maroc peine à contenir l'afflux de clandestins IMMIGRATION Rabat a été accusé par des organisations humanitaires d'avoir abandonné des centaines d'Africains dans le désert.
Interpellés près de Ceuta et Melilla, des centaines de migrants ont été conduits par les autorités marocaines au sud du pays, puis abandonnés à leur sort dans cette région désertique. Photo Samuel Aranda/AFP.
Thierry Oberlé [10 octobre 2005]
L'ERRANCE des émigrants africains qui tentent de gagner l'Europe via les enclaves espagnoles en Afrique du Nord est au coeur d'un dilemme : que faire de ces milliers d'«harraga», ces «brûleurs de vie» selon une expression du dialecte algérien ? Comment gérer ces partants prêts au pire pour rejoindre la terre promise européenne ?
Confronté depuis des années à un casse-tête insoluble, Rabat cherche des solutions. Les autorités marocaines tentent, sous le feu d'une actualité nourrie par la mort de clandestins tombés sous les balles devant les barrières de Ceuta et Melilla, de parer au plus pressé. Avec maladresse. Vendredi, des organisations non gouvernementales basées en Espagne, comme Médecins sans frontières (MSF) et Paz Ahora, ont découvert que des centaines de migrants interpellés dans les environs de Ceuta et Melilla ont été conduits, sans doute en camion et en autocar, vers la frontière algérienne, au sud d'Oujda. Les clandestins auraient été ensuite abandonnés à leur sort dans des régions désertiques. Selon les organisations internationales qui se sont portées au secours de ces réfugiés, une quinzaine d'entre eux seraient décédés faute d'une prise en charge. Très affaiblis, ils se cacheraient dans des collines, loin des points d'eau. D'après des médecins de MSF présents sur place, plus d'un millier de candidats au passage en Europe auraient été renvoyés par les forces de sécurité marocaines vers la frontière mauritanienne.
La situation n'est pas neuve : depuis plusieurs années des clandestins arrivés dans des conditions souvent dramatiques dans les espaces sahariens contrôlés par le Maroc essayent de passer en bateau aux Canaries. La migration a pris une tournure particulière avec les accès de désespoir des candidats à l'émigration. Jeudi, la police marocaine a été placée sur le banc des accusés pour avoir tiré sur des clandestins qui fonçaient sur les clôtures avec une énergie peu commune. Six morts, tués par balles ou piétinés par leurs camarades lors de cet assaut avorté, ont été dénombrés. Les illégaux se jettent contre des barrières métalliques dont Madrid est en train d'augmenter la hauteur.
Rabat invente des parades
Les voyageurs en provenance des pays d'Afrique noire tels le Mali, la Guinée, le Sénégal ou la Sierra Leone échouent au Maroc. Beaucoup passent par l'Algérie. La route mène de Tamanrasset jusqu'à Maghnia, près de Tlemcen en Algérie, à la frontière avec le territoire marocain. Des réunions internationales mobilisant des experts européens se sont penchées ces dernières années sur le phénomène. Elles se sont bornées à dresser des constats et à proclamer des discours de bonne intention. Montrés du doigt, les Marocains renvoient les accusations de laxisme à l'Algérie qui reste, pour des raisons géographiques, un point de passage obligé. Des clandestins renvoyés par Rabat de l'autre côté de la frontière, officiellement fermée, seraient revenus au Maroc avec l'accord de militaires algériens. Des centaines voire des milliers d'émigrants venus du Sud du Sahara seraient en quête d'un passage de l'Algérie vers le Maroc. D'autres circuits passent par la Mauritanie...
Mis en cause, le gouvernement marocain invente des parades. Quelque 300 Sénégalais, qui erraient depuis plusieurs jours dans le désert oriental marocain, ont été conduits dans des bus affrétés par les autorités marocaines hier vers Oujda, à 300 km plus au nord, afin d'être rapatriés en avion aujourd'hui vers leur pays. Près de deux cents émigrants maliens les ont suivis dans quatre bus. Ceux qui n'ont pas pu monter dans ces autobus attendent un nouveau convoi pour rejoindre Oujda. En attendant, les diplomates africains s'interrogent et doutent de l'«humanité» des mesures décrétées par Rabat. Combien de candidats vers l'Europe sont-ils morts ou vont-ils mourir dans les prochaines semaines ? La question est sans réponse. Au moins 2 400 immigrés africains illégaux auraient été renvoyés vers la frontière mauritanienne et abandonnés sur place, indique l'association espagnole SOS-Racisme, sans préciser ses sources.
En Espagne, le sujet est devenu une source d'affrontement entre la gauche et la droite. Le chef de l'opposition conservatrice, Mariano Rajoy, se déclare favorable à l'expulsion immédiate des émigrants clandestins, «sans les abandonner dans le désert». La mise en oeuvre de mesures d'expulsion de migrants africains via Oujda, avec l'assentiment de l'Union européenne, devrait calmer les esprits. Elle ne sera qu'une étape dans un lent processus. Car nul n'est en mesure de dire, à Ceuta comme à Melilla, quand les migrants cachés dans les bois vont donner leur nouvel assaut.
oui vite sortons de nouveaux sujets pour enfouir celui là aux oubliettes du portail avant que les gens ne lisent, sinon on va se taper la honte: tiens un résumé de la mentalité marocaine...
Le Maroc expulse des clandestins sénégalais --par Michel Zerr-- [10/10/2005 17:20]
OUJDA, Maroc (AP) -- Le Maroc a commencé lundi à renvoyer par avion plusieurs centaines de clandestins sénégalais qui espéraient pouvoir passer en Europe. D'autres expulsions devraient suivre dans les prochains jours mais les autorités en appellent à l'implication de la communauté internationale, et de l'Union européenne en premier lieu.
A l'exception notable du rapatriement d'un millier de Nigériens en 2003, les autorités marocaines se contentent habituellement de relâcher les migrants dans le désert, à la frontière algérienne, bien que les organisations humanitaires dénoncent cette pratique.
L'ancien ministre français de la Santé Bernard Kouchner, co-fondateur de Médecins Sans Frontières, s'est ainsi insurgé lundi contre l'abandon de «centaines» de personnes. «Ca fait mal au coeur de penser que (...) les gens meurent en ce moment pour trouver de l'eau dans le désert», a-t-il déclaré sur Europe-1. «Médecins sans frontières les a vus. Il y a des centaines de gens qui ont été chassés et qui n'ont rien à manger.»
Lundi, un premier avion de la Royal Air Maroc transportant 140 Sénégalais a décollé d'Oujda (nord-est) pour Dakar. Des policiers marocains se trouvaient à bord pour accompagner les passagers qui n'étaient pas menottés. Certains présentaient de légères blessures, des coupures sur les bras notamment. «Nous sommes heureux de rentrer chez nous, parce qu'ici il y a beaucoup de problèmes», a déclaré à l'agence Associated Press Abdoulaye, 26 ans, avant d'embarquer. Le jeune homme a affirmé que c'était sa troisième et dernière tentative de passer en Espagne.
Un deuxième vol transportant également 140 Sénégalais devait quitter Oujda dans la soirée. Les autorités marocaines ont également l'intention d'affréter des Boeing 747 pour rapatrier 600 Maliens à Bamako et d'autres Sénégalais dans les prochains jours.
Dimanche, les autorités marocaines ont annoncé leur intention d'expulser par avion à partir de lundi «500 à 600 ressortissants sénégalais illégaux», en accord avec l'ambassade du Sénégal à Rabat.
Les clandestins ont été arrêtés au Maroc, notamment près des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla (nord), qui ont subi ces dernières semaines les assauts répétés de migrants originaires d'Afrique sub-saharienne, désireux de gagner l'Europe pour fuir la misère. Une dizaine d'Africains ont été tués en tentant de franchir par centaines les clôtures hérissées de barbelés des deux enclaves. Le Maroc, véritable porte d'entrée vers le Vieux Continent pour tous ces candidats à l'immigration, s'en retrouve au coeur de la crise.
Cependant, souligne Mohammed Ibrahimi, haut responsable pour la région d'Oujda, «le problème de l'immigration sub-saharienne dépasse le Maroc». «Ce qui se passe aujourd'hui devrait inquiéter la communauté internationale, à commencer par l'Union européenne. C'est un problème universel, un phénomène qui va s'amplifier», a-t-il averti.
L'Algérie voisine a exprimé le même point de vue, soulignant que l'intervention de la police était nécessaire mais non suffisante pour lutter contre le phénomène.
La coopération internationale doit trouver des solutions pour «les pays d'origine, les pays de transit et ceux qui accueillent» les immigrants, a affirmé le ministère algérien des Affaires étrangères dans un communiqué diffusé dimanche par l'agence de presse officielle APS. Le ministère a également précisé que près de 6.000 clandestins avaient été arrêtés sur le sol algérien en 2004.
Mais l'expulsion de leurs compatriotes n'empêche pas des centaines d'autres Africains de persister à vouloir entrer en Europe. La police espagnole estime ainsi que 3.000 Africains se sont regroupés dans un camp de fortune au nord-ouest de l'Algérie, tout près de la frontière avec le Maroc, attendant le moment propice pour tenter de gagner Melilla, selon l'édition de ce week-end du quotidien espagnol «El Pais».
Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a souhaité lundi que la communauté internationale fasse davantage qu'empêcher les gens de passer les frontières pour résoudre les problèmes liés à la migration car «le déplacement des populations va continuer, a-t-il souligné. AP
«harraga», ces «brûleurs de vie» selon une expression du dialecte algérien ? Comment gérer ces partants prêts au pire pour rejoindre la terre promise européenne ?
Pont aérien à partir d'Oujda pour rapatrier les Subsahariens
Un pont aérien doit être mis en place hier à partir d'Oujda pour rapatrier vers leur pays d'origine plus d'un millier d'émigrants sénégalais et maliens dont le rêve de gagner l'Europe s'est transformé en cauchemar, selon une source du ministère de l'Intérieur.
"Les rotations devraient commencer dans la matinée à partir de l'aéroport d'Oujda", a précisé la source du ministère de l'Intérieur. Par ailleurs, selon une ONG marocaine, plusieurs centaines d'émigrants africains à bord de bus se trouveraient à Guelmim.
Un cortège de six autobus, avec à bord de chacun d'entre eux une cinquantaine d'émigrants africains, escorté par des gendarmes a traversé hier matin la ville de Guelmim (700 km au Sud de Rabat) et se dirigeaient vers une zone au Sud de Tan Tan, a indiqué à l'AFP une source des services de sécurité marocains.
"Il y a 28 autobus avec dans chacun 60 à 100 personnes qui ont roulé toute la nuit vers le Sud-Ouest et se trouvent aux environs de Guelmim. Nous avons une équipe qui suit quatre de ces bus", a déclaré à l'AFP Hicham Rachidi, le directeur exécutif de l'Association des familles des victimes de l'immigration clandestine (AFVIC).
Selon lui, il s'agirait surtout de Camerounais, de Nigérians, de Ghanéens, de Guinéens, de Bissau-Guinéens et de Togolais. Ces migrants, partis de chez eux il y a de longs mois, voire plusieurs années, ont été transférés dimanche en bus vers Tan Tan.
Ils sont installés dans deux centres situés dans le Sud-Ouest de la ville, l'un dépendant du secrétariat d'Etat à la Jeunesse et l'autre du ministère de la Culture. Un journaliste de l'AFP a constaté qu'ils avaient reçu matelas, nourriture, et eau et avaient pu prendre des douches. Le pont aérien pour le rappariement des Subsahariens vers leurs pays " devrait commencer vers 10H00 (10H00 GMT) mais il y aura pour nos compatriotes des rotations, car l'avion mis à notre disposition ne compte que 140 places", a affirmé à l'AFP l'ambassadeur du Sénégal Ibou Ndiaye.
Selon lui, 317 émigrants sénégalais se trouvent déjà à Oujda et ils devraient être rejoints par 189 autres que les autorités marocaines ont arrêtés à Nador et 120 autres "qui se cachaient dans la forêt et que j'ai pu contacter par téléphone portable pour leur offrir ce rapatriement".
"Ils ont été conduits dimanche à Tanger, à 250 km au Nord de Rabat et devraient rejoindre Oujda par bus dans la journée", a-t-il ajouté. En revanche, le premier conseiller de l'ambassade de Guinée au Maroc Aboubakar Sylla a perdu la trace de 70 compatriotes.
A Bouarfa, ils n'ont laissé derrière eux que des chaussures, des vêtements et des bouteilles d'eau éparpillés. "Jusqu'à une heure du matin, j'étais au téléphone avec l'un d'eux. Il m'avait dit qu'ils étaient tous là", affirme M. Sylla. Le temps d'arriver dimanche, ils avaient disparu.
Des habitants assurent que les Africains sont montés vers 05H00 GMT du matin dans des camions militaires marocains, mais ils ignorent leur destination. Pour sa part le Mali a dépêché hier matin à Rabat, son ministre chargé des Maliens de l'extérieur et de l'Intégration africaine Oumar Hamadoune Dicko, qui doit rencontrer les autorités marocaines, a indiqué à l'AFP, l'ambassadeur du Mali Moussa Coulibaly. Selon lui, "sept bus transportant un demi millier de Maliens ont gagné dimanche Oujda et deux ou trois autres devraient arriver hier.
Le départ vers Bamako pourrait avoir lieu hier ou ce mardi et se fera sur la base de l'identification et du volontariat", a-t-il dit. En revanche, moins chanceux, plusieurs centaines de Camerounais, Nigérians, Ghanéens, Ginéens, Bissau-Guinéens, Togolais, sont conduits en bus vers la frontière mauritanienne, selon l'Association des Familles des victimes de l'immigration clandestine (AFVIC).
Pour sa part, le ministre marocain délégué aux Affaires Etrangères, Taïeb Fassi-Fihri, a indiqué qu'une réunion avait eu lieu samedi avec des diplomates de sept pays africains pour examiner avec eux "le meilleur moyen de trouver une solution à cette situation dramatique".
"Comme l'Europe ne nous aide pas, nous essayons de régler l'affaire directement avec les pays africains dont sont originaires ces émigrés", a-t-il dit. Il a confirmé que son pays allaient affréter des avions pour permettre aux migrants de rentrer notamment vers Dakar et Bamako.
Il a totalement démenti que des migrants africains étaient conduits vers la Mauritanie. "Ils sont venus de l'Est et donc la reconduite à la frontière se fait de la même façon. Il n'y a aucune raison pour les renvoyer vers la Mauritanie", a-t-il dit.
«On n'a pas eu de chance...alors on repart»
Ils espéraient pouvoir pénétrer dans les Présides espagnoles de Sebta et Melillia, puis en Europe. Mais ils n'ont "pas eu la chance". Alors, hier, ils semblaient résignés, et plutôt soulagés, à l'idée d'être rapatriés en avion à Bamako. Dimanche en fin d'après-midi, quatre autobus s'immobilisent devant le centre où vivent depuis 24H00 près de 400 Maliens.
De Bouarfa, petite ville du Sud-Est proche de l'Algérie, ils partiront quelques heures plus tard pour Oujda, à quelques centaines de km plus au Nord. De là, il est prévu qu'ils prennent un avion pour leur Mali natal.
Beaucoup sont partis de chez eux il y a de longs mois, voire plusieurs années. Ils sont passés par l'Algérie, entrés au Maroc, et montés jusqu'au Nord...jusqu'aux Présides.
Moussa Diara, 24 ans, regarde les autobus à travers une fenêtre à barreaux. "Le grillage (qui entoure les Présides espagnoles), si tu as de la chance.... tu peux rentrer", raconte le jeune homme, parti de chez lui il y 3 ans parce que ses parents ne pouvaient plus l'entretenir.
"Moi, j'ai eu de la chance deux fois. La chance? C'est quand le gardien ne regarde pas". A deux reprises, Moussa a réussi à passer au-dessus des barbelés de Ceuta grâce à une échelle. La première fois, il y resté une heure, la deuxième une nuit, dans la forêt. A chaque fois, il a été arrêté et expulsé par la garde civile espagnole.
C'était il y a quelques mois. Depuis, il est demeuré à proximité de l'enclave. Mais quand, ces derniers jours, des centaines de migrants africains comme lui ont lancé des assauts collectifs, il raconte qu'il n'y a pas pris part. "Je n'avais plus le courage". Maintenant, il en "a marre" et veut rentrer chez lui.
Aboubakar Diallo, 28 ans, de Bamako, a aussi tout fait pour arriver en Europe. Il a même essayé de rejoindre Melilla par la mer. "Mais je n'ai pas eu la chance", conclut-il. Lui non plus ne va pas regretter son aventure. "Ici, c'est dur, c'est pénible. C'est plus que ça... C'est l'enfer sur terre: l'eau, la nourriture, les balles ", dit-il en référence aux récents tirs mortels contre des Africains cherchant à pénétrer dans les Présides.
"Ici, on nous considère comme des animaux", lâche-t-il. Il rentrera au Mali avec un simple sac en plastique. A l'intérieur, il y a du pain et des dattes, que lui ont donnés des villageois marocains lors de son exode dans le désert. Il n'a pas de vêtements de rechange. Il n'a rien gagné lors de son périple vers l'Europe. "C'est ma famille au Mali qui m'a envoyé de l'argent", raconte-t-il. "Alors...". Il y a bien quelques voix discordantes, comme Sekoun Kante qui assure qu'il tentera sa "chance de nouveau", parce qu'il n'a pas le choix, parce qu'il est "un enfant pauvre". Mais la plupart sont nombreux à se résigner à ne "pas avoir eu la chance". Par dizaines, ils s'engouffrent dans les autobus, sous le regard des enfants marocains du quartier. Les Maliens tiennent tous des sacs en plastique noir à la main, la ration que vient de leur distribuer Médecins sans frontières (MSF). Beaucoup portent de vieux blousons, et des bonnets de laine difformes.
Environ 200 autres devront encore patienter. Il n'y a pas assez de bus pour tout le monde. Devant la porte du camp de fortune où ils passeront une nouvelle nuit, une ambulance marocaine s'arrête. En descendent deux Africains, hospitalisés dans la nuit.
L'un d'eux a les deux pieds bandés. Il n'a pas de chaussures. Il marche avec grande difficulté. Son pied droit, le plus abîmé? Il raconte se l'être déchiré sur le grillage de Melillia.
Maghnia abrite un campement de clandestins prêts au dernier saut vers Melillia
La ville algérienne de Maghnia, près de la frontière avec le Maroc abrite un gigantesque campement de près de 3000 Subsahariens candidats à l'immigration clandestine vers l'Espagne, localisé par les forces de sécurité espagnoles, a indiqué, dimanche, le journal espagnol "El Pais".
A un pas de la frontière marocaine et à 160 kilomètres du préside de Melillia, ce campement s'est "consolidé avec le temps", souligne Luis Gomez en citant les mêmes sources.
Il y a des gens en provenance de différents pays, notamment le Cameroun, du Nigeria et du Mali. Dans ce camp de Maghnia, "ils se reposent et se préparent à parcourir leur dernière étape", à destination notamment de Melillia, via le Maroc, précise le journal espagnol.
Ce campement est "une véritable petite ville dotée d'une légère infrastructure: elle a son propre marché, ses marchands de produits alimentaires et ses cuisiniers. Le campement est régi par ses propres lois: les clandestins se regroupent par nationalités dans des espèces de quartiers différenciés et ils élisent aleurs chefs ou représentants", poursuit la même source.
Le rapport de police espagnol auquel se réfère "El Pais" est très précis: la vente de l'alcool et de la drogue est interdite dans cette cité de subsahariens à Maghnia. Mais les nouvelles technologies ne manquent pas.
"Ici se vendent les derniers modèles de téléphones portables munis de cartes prépayées, car la communication est très importante pour s'informer sur ce qui se passe dans un cité appelée Melillia, leur principal objectif à atteindre, une fois infiltrés au Maroc".
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Un dossier qui empoisonne les relations entre le Maroc et l'Espagne
Alors que le ministre des Affaires étrangères espagnol rencontre son homologue marocain à Rabat, nous publions l'enquête de nos envoyés spéciaux sur les clandestins dans le nord. Nous débutons par l'enquête effectuée côté espagnol. Elle sera suivie dans notre édition de mardi par celle réalisée côté marocain.
La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre : les autorités espagnoles ont expulsé 73 émigrés subsahariens dans la journée de vendredi 7 octobre. L'information relayée par la presse et les ONG locales a l'effet d'une bombe. "Dites, est-il vrai qu'ils vont nous expulser nous aussi ?", demande la voix éteinte de Patrick Okala. Ce jeune Camerounais de 23 ans, autrefois étudiant en sciences économiques, ne dissimule pas sa peur.
Le rêve tout d'un coup s'écroule, et la " terre promise", pour paraphraser la presse espagnole, devient tout d'un coup une prison. "Je suis ici depuis deux jours seulement, ils ne m'ont donné qu'un récépissé au siège de la préfecture de police, j'attends toujours d'avoir le laissez-passer provisoire pour pouvoir circuler librement dans la ville. De fait, je ne m'aventure pas loin du centre de peur d'être retenu et rapatrié ", nous confie le jeune Okala qui affirme que la nouvelle de l'expulsion n'est pas pour le rassurer.
Hassana et Moussa Traoré, deux frères maliens de 25 et 26 ans sont dans le même état de panique, une panique générale qui, d'un coup, s'est abattue sur le centre de séjour provisoire pour les immigrés. Les frères Traoré s'inquiètent de ne pas retrouver dans le CETI, comme l'appellent les Espagnols, des amis qui sont entrés dans la ville en même temps qu'eux. "Des journalistes espagnols nous ont expliqué que nous serons remis aux autorités marocaines qui vont nous lâcher dans le désert ", nous dit Patrick Okala. Le service de lecture à domicile de la presse espagnole ajoute au stress des nouveaux locataires du centre, dont beaucoup n'ont pas encore pansé leurs blessures. Le passage de la double grille métallique a laissé ses traces sur les mains, les bras, les jambes et toutes les autres parties du corps de ces écorchés vifs.
La nouvelle parue dans le quotidien espagnol " El Pais ", selon la foi d'un "représentant de Médecins Sans Frontières auquel des informations "seraient parvenues ", selon lesquelles les Subsahariens interceptés par la police marocaine "auraient été" abandonnés dans le désert sans eau, ni nourriture ", a fait son chemin, focalisant l'attention à la fois des immigrés et des nombreux journalistes présents à Mellilia. On sort les cartes pour vérifier dans quelle partie du désert se trouve le point indiqué par le journal "El Pais", on évoque des scénaris, on aborde différentes thèses et spéculations face à une information qui n'aura fait qu'entretenir le doute et jeter le trouble dans l'esprit des nouveaux arrivés à Mellilia. Ces émigrés subsahariens qui attitrent les foules à la veille d'un sommet euro-méditerranéen où les vraies questions risquent de ne pas être posées.
"Je fais le carême, la journée est suffisamment difficile ainsi, car je dois attendre une heure après la rupture du jeûne pour pouvoir manger, alors vous imaginez l'effet d'une nouvelle comme celle-ci… ", continue le jeune Camerounais qui dit s'être converti à l'Islam, il y a de cela 9 ans. D'autres plus anciens, Subsahariens, mais également beaucoup d'Algériens, des Irakiens, des Indous et des Pakistanais…ont pu dépasser la contrainte imposée par le centre de manger tous à la même heure, soit à partir de 9h du soir, en trouvant refuge dans la mosquée " Arrahma ". Dans ce lieu de culte surplombant la colline, ils trouvent des tables dressées, avec les mets préparés dans la journée par les populations autochtones. Les us et coutumes marocaines n'ont pas perdu une ride dans la ville de Mellilia, en particulier dans les lieux de prière où le système de solidarité fonctionne dans la pure tradition musulmane.
Hommes et femmes s'activent pour apporter un peu de réconfort à ceux qui sont dans le besoin. Le geste est discret, pour ainsi dire naturel. Près du CETI, une jeune femme, arborant son habit militaire, sort de sa voiture, et dépose à même le sol un carton plein de vêtements. Sans un mot, sans un regard, elle s'éloigne avec sa voiture pour que des locataires du centre viennent fouiller dans le carton à la recherche d'un vieux tee-shirt ou une vielle chemise. L'image est banalisée. Des actes comme celui-ci, venant de la population de Mellilia, espagnole et marocaine, ponctuent la vie des immigrés, sans rien changer à leur situation, et surtout à leur angoisse de ces dernières heures.
Même l'optimisme du jeune Samuel Mbarga, un Camerounais qui ne s'est jamais résigné à laisser tomber, malgré les dizaines de tentatives de passer la double clôture, s'en trouve aujourd'hui atteint. La panique se lit dans les yeux de ce passionné de football, qui se compare volontiers à un "guerrier ". Il nous confie sa peur. "Je n'ai pas fait tout ce chemin, supporté le froid et la faim pour qu'on décide de me ramener au point de départ ", nous dit-il. Il se voit déjà jouant pour une équipe de football espagnole qui lui assurera gloire et richesse. De sa traverse, il nous parle avec un brin de fierté, celle d'avoir bravé tous les dangers pour atteindre le but qu'il s'était tracé : parvenir à l'eldorado.
Certains medias espagnols, dans leur quête de mythes et de symboles, parlent volontiers de l'Espagne comme une " terre promise " pour les Subsahariens qui fuient la faim, le froid et " la traque violente " de la police marocaine. Le Maroc est diabolisé, on lui fait encaisser volontiers le rôle du méchant face à une Espagne respectueuse des droits humains qui offre refuge, paix et réconfort aux immigrés.
La vérité, avouée par les propres immigrés, est tout autre. Samuel Mbarga, qui a multiplié les tentatives, pour se voir à chaque fois remis comme un paquet, fait tomber le mythe. La bastonnade ne connaît pas de nationalité, selon lui. "Les coups qui pleuvent sur nous pour nous dissuader de passer les barrières métalliques sont les mêmes d'un côté comme de l'autre. Les agents de la garde civile espagnole ne sont pas plus tendres. Souvent ils viennent nous cueillir au milieu pour nous balancer par-delà la première clôture, pour que l'on se retrouve nez à nez avec les autorités marocaines qui viennent nous ramener à la frontière algérienne ". Son récit est confirmé par des images de la 5e chaîne de télévision espagnole.
Le film d'une bastonnade à laquelle se livrent les agents de la garde civile, au pied de la clôture, pour empêcher les Subsahariens d'aller au-delà, est un véritable pavé dans la marre. Il ébranle l'assurance des autorités espagnoles ayant tendance à affirmer que toutes les bavures viennent de l'autre côté.
La vice-présidente du gouvernement espagnol, María Teresa Fernández de la Vega, qui visitait jeudi le centre de séjour temporaire des émigrés à Mellilia, a reconnu officiellement, par ailleurs, que les opérations de refoulement automatique sont chose assez courante.
Les émigrés clandestins le savent mieux que quiconque et tentent de déjouer la vigilance. Leur voyage commence parfois très loin en Afrique subsaharienne. La traversée se termine inévitablement en Algérie où l'entrée est pratiquement non contrôlée, pour finir à la frontière avec le Maroc. De là, ils essayent d'observer le mouvement des forces de contrôle des frontières, déjouant leur vigilance, empruntant les chemins moins contrôlés, car il est pratiquement impossible de surveiller toute la frontière, et souvent cherchant le moment propice pour s'infiltrer dans la forêt et tenter alors l'aventure du passage.
Les assauts massifs de ces derniers jours ont-ils une justification ou tout au moins une explication ? C'est la question récurrente. Les émigrés diront que les tentatives de passer les clôtures longeant les douze kilomètres de la ville de Mellilia ou ceux de Sebta sont assez courantes, mais ne réussissent pas souvent. Les habitants de Mellilia y sont par ailleurs habitués. L'un d'eux nous dira que ce qui a changé aujourd'hui, c'est que les assauts se font de manière collective et massive. La violence de ces assauts est également inédite. C'est ce qui pousse les forces de l'ordre à réagir, assure-t-on du côté marocain comme espagnol.
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