On raconte en ce sens que l'Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) habitait à côté d'un jeune homme alcoolique. La nuit, l'Imâm (rahimahoullâh) avait l'habitude de veiller jusqu'à très tard, plongé dans ses lectures religieuses et dans ses prières. Son voisin ne dormait pas tôt non plus, mais avait un passe-temps bien différent… Complètement ivre, il chantait à haute voix des vers pour se plaindre de sa solitude et de ses problèmes, en répétant notamment ceci :
"Ils m'ont laissé tomber… Et ils ne savent pas quel jeune homme (exceptionnel) ils ont laissé tomber…"
Avec le temps, l'Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) s'était habitué à entendre ainsi sa voix…
Une nuit, il (rahimahoullâh) ne l'entendit pas. Le lendemain matin, en sortant de chez lui pour aller accomplir la salât oul fadjr, il (rahimahoullâh) s'enquit de ce qui avait pu arriver au jeune homme. On lui dit alors que la police l'avait retrouvé complètement saoul et l'avait conduit en cellule. Quand il eut accompli la prière du matin, l'Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) se rendit chez le responsable de la prison et se présenta à ce dernier.
Celui-ci, profondément touché par cette visite du grand savant, s'enquit de la raison de sa présence. Abou Hanîfah (rahimahoullâh) lui expliqua qu'il était venu le voir au sujet de son jeune voisin qui avait été emprisonné la nuit précédente. En entendant cela, le gardien prit immédiatement la décision de le libérer, par égard pour l'Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) dont la visite l'avait honoré au plus haut point. L'Imâm (rahimahoullâh) repartit alors chez lui.
Quand le jeune fut libéré, il demanda à connaître l'identité de celui qui était intervenu en sa faveur. En apprenant qu'il s'agissait de son illustre voisin, il se remémora toute la gêne qu'il lui avait occasionnée par ses chants, etc. Il alla rendre visite de suite à Abou Hanîfah (rahimahoullâh); en le voyant, celui-ci lui dit en substance : "Ô jeune homme ! Nous t'avons laissé tomber…" Le jeune s'exclama alors : "Non ! Tu (m')as protégé et pris en considération ! Qu'Allah te récompense pour ton respect du droit lié au voisinage."
Le jeune homme se repentit alors sincèrement de sa conduite et ne recommença plus jamais à boire.
Réf : "Târîkh Baghdâd" - Volume 13 / Pages 362-363, avec quelques détails supplémentaires extraits de "Sahîh Wassâyâ al Rassoûl" - Volume 1 / Page 143