Menu

Grand Angle

Maroc : Ouarzazate, un plateau de tournage à ciel ouvert déserté par les producteurs étrangers

Depuis le début de la pandémie du nouveau coronavirus, la ville d’Ouarzazate est désertée par les producteurs de films étrangers, qui ont fait de la ville un plateau de tournage à ciel ouvert. La crise a impacté les acteurs locaux, les figurants et l’ensemble des métiers dont l’activité dépend.

Publié
Photo d'illustration / DR.
Temps de lecture: 4'

Ouarzazate, cité cinématographique considérée comme la porte du désert, distinguée par ses casbahs uniques et ses palmeraies à couper le souffle. Pour l’industrie internationale des films, elle reste en effet un lieu de tournage idéal. La ville a réussi à attirer de grands réalisateurs et les meilleurs producteurs hollywoodiens.

Des films tels que «Lawrence d’Arabie», «Gladiator» et «La dernière tentation du Christ», entre autres, ont été tournés à Ouarzazate, offrant des opportunités d’emploi à plusieurs centaines d’acteurs, de figurants, d’artisans locaux et de techniciens. Cette tradition s’est perpétuée au fil des années, faisant la réputation internationale de la ville au sein de l’industrie du septième art.

Cependant et comme nombre de régions du Maroc et du monde, la cité cinématographique d’Ouarzazate s’est confrontée à la pandémie du nouveau coronavirus, ainsi qu’à ses impacts économiques. La crise sanitaire mondiale, la fermeture des frontières du pays et le confinement ont ainsi poussé plusieurs producteurs de films internationaux à suspendre leurs activités dans la ville. La situation a pesé lourdement sur les familles, dont la source principale de revenus dépend exclusivement de ces tournages.

Des productions cinématographiques étrangères et des acteurs locaux

Quelques semaines avant l’instauration de l’état d’urgence sanitaire au Maroc, acteurs locaux et figurants à Ouarzazate ont ainsi fait leurs aurevoirs à la dernière équipe de tournage étrangère de 2020.

«L’une des dernières productions internationales dans la ville s’est arrêtée peu avant le confinement ; c’était une équipe indonésienne qui a dû suspendre son activité, à cause de la pandémie», a déclaré à Yabiladi Younes Essahouli, qui embauche des figurants pour les productions mondiales dans la ville.

Sa structure, Casting Morocco, a été terriblement touchée par la crise sanitaire. «Mon entreprise, comme beaucoup d’autres exploitants le même domaine, a connu des difficultés cette année», souligne-t-il. «Avant, nous avions 3 à 4 productions par mois et cela a considérablement diminué, avec peu de productions locales dans les secteurs de la publicité et de la musique».

Outre les productions locales, celles étrangères restent des valeurs plus sûres financièrement, notamment en termes de cachets pour les acteurs de la ville. Selon Essahouli, «les productions étrangères, en temps normal, peuvent embaucher entre 50 et 120 figurants par jour, avec un salaire journalier à partir de 500 DH, tandis que les productions locales embauchent moins de personnes à partir de 300 dirhams pour une journée de travail».

Comme la plupart des équipes internationales ont quitté la ville peu de temps après la pandémie, des acteurs comme ceux embauchés par Younes Essahouli se retrouvent à participer aux rares productions locales.

«Pour la plupart des gens que j’avais l’habitude de recruter dans l’industrie du cinéma, c’est la seule activité qui leur permet de gagner leur vie. Certains d’entre eux comptent sur ce travail depuis des années. Aujourd’hui, ils sont sans emploi.»

Younes Essahouli

2020, la pire année de l’histoire de la production cinématographique à Ouarzazate

En effet, les chiffres partagés par le Centre cinématographique marocain (CCM) révèlent à quel point cette année a été dure pour l’industrie du septième art. En 2019, 21 productions internationales ont été tournées à Ouarzazate, deux seulement en 2020 et une troisième qui n’a pas pu reprendre, en raison de la pandémie. La baisse est conséquente, par rapport aux années précédentes, où les productions étrangères dans la ville se comptaient par dizaine depuis 2013. Les données indiquent que l’année 2020 serait la pire de la production cinématographique à Ouarzazate, ses dix dernières années.

Selon le même organisme, les productions étrangères de l’industrie cinématographique ont rapporté environ 796 millions de dirhams en 2019, alors que le budget d’investissement des productions marocaines a été estimé à plus de 452 millions de dirhams la même année.

S’appuyer sur la production locale, faute de reprise internationale

Ces chiffres contrastent considérablement avec ceux de 2020, en particulier durant la période du confinement sanitaire, qui a paralysé l’activité de production et de tournage. Selon le chef de la commission du film et de la promotion du tournage à Ouarzazate, Saïd Anadam, «la production s’est complètement arrêtée».

«Comme nous le savons tous, l’industrie du cinéma ne peut pas être assurée par un travail à distance, donc même les secteurs directement rattachées aux activités de tournage, comme les entreprises de location de matériel, les restaurants, les sociétés de location de voitures, ont été fortement touchés», a-t-il expliqué.

La ville tente de s’adapter à la situation et d’entamer une lente reprise, avec les moyens et les possibilités actuellement disponibles. «Une série brésilienne était en tournage au Maroc avant la crise, nous espérons que son équipe reviendra», a-t-il indiqué.

En attendant, Saïd Anadam a révélé que la ville dépendait fortement des projets marocains. «Nous essayons de valoriser la production locale et d’encourager les opérateurs cinématographiques à tourner dans la région, afin de maintenir la continuité du travail des techniciens et des acteurs», a-t-il conclu.

Comme beaucoup d’autres secteurs, l’industrie cinématographique particulièrement à Ouarzazate dépend fortement de la réouverture des frontières et d’une évolution positive de la situation épidémiologique dans le pays. D’ici-là, le secteur devra faire face aux considérables répercussions de la crise sanitaire.

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com