Le parquet de Paris a ouvert, jeudi, une enquête pour «provocation à la haine raciale» et «injures publiques à caractère raciste» à l’encontre d’Eric Zemmour. La procédure a été enclenchée au lendemain de propos tenus par le polémiste sur la chaîne CNews, où il a qualifié les mineurs migrants de «voleurs», «assassins» et «violeurs».
L’intervention d’Eric Zemmour date du 29 septembre. Sur le plateau, il a déclaré que les jeunes issus de l’immigration étaient «tous des voleurs» (sic). «Ils sont tous des assassins, ils sont tous des violeurs», a-t-il martelé.
Après cette nouvelle saillie raciste, le Conseil supérieur de l’audio-visuel (CSA) a déclenché une saisine, sur la base de son article 40 relatif au signalement au procureur de la République d’un délit, ce qui a donné lieu à la procédure.
Eric Zemmour traîne CNews dans sa responsabilité sur les propos
«L’émission était en différé», ce qui implique également que «la responsabilité de CNews est engagée», selon des informations obtenues par le site Les Jours.
Info @Lesjoursfr: après la nouvelle saillie d'Eric Zemmour sur CNews, le CSA déclenche un article 40, à savoir le signalement au procureur de la République d'un délit. Et comme l'émission était en différé, toujours selon nos infos, alors la responsabilité de CNews est engagée…
— Les Jours (@Lesjoursfr) October 1, 2020
Dans le sillage de la polémique, SOS Racisme a, de son côté, saisi le CSA. Président de l’ONG, Dominique Sopo a annoncé hier avoir demandé la prise de sanctions «à la hauteur de la gravité des propos tenus».
«J’ai également demandé au CSA que, au-delà du cas de Zemmour, soit étudiée avec sérieux la responsabilité de CNews, une chaîne qui a choisi de mettre à disposition d’un ultra raciste un espace quasi quotidien de déversement de haine raciste», a-t-il déclaré sur ses réseaux sociaux.
Pas une première sur CNews
Dominique Sopo a ajouté que «dès ce jeudi, SOS Racisme déposera par ailleurs plainte». Il a rappelé qu’Eric Zemmour a déjà été condamné pour «incitation à la haine raciale et injure publique à caractère racial il y a cinq jours». «C’est dire le sentiment d’impunité qui l’habite», a-t-il souligné. «Le résultat de notre action judiciaire, nous en sommes sûrs, lui montrera que ce sentiment était en tous points infondé», a encore promis le président de l’association.
En effet, le polémiste connu pour ses propos stigmatisants et racistes sur les questions migratoires, identitaires et religieuses en France est un multi-récidiviste. En décembre dernier, ses propos sur CNews au sujet de la colonisation en Algérie ont valu à la chaîne une mise en demeure. Le média a été rappelé au respect de ses obligations, qui lui interdisent notamment d’inciter à la haine ou à la violence, à la suite de plusieurs séquences de l’émission d’Eric Zemmour «Face à l’info», à peine lancée en octobre 2019.
Quelques mois plus tôt, le polémiste avait provoqué une vague d’indignation après ses propos lors de la Convention de droite. Transmise en direct cette fois-ci sur LCI en septembre 2019, elle aura servi de tribune raciste libre à Zemmour, qui y a évoqué un «remplacement» volontaire d’une population blanche et chrétienne par des immigrés musulmans.
Cette intervention aura également servie de brûlot contre l’«idéologie diversitaire» ou encore un avertissement d’une supposée «guerre d’extermination» visant «l’homme blanc hétérosexuel». Un an plus tard, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris l’a condamné pour ses propos.
Après les migrants et les musulmans, les mineurs pointés du doigt
La toute dernière sortie de Zemmour s’inscrit dans un contexte où la question des mineurs isolés en France revient à l’actualité politique. Membre du Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s (GISTI), Ali El Baz réagit auprès de Yabiladi sur l’évolution du traitement politique et médiatique de la question, déplorant notamment les différentes crispations autour des musulmans de France.
Selon le militant, ces dernières se sont illustrées récemment avec le projet de loi sur le séparatisme et elles concernent désormais le sujet des mineurs isolés, où ceux issus de pays à majorité musulmane sont les plus montrés du doigt.
«Lorsqu’on voit le profil des éditorialistes et des experts invités sur les plateaux des chaînes des télévisions françaises, on se rend compte la plupart d’entre eux sont de droite, sinon d’extrême droite. Eric Zemmour, à leur tête, vient d’être condamné pour discrimination raciale.»
Pour Ali El Baz et surtout en ces temps de pandémie de la covid-19, «la France a d’autres problèmes à traiter, sur les plans sanitaire, économique ou social». Dans un état de tensions, il déplore qu’«on dévie malheureusement les regards sur ces problèmes, pour s’intéresser à des choses marginales».
L'associatif soutient, de surcroît, que les mineurs isolés, du moins marocains, ne serait que quelques centaines, «dans un pays de 66 millions de personnes préoccupées par des questions plus essentielles».