Quatre policiers ont été mis en examen, ce lundi, pour homicide involontaire suite au décès de Mohamed Boukrourou, survenu lors de son interpellation en 2009. Décision prise par la juge d'instruction du tribunal de Montbéliard, a annoncé la procureure, Thérèse Brunisso, rapporte AFP.
Pour rappel, Mohamed Boukrourou était un Marocain de 41 ans arrêté en novembre 2009 par les quatre policiers, suite à une simple altercation avec son pharmacien qui lui aurait vendu les mauvais médicaments. Trois des fonctionnaires s'étaient placés en position assise ou debout sur le corps de ce père de famille, qu'ils avaient menotté, pour parvenir à le maîtriser. Après son décès, la police avait déclaré un arrêt cardiaque. Pourtant, la famille de Mohamed assurait qu’il avait une des joues arrachée et le visage ravagé par les coups.
Alors que l’affaire semble aujourd’hui trouver une issue judiciaire, les avocats des policiers accusés [deux femmes et deux hommes] s’opposent à cette décision. Ils estiment que leurs clients «ont convenablement fait leur travail». «J’ai demandé à la juge quels éléments nouveaux étaient intervenus pour en aboutir là. J’attends toujours la réponse», déclare à l’Est républicain Maitre Belin, l’un des avocats des fonctionnaires. Ces derniers restent optimistes quant à l’aboutissement final de cette affaire en justice. «La mise en examen ne préjuge en rien de la culpabilité de nos clients. Notre ligne est claire. Depuis le départ, on vise la relaxe car on estime que les policiers ont fait convenablement leur travail», a déclaré Me Schwerdorffer.
La famille de Mohamed «n’est pas satisfaite»…
Informée de la mise en cause des policiers par l’Est Républicain, la famille de Mohamed s’est dite en «colère». «Nous, ce sont les assises que l’on attendait, a déclaré Abdelkader Boukrourou, le frère de Mohamed. Ce n’est pas un homicide involontaire. Mon frère a subi des violences qui n’ont rien d’involontaires. C’est une catastrophe ! Quand cela nous sera notifié, on verra avec nos avocats s’il existe des voies de recours. On n’est pas satisfait».
…Amnesty International non plus
Pour Amnesty International qui suit l’affaire depuis le début, il n’y a pas de quoi jubiler. «Nous considérons que c’est une étape, certes, mais deux années se sont quand même écoulées depuis les faits, déclare à Yabiladi Izza Leghtas du bureau londonien de l’ONG. Nous notons encore là, la lenteur dans l’avancement des enquêtes. C’est une préoccupation majeure. Les affaires mettent des années avant d’être résolues, poursuit-elle». Tout comme la famille, Amnesty International aurait souhaité «une qualification qui reflète mieux ce qui s’est passé». «Parler d’homicide involontaire, n’est pas correct», lance Mme Leghtas. En effet, dans un rapport de décembre 2011, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a estimé que la police avait fait un «usage disproportionné de la force». Les policiers ont réagi «de façon stéréotypée, sans adapter leur comportement [...] alors qu'ils savaient que (Mohamed Boukrourou) était suivi pour des troubles psychiatriques». Ils «ont fait un recours ininterrompu à la force» qui était «contre-productif et dangereux pour l'intégrité physique» de l'interpellé, avait-elle affirmé.
«Le défenseur des droits avait demandé une enquête disciplinaire à l’interne, rappelle Mme Leghtas. D’après ce que nous avons appris, ces policiers n’avaient pas été suspendus de leurs fonctions. On se demande pourquoi, s’interroge-t-elle». L’ONG attend la suite…