Le 19 juin 1965, le premier président de l’Algérie démocratiquement élu le 15 septembre 1963, est renversé par ses compagnons au gouvernement. A la manœuvre, le vice-président et ministre de la Défense, Houari Boumediene, qui accède ainsi au pouvoir. Ahmed Ben Bella est emprisonné et ensuite assigné à résidence. Il ne sera finalement libéré qu’en 1980, soit trois ans après le décès de l’auteur de sa destitution, dans des circonstances non-encore élucidées.
Ce putsch, le premier dans la région maghrébine, a grandement marqué deux hommes marocains que tout opposait, à savoir Mehdi Ben Barka et le roi Hassan II. Etrangement, les deux adversaires politiques ont adopté des positions proches vis-à-vis du coup d’Etat. Le leader de la gauche, autrefois conseiller de Ben Bella, s’est précipité pour adresser un «message de soutien» au nouvel homme fort de l’Algérie.
Un «pragmatisme» saisissant que le leader de la gauche a défendu bec et ongles contre l’avis de certains de ses camarades au parti (UNFP) qui se trouvaient en France. Il prévoyait même de se rendre à Alger pour exprimer en personne son appui à Boumediene, écrit Maurice Buttin dans son livre «Hassan II - De Gaulle - Ben Barka : Ce que je sais d'eux».
«Fin juin 1965, Ben Barka, Bouabid et Youssoufi se trouvent rue Serpente (le siège de l’Association des étudiants marocains en France, ndlr). Une explication ferme a eu lieu entre les trois hommes. Mehdi Ben Barka est instamment prié de ne pas aller à la rencontre de Boumediene. Il n’ira pas finalement», raconte l’avocat de la famille Ben Barka.
Hassan II demande d’épargner la vie de Ben Bella
A Rabat, l’heure était également à un pragmatisme mais modéré. «Hassan II convoque dès lors son ambassadeur à Alger, Kacem Zhiri, et le charge d’un double message personnel pour le nouvel homme fort algérien : «Vous l’informerez que je n’entends pas intervenir dans les affaires algériennes et que je ne conteste pas le coup d’Etat», révèle Me. Buttin.
Le roi Hassan II et les présidents algériens Ahmed Ben Bella (1963-1965) et Houari Boumediene (1965-1978). / Ph. DR
Néanmoins, le monarque n’entendait pas accorder un chèque en blanc à Boumediene. Il s’est empressé d’insister «pour qu’aucun procès ne lui (Ben Bella) soit fait et surtout qu’en aucun cas, s’il devait être condamné à mort, il ne soit exécuté. Plus de sang entre nous», précisait le roi dans son message verbal.
Une condition que visiblement Boumediene a parfaitement saisie. Le président Ahmed Ben Bella est resté en vie jusqu’à son décès le 11 avril 2012, chez lui, en Algérie. Signe du grand respect entre Ben Bella et le Maroc, la présence lors de ses funérailles d'une délégation officielle marocaine conduite par le conseiller du roi, Taïeb Fassi Fihri, et le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane.
Quant à Ben Barka son pragmatisme s’est avéré une fausse manœuvre. Le départ de son «ami» de la présidence algérienne a signifié pour lui la fin des aides financières en provenance d’Alger. Quatre mois après le coup d’Etat en Algérie, Ben Barka sera enlevé à Paris le 29 octobre 1965.