«Nous sommes très heureux, ça fait toujours plaisirs». Interrogée sur France 24, Najat Vallaud Belkacem ne cachait pas sa satisfaction alors que le chiffre de plus de 4000 parrainages d’élus recueillis par François Hollande venait d'être annoncé, hier, vendredi 16 mars. A 35 ans, la jeune femme est porte parole du candidat socialiste François Hollande, comme elle a été celle de Ségolène Royale en 2007. Si l’actualité ne retient que son nom, si elle est avec Malek Boutih, la seule Maghrébine membre du bureau du parti socialiste, d’autres Marocains ne sont pas très loin, de la rue de Solferino.
A la faveur de la campagne présidentielle de Ségolène Royale en 2007, Najat, mais aussi M'jid El Guerrab, 29 ans, Kamel Chibli, 35 ans, et Brahim Abbou, 35 ans également, tous Franco-marocains, atteignent la tête du parti socialiste, sans connaître d’équivalent à droite, en dehors de Rachida Dati. Depuis, Kamel Chibli et Mjid El Guerrab ont suivi Jean-Pierre Bel dans son ascension et sont aujourd’hui respectivement Conseiller pour la presse et Conseiller pour la jeunesse et la vie associative au cabinet de la présidence du Sénat.
Ségolène Royale au coeur de leur rencontre
Najat Vallaud Belkacem, reconnue et appréciée par chacun d’eux, est en quelque sorte la figure de proue de cette compagnie improvisée. Parfait exemple de réussite «républicaine», elles est née au Maroc à Bni Chiker et s’installe avec sa famille, à Amiens, à 5 ans. Elle grandit dans un quartier populaire où vivent beaucoup d’immigrés, et elle réussie Science Po Paris avant d’échouer à la dernière étape de son ascension : l’ENA. Un échec qui n’en est pas un, car elle rencontre la femme de Gérard Collomb, maire socialiste de Lyon, raconte Libération. Chargée de mission dans son cabinet, elle poursuit sa progression au PS. Elue conseillère régionale de Rhône Alpes en 2004, elle rejoint l’équipe de campagne de Ségolène au culot. Un jour, parce qu’elle se trouve dans le même avion que la candidate, raconte Libération, elle lui dit, en substance : «je veux me mettre à ton service. Utilise-moi comme tu veux.»
Parallèlement, Mjid El Guerrab rejoint l’équipe de Ségolène Royale à la demande de Benoit Pichard, alors chef de cabinet de la candidate socialiste. Si Najat est porte parole, lui est attaché au service de presse. L’équipe compte encore deux autres Marocains, avec un parcours totalement différent : Kamel Chibli et Brahim Abou. Kamel Chibli, né à Lavelanet, en Ariège, de parents Marocains immigrés et analphabètes, s’engage très tôt dans le secteur associatif local avant de devenir, en 2001, conseiller municipal, auprès du nouveau maire Jean Pierre Bel, déjà sénateur de l’Ariège, à Levelanet. Il rejoint l’équipe de Ségolène Royale, en 2006, par l’entremise de Sophie Bouchez Petersen, conseillère spéciale de Ségolène.
Avec Brahim Abou, il lance l’ «appel à la France Nouvelle» depuis le réseau de Ségolène, «Désir d’avenir». Comme Kamel, Brahim a commencé très jeune à s’investir dans l’associatif. Né à Errachidia au Maroc, arrivé en France à 7 ans, il est élu conseiller municipal à Montpellier quand il rejoint l’équipe de campagne de Ségolène royale. Ensemble, les deux hommes sont chargés de rassembler la jeunesse des quartiers populaires autour de la candidate socialiste.
Leur ralliement à Ségolène Royal a été beaucoup critiqué, accusé de les transformer en rabatteurs des voix des quartiers populaires. Récupérés par le PS, ou engagés en son sein, selon le point de vue, Kamel Chibli et Brahim Abbou apparaissent, de la même façon que M’jid El Guerrab et Najat Belkacem, comme la carte «diversité» de la candidate socialiste et du PS. «La classe politique a toujours instrumentalisé les origines, on n’est pas dupes. Najat et moi nous avons une réelle légitimité locale, même si avoir un Kamel ou un Mohamed dans l’équipe ça fait parti du jeu», explique Kamel Chibli.
La représentativité du PS en question
L’avenir ne se montre pas totalement ingrat, puisque Najat Vallaud Belkacem conforte sa position d’élue à Lyon, devient membre du bureau national du PS et retrouve cette année, son poste de porte parole pour le candidat socialiste. Kamal Chibli, rejoint le conseil national du PS après avoir été refusé au bureau national alors qu’il est directement soutenu par Ségolène Royale. Il devient également membre du cabinet du président du Sénat, comme M’jid El Guerrab. Brahim Abbou est, lui, toujours conseiller municipal de la majorité PS à la ville de Montpellier mais également vice-président de l’agglomération de Montpellier.
Aujourd’hui Brahim Abbou regarde la campagne électorale avec circonspection. «Aujourd’hui, dans les quartiers populaires, la mayonnaise ne prend pas. En 2007, nous avions bénéficié de l’électrochoc du 21 avril, pour interpeller les jeunes, mais aujourd’hui, c’est plus difficile puisque malgré la mobilisation, cette année là, Nicolas Sarkozy avait gagné les élections», analyse-t-il. Hier seulement, le candidat socialiste a abordé pour la première fois de façon audible la question des quartiers populaires, pour évoquer ses propositions pour les zones dites «sensibles».
A l’approche des législatives et dans l’espoir de voir se former un gouvernement socialiste, Brahim Abbou et Kamel Chibli n’ont toutefois pas l’impression que l’effort de représentativité du parti socialiste soit suffisante. «On fera le compte au mois de juin, mais aujourd’hui elle me semble encore très très symbolique même si je suis contre la discrimination positive. J’estime qu’il y avait dans certaines circonscriptions des personnalités politiques qui en étaient issues et qui ont été écartées par le PS», estime Brahim Abbou qui a lui-même été écarté des deux circonscriptions législatives de Montpellier. «Lorsque le parti impose certaines personnes dans des circonscriptions, cela crée des crispations parmi les élus locaux du parti, alors que d’autres ont une véritable légitimité locale et sont écartés», explique Kamel Chibli.