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Grand Angle

Diaspo #144 : Rachid Saïdi, de la médecine à l’entrepreneuriat hôtelier

Etudiant en médecine à Paris, Rachid Saïdi a fini par trouver sa voie dans l’hôtellerie. Aujourd’hui, son groupe héberge et prend en charge des Marocains bloqués dans la capitale française depuis l’instauration des mesures sanitaires liées au coronavirus.

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Rachid Saïdi, directeur de développement des Hôtels Monsieur à Paris / DR.
Temps de lecture: 4'

Né à Témara, Rachid Saïdi a grandi dans une petite famille modeste, qui a toujours rêvé de le voir devenir médecin. Mais depuis l’enfance, il a eu l’esprit entrepreneurial dans l’âme. Son père originaire du Moyen Atlas et travaillant dans l’armée, lui a très tôt appris à compter sur lui-même. A 12 ans déjà, Rachid se débrouillait déjà tout seul pour subvenir à ses besoins pendant l'été.

«Je n’acceptais pas l’argent de mes parents : chaque été, je sortais moi-même vendre des glaces ou des beignets au bord de la mer, ou je me rendais même au marché de gros pour me procurer un lot de figues de barbarie que je vendais en détail pour acheter moi-même mes livres scolaires de la rentrée d’après», nous confie-t-il.

C’est ce qui a permis à Rachid de cultiver son sens de l’initiative dès l’adolescence. Plus tard, il rejoint le lycée militaire de Kénitra et pour des raisons familiales, il est amené à vivre à San-Diego en Californie, ensuite en Suède, puis en Allemagne. A chaque passage dans ces pays, il opte pour l'autonomie financière, tout en profitant de ces longs séjours pour acquérir de nouvelles langues. Ce parcours éclectique le mène à Paris en 1999, où il démarre ses études supérieures en médecine. C’est là où se dessineront les contours de son avenir dans l’hôtellerie.

Une deuxième vie dans l’entreprise hôtelière

Lors de la cinquième année de médecine, Rachid Saïdi commence a subir les difficultés financières. Il doit jongler entre emploi et études. Ainsi, la nuit il travaille comme réceptionniste dans un hôtel et le jour, il rejoint les bancs de l’université. Mais la vie à Paris n'est pas facile, il a de plus en plus de mal à payer son loyer. Il dormira même dans une gare du métro parisien pendant deux semaines, tout  en continuant à aller à la fac. 

«Le personnel du nettoyage me réveillait vers trois heures pour passer la station à grandes eaux, puis je revenais à ma place pour me rendormir, jusqu’à ce que les mouvement des voyageurs commencent et que vienne l’heure d’aller à l’université», se souvient-il.

En 2004, Rachid Saïdi arrive à bout et décide de prendre une année sabbatique. Il quitte la médecine pour continuer à travailler dans l’hôtellerie. Ses employeurs sont satisfaits de son travail de réceptionniste de nuit, il reprend rapidement la première réception, avant de devenir chef de réception, directeur, puis directeur d’exploitation jusqu’en 2013.

L’entrepreneur né est fier aujourd’hui d'avoir tracé son chemin en parfait autodidacte, n’ayant jamais eu de formation académique dans le commerce ou la gestion hôtelière. Comptant sur ses propres moyens pour évoluer en dix ans, il estime en effet que son passage de la médecine à l’hôtellerie n’a pas été si difficile. Celui qui avait flirté avec la rue en 2004, est devenu chef d’entreprise en 2014, en créant sa propre structure offrant l’accompagnement des hôtels, pour la gestion et l’achat de biens immobiliers à des fins de reconversion.

Au sein de son entreprise, Rachid Saïdi assure des services de conseil, de maître d’ouvrage, supervise l’achat d’immeubles et leur transformation en hôtels. «La vie est une connaissance où il faut tout apprendre et en créant l’occasion de le faire», affirme-t-il. A 42 ans aujourd’hui, il est derrière l’achat de neuf espaces, notamment pour Les Hôtels Monsieur, en tant que directeur d’exploitation. «Nous sommes dans plusieurs arrondissements parisiens : le 1er, 3e, 6e, 8e, 9e, 11e, 18e, en plus d’une station de ski», nous déclare-t-il. Désormais, il ambitionne d’élargir ce réseau à d’autres villes françaises, mais aussi à l’international.

«Mes parents voulaient me voir médecin, mais aujourd’hui ils sont fiers de mon choix qu’ils ont rapidement accepté. Maintenant ils peuvent voyager partout dans le monde !», se félicite-t-il en racontant avoir mobilisé des jets privés pour sa petite famille.

«Ma mère n’en revenait pas. Elle s’en amusait en me disant qu’elle ne prenait même pas le train et qu’aujourd’hui, elle prend des avions pour se rendre à Saint-Tropez !»

Rachid Saïdi

Retour aux valeurs familiales

Même en gravissant les échelons, Rachid Saïdi n’oublie pas d’où il vient. Touché par la situation des Marocains bloqués en France pour avoir vécu lui-même sans logement, il prend rapidement l’initiative de faire des annonces sur les réseaux sociaux pour proposer des hébergements à travers le groupe hôtelier où il travaille. «Je le remercie d’ailleurs pour cette confiance, qui nous permet aujourd’hui de prendre en charge 29 personnes au moins, notamment dans le sixième arrondissement», souligne-t-il.

Lors de ces séjours imprévus, Rachid Saïdi a également aidé trois Marocaines bloquées sur le point d'accoucher, en mobilisant les équipes médicales et en faisant en sorte que ces interventions ne soient pas payées par les jeunes mamans, mais par les services consulaires du Maroc.

Il a fallu également accompagner les ressortissants dans les démarches administratives pour les prorogations de leurs visas, l’accès à la prise en charge médicale ou encore aux services proposés par les représentations consulaires marocaines et les préfectures d’arrondissements français. «Tout le monde a participé : les MRE, l’ambassadeur du Maroc lui-même, les consuls et même des Marocains eux-mêmes bloqués», assure l’entrepreneur en exprimant sa fierté de cet élan de solidarité.

En effet, son souci a été de faire en sorte que «personne ne manque de rien et ne paye rien». Ainsi, un large réseau de bénévoles s’est organisé pour préparer des repas chauds, tenir des activités sportives ou collectives, ou même héberger une partie. En tout, la distribution des repas atteint jusqu’à 300 parts quotidiennes, destinée même à d’autres personnes qui ne sont pas hébergées dans les hôtels mais qui sont dans le besoin.

«Des MRE ici ont aidé financièrement des Marocains bloqués, d'autres en ont hebergé sous leurs propres toits, et d’autres encore préparaient à manger ou organisaient les courses quotidiennes…», rappelle-t-il. Cet élan s’est élargi à d’autres villes en constituant un réseau national d’aide administrative aux Marocains bloqués, à travers les amis de Rachid, notamment à Lyon, Marseille, en Île-de-France...

S’il y avait un secret derrière l’efficacité de ce circuit, Rachid Saïdi y voit un «retour aux sources et aux valeurs familiales». «Nous avons vécu modestement mais nous étions comblés de bonheur, parce que nous avons reçu l’amour de nos parents qui nous ont transmis ces notions de partage et de solidarité», rappelle-t-il.

«J’ai vécu la richesse, les situations de rue, ma vie a été faite de hauts et de bas, donc je peux vivre encore heureux et riche humainement même en étant pauvre et c’est ce qui a facilité d’ailleurs toute cette organisation», se félicite encore Rachid en rappelant qu’«il faut toujours se mettre à la place des gens». Un joli éloge à l'empathie et la solidarité en cette période de crise sanitaire.

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