Un hôpital, deux services, deux ambiances. La pandémie du nouveau coronavirus a poussé le ministère de la Santé du Maroc a mettre les bouchées doubles pour mettre en place des services dédiés à l'accueil des patients infectés par le covid-19 dans des conditions de sécurité sanitaire maximales. Ainsi, le personnel hospitalier dédié à ce service est équipé de gants, masques FFP2, combinaisons intégrales avec des règles strictes pour éviter une propagation de l'infection au sein de l'hôpital.
Même si «les équipements sont rationnés et centralisés», nous explique un médecin d'un hôpital de Meknès. «Mais ils ne sont disponibles que pour l'équipe du service covid-19», précise-t-il.
«Dans la situation de pénurie que nous vivons, les autres équipes de garde et d’urgences ne sont pas fournies. Elles s’équipent souvent elles-mêmes, car elles doivent se protéger. Car en effet, il faut considérer tous les malades comme étant à risque.»
Selon lui, «cette pénurie concerne également les gels hydroalcooliques, dont la distribution est contrôlée et centralisée». Dans ce sens, le médecin exprime son espoir que la situation changera, «avec la production prévue au Maroc».
En plus de l’équipement, le praticien fait état d’un grand besoin de «formation sur les précautions face à ce nouveau virus». Etonnement, il explique que le corps médical «n’était pas préparé à une épidémie de cette ampleur».
Un manque dans la majorité des hôpitaux, même les CHU
L’un des médecins du Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Casablanca confirme aussi à Yabiladi la pénurie de masques. «Je n’ai pas encore examiné de cas suspects de coronavirus, mais nous courons le risque de contracter le virus, si nous examinons des patients qui ne savent pas eux-mêmes s’ils sont infectés ou non, d’autant plus que les symptômes n’apparaissent pas tout de suite», s’inquiète-t-il.
«Je n’ai que trois masques FFP2, que j’essaye de stériliser en les mettant à chauffer pendant 30 minutes», comme des recherches scientifiques l'ont suggéré.
Pour sa part, l’un des médecins de la cellule covid-19, dans un hôpital à Casablanca, estime que «même si le service est fourni en masques FFP2, le rationnement rend la situation délicate par rapport aux nombre de patients pris en charge ici». Face à l’urgence et à la gravité de la situation, ce praticien dit avoir innové lui-même des masques de protection.
«Nous essayons d’employer nos propres moyens afin de répondre au nombre de consultations que nous devons faire. J'ai donc essayé de fabriquer moi-même une protection pour le visage. J'en ai fait dix : une pour moi et le reste pour mes collègues à l’hôpital.»
La pénurie est telle que même des praticiens ayant grand besoin de masques spécifiques, en dehors ce ceux qui prennent en charge des patients atteints de covid-19, se retrouvent au dépourvu. C’est ce que raconte à Yabiladi une source médicale, depuis l’un des hôpitaux de Marrakech. «Un chirurgien-ophtalmologue a dû opérer un patient de l’œil en utilisant un masque ordinaire, ce qui représente un grand risque pour lui et pour son équipe».
La hantise d'une propagation de l'infection au sein de l'hôpital
C’est la plus grande crainte du praticien exerçant à Meknès. En effet, il redoute «une infection au sein du corps hospitalier», avec «le grand risque d’une paralysie (quarantaine) de tout un service, voire de tout l’hôpital, alors que certaines régions n’ont qu’un seul centre hospitalier» pour l’accueil des malades atteints du nouveau coronavirus.
«Le Maroc est déjà en manque de personnel médical. Il ne peut pas se permettre d’avoir plusieurs dizaines ou centaines d’infections ou quarantaines au sein de ses équipes.»
Vendredi dernier, l’Organisation mondiale de la Santé a averti quant à la grave pénurie d’équipements de protection pour le personnel médical, confronté à l’épidémie de coronavirus. Selon l’institution onusienne, ce manque de matériel fait partie des plus grandes menaces qui pourraient encore prolonger la propagation du virus. «La grande pénurie mondiale d’équipements de protection est devenue l’une des menaces majeures qui guettent notre capacité collective à sauver des vies», a ainsi déclaré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, estimant que «lorsque le personnel de santé est en danger, nous sommes tous en danger».