On ne peut connaître la valeur d’un bon capitaine qu’au milieu une mer agitée. Face aux vagues du coronavirus, le bateau du Parti socialiste unifié (PSU) mené par Nabila Mounib tangue dangereusement, au point que certains songent à la mutinerie politique. Après une première sortie hasardeuse sur l’épidémie de coronavirus (covid-19), elle avait confirmé à Yabiladi sa théorie d’un complot mondial du capitalisme pour terrasser la Chine et les populations des autres pays.
Une théorie conspirationniste qui avait été partagée avant elle par Nicolas Maduro, le président du Venezuela. Pour la figure de la Fédération démocratique de gauche (FGD), le seul élément factuel avancé était l’étrange mention dans un roman fiction publié en 1981, le nom d’un virus Wuhan-400 qui devait décimer la population mondiale en 2020. Le nom du virus, similaire à la ville d’origine du covid-19, ne pouvait pas être un simple hasard.
Non contente des critiques essuyées ces derniers jours, parfois même au sein de son propre camp, Nabila Mounib est revenue sur la polémique devant la caméra de Febrayer.com, pour enfoncer le clou. Elle affirme à nouveau que l’épidémie de coronavirus peut être le résultat d’une guerre bactériologique, notamment quand on voit ce qui se passe dans les pays du Moyen Orient. Imperturbable, elle assène l’argument d’autorité de la «professeur en biologie, science hormonale, et virologie» depuis 35 ans, pour moucher les calomniateurs «qui ne connaissent même pas le système immunitaire».
Complotisme et populisme de gauche
Pourtant, la professeure en biologie qui dit produire une analyse politique n’apporte jamais de preuve scientifique de ces propos. Tout juste s’appuie-t-elle sur «un chercheur russe très connu» qu’elle ne nomme pas, pour appuyer une possible manipulation génétique afin que le virus passe de l’animal à l’Homme. Aucune étude scientifique validée, aucun argument scientifique ne vient étayer ce qu’elle présente comme une possibilité. En soi, c’est exactement le contraire de l’esprit scientifique, dont elle se revendique.
Car à bien y regarder, le complot capitaliste déclencheur du coronavirus, comme elle le présente, aurait cette particularité d’être plutôt suicidaire quand on sait l’ampleur des dégâts économiques induits à travers le monde. Les risques économiques pèsent bien plus sur les pays occidentaux que sur l'Afghanistan, le Yémen ou l'Irak déjà exsangues. Et quitte à laisser libre court à son imagination conspirationniste, on pourrait très bien théoriser un complot du gouvernement chinois qui aurait ainsi réussi avec ce coronavirus, à mettre fin à un long et dangereux bras de fer avec la population hongkongaise.
C’est l’avantage avec les théories conspirationnistes : il suffit de quelques hasards de calendrier, quelques faits concordants et une conclusion hâtive, pour rendre plausible toute narration basée sur une logique uni-causale. Pour Nabila Mounib, le conspirationnisme de gauche est utile et semble légitime dans son combat idéologique contre l’impérialisme capitaliste. Elle rejoint à sa manière toute une génération de femmes et d’hommes politiques qui ont appliqué le populisme de gauche, théorisé par la philosophe et politologue belge, Chantal Mouffe.
Alors que nous appréhendions les dérapages verbaux de nos élus (quasi) analphabètes, nous n'avions pas vu venir les fulgurances complotistes d'une responsable politique bac+8. C'est un autre Belge, Jacques Sterneberg, auteur de romans de science-fiction qui disait : «Il ne faut jamais désespérer, puisque tout fini par s'aggraver !»