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Grand Angle

Maroc : Les oubliés du froid des montagnes de l’Atlas

Chaque hiver, les populations reculées des montagnes de l’Atlas vivent un véritable calvaire. Les températures descendent jusqu’à moins 11 degrés et les routes menant dans les villages perchés à 1500 mètres d’altitude sont enneigées, les rendant très souvent inaccessibles et isolant encore plus les populations. Des villages tout entier n’ont pas d’autres choix que d’attendre qu’on leur vienne en aide.

Publié
Des enfants du village Anfgou logé à 1600 mètres d'altitude dans l'Atlas
Temps de lecture: 3'

On se souvient tous de l’hiver meurtrier de 2006 dans le petit village d'Angfou, perché à 1600 mètres dans l’Atlas où 37 personnes étaient mortes de froid et de faim, principalement des nouveaux nés. «A l’époque, les autorités avaient parlé d’un bilan de 10 morts seulement. Mais les villageois avaient menacé de déterrer le corps des victimes de leur tombe pour leur montrer  qu’il y avait bien plus de victimes», se souvient Aziz Akkaoui, membre de l’Association Marocaine des Droits de l’Homme à Khénifra contacté par nos soins.

6 ans après

A cette époque, les médias avaient tellement parlé de cette tragédie que cela avait servi d’électrochoc au gouvernement. Conseillers, ministre de la Santé et de l’Intérieur de l’époque avaient débarqué sur place à bord d’hélicoptères pour constater les dégâts du froid dans ces villages, en leur promettant monts et merveilles.

Depuis leur visite, les choses ont-elles changé au village ? «On a construit des foyers pour les enfants et des crèches, mais ce n’est pas de cela dont ont besoin les villageois, ils ont besoin de maisons solides. Leurs maisons sont construites en terre séchée et peuvent s’effondrer sous le poids de la neige, cela arrive souvent», déplore-t-il. De plus, les villageois ont cruellement besoin de bois pour se chauffer. Mais difficile d’en trouver car les régions souffrent de déforestation, et pour protéger ces forêts de cèdre, il est interdit aux populations d’aller chercher du bois. S’ils sont surpris par le garde forestier, il risque de payer une forte amende. Aziz Akkaoui évoque également la malnutrition qui frappe encore les habitants ou le cas de femmes enceintes qui continuent de mourir, faute de soins. Il décrit le drame de femmes qui étaient sur le point d’accoucher mais qui malheureusement décédent sur le dos de leur mulet sur le chemin du dispensaire le plus proche .

SOS

D’autres villages environnants souffrent eux aussi en silence du froid glacial. Alors que les autorités oublient ces villages, des citoyens marocains décident de prendre les choses en main. C’est le cas des membres du collectif humanitaire SOS Couverture, créé début janvier 2012. Grâce à des dons, les bénévoles ont récolté des couvertures, des médicaments et des vêtements chauds et ont organisé une caravane avec des médecins et des pharmaciens en direction du village reculé de Tounfit, dans la région Midelt. Mais une fois arrivés sur place, c’est le choc pour les bénévoles. «Les conditions de vie des villageois sont lamentables. Les enfants marchent pieds nus dans la neige, les villageois nous ont expliqué que chaque hiver, les produits de première nécessité comme la farine, le sucre ou le gaz montent en flèche. Les prix sont multipliés par 3, voire 4. Les villageois doivent s’approvisionner durant l’été pour contourner cette flambée des prix. Quand une femme doit accoucher, il faut la porter dans un drap et marcher durant 4 heures pour atteindre le centre médical le plus proche», raconte Khouloud Kebali, bénévole ayant lancé cette initiative sur Facebook.

«J’ai été choqué et affecté par ce que j’ai vu. Ces gens vivent dans des conditions à la lisière de l’humanité. Il n’y a pas de médecin. Pas d’école. L’enseignant vient au gré de son temps. Les petites filles sont habillées avec des vêtements d’été. Les gens ne mangent dans la journée qu’un petit bout de pain et du thé et malgré cela ils gardent le sourire. Pour voir ce qu’est véritablement l’hospitalité marocaine, il ne faut pas aller dans les spas 5 étoiles de Marrakech mais plutôt se rendre dans ces régions et vous rencontrerez des Marocains qui vous donnent tout alors qu’ils n’ont rien. J’ai vécu une riche expérience que je souhaite à beaucoup de Marocains, car quand on voit ce que j’ai vu, on devient tout petit», explique de son côté Samir Osman, Docteur en pharmacie ayant participé à cette expédition humanitaire.

Blocage

Quelques semaines plus tard, SOS couverture décide d’organiser un second convoi humanitaire de 34 tonnes de vivres, avec la collaboration de plusieurs autres associations. Néanmoins, il a été bloqué par les autorités sur place, créant la colère des bénévoles qui avaient pourtant prévenu les autorités de leur arrivée. «Nous avons refoulé ce convoi pour des raisons d’organisation et de sécurité. En agissant de cette manière, nous voulions éviter des protestations des habitants des douars limitrophes aux douars bénéficiaires. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé  de reporter cette opération dans une semaine ou 15 jours au plus tard», explique le chef de cabinet d’Ali Khalil, gouverneur de Midelt à Aujourd’hui Maroc. Un argument de sécurité également partagé par Samir Osman qui insiste sur le fait que ce genre de blocage n’est pas seulement propre au Maroc mais qu’il se produit également dans d’autres pays. «C’est normal, les actions humanitaires doivent se faire dans la discrétion totale et en étroite collaboration avec les autorités, cela demande une organisation quasi militaire, sinon ça ne peut pas marcher», conclut-t-il.

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