Des expulsions à chaud, avec la bénédiction de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Hier, la CEDH a prononcé un arrêt considérant que l’Espagne n’a pas violé la Convention européenne des droits de l’Homme en renvoyant au Maroc des migrants qui tentaient de franchir les clôtures de Melilla.
Le tribunal a estimé que «les requérants se sont mis eux-mêmes dans une situation d’illégalité lorsqu’ils ont délibérément tenté, le 13 août 2014, d’entrer en Espagne en franchissant le dispositif de protection de la frontière de Melilla, à des endroits non autorisés et au sein d’un groupe nombreux, en profitant de l’effet de masse et en recourant à la force», explique la Cour.
Une décision qui choque les associations, notamment au Maroc. «Nous sommes totalement contre une telle décision, car nous considérons que la migration et la liberté de circulation est un droit humain», nous déclare ce vendredi Fouad Akhrif, Coordinateur de l’association Pateras de la vida.
Une décision «au service des Etats et des politiques migratoires européennes»
Pour lui, «l’Espagne ou n’importe quel Etat qui reçoit un migrant doit veiller à préserver sa dignité et respecter ses droits». Fouad Akhrif dit aussi dénoncer «le rôle du Maroc en tant que gendarme des frontières». «Le royaume fait le sale boulot de l’Union européenne en matière de migration», ajoute-t-il.
Et d’estimer que «cette décision n’aura aucun impact sur la migration». «Personnellement je connais des gens qui ont effectué plus de 7 tentatives de migration», se justifie le coordinateur de l’association Pateras de la vida.
De son côté, Omar Naji, président de la section Nador de l’Association marocaine de droits humains (AMDH), dit ne pas être «surpris». «Avec cette décision, la Cour européenne des droits humains a montré qu’elle est plus au service des Etats et des politiques migratoires européennes qu’au service des droits des citoyens», fustige-t-il.
«Pour nous et en se basant sur le droit universel, ces refoulements à chaud continueront d’être illégaux. Un migrant ou un demandeur d’asile a le droit de présenter sa demande et l’administration qui la reçoit ne doit pas le refouler avant le traitement de sa demande. Cela est très clair», insiste-t-il.
«Les autorités espagnoles n’ont jamais cessé leurs expulsions à chaud et cette décision va les encourager à aller plus loin. Elles expulsaient déjà à chaud des migrants depuis d'autres ports secondaires.»
Les expulsions à chaud, une atteinte aux droits fondamentaux
Pour sa part, Camille Denis, coordinatrice au Groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et des migrants (GADEM), déclare être «d’accord avec la plupart des associations». «Les refoulements à chaud sont une procédure qui viole les droits internationaux sur les questions d’asile, car ils empêchent les personnes de pouvoir accéder au territoire espagnol et toute demande dans ce sens», ajoute-t-elle, dénonçant l’absence d’examen individuel en cas d’expulsions collectives.
Rappelant que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille condamne les expulsions collectives et met en avant les bases individuelles de chaque examen, elle affirme qu’«on ne peut pas renvoyer des gens sans examen».
De son côté, Ali El Baz, membre du Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), évoque une «calamité». «C’est la première fois qu’on accorde un blanc-seing», ajoute-t-il, considérant que les arguments de la Cour ne «tiennent pas la route». «Il y a des questions de principe, comme le non refoulement, particulièrement pour les personnes qui demandent l’asile», déclare-t-il.
Alors que le GISTI est en train d’examiner le jugement de la CEDH et fera un communiqué pour dénoncer ce verdict, Ali El Baz fait part de sa «déception» quant à cette décision.