«Mon projet est gratuit, mais pas sans intérêt». C’est ainsi que Mouhcine Camel nous décrit son initiative lancée à Essaouira il y a trois ans. Natif de Safi, c’est finalement dans l’ancienne cité de Mogador qu’il a réalisé ce qui n’a été au début qu’un rêve : donner des cours d’anglais gratuitement et les rendre accessibles pour tout le monde.
En effet, Mouhcine Camel a rêvé de cette idée depuis l’enfance. D’ailleurs, il nous raconte que dans le temps, il était souvent entouré des enfants de son quartier pour «faire le prof». Au fur et à mesure, le concept a mûri avec lui et des années plus tard, il devient un professeur, en donnant de vrais cours et en prenant du plaisir à le faire à ciel ouvert.
Une vocation qui rejoint la passion
Cependant, enseigner spécifiquement l’anglais n’a pas été un projet tracé dès le départ, d’autant plus que Mouhcine est titulaire d’une licence en chimie.
«En 2010, je suis venu à Essaouira dans le cadre d’un travail collectif. J’ai rencontré des acteurs associatifs anglophones. Tout le monde communiquait avec eux en anglais, sauf moi. J’en ai été frustré et j’ai décidé de travailler dessus.»
Le jeune homme de 29 ans commence alors à suivre assidument des cours d’anglais en ligne. Il s’est aidé à progresser rapidement en apprenant des chansons en anglais et en étudiants leurs textes, notamment pour les traduire. Son contact avec les étrangers lui a permis de maîtriser encore plus rapidement et efficacement la langue de Shakespeare.
L’été 2017, le jeune lance l’initiative «English street class». Au lieu de prendre part à la colonie de vacances, Il propose à des visiteurs étrangers d’Essaouira de donner des cours gratuitement. Une idée qui a été accueillie «très positivement» et l’action a démarré alors en partenariat avec l’Association harounienne pour le développement et la solidarité, située dans le quartier Ahmed Haroun au cœur du mellah d’Essaouira, où se déroulent les cours jusqu’à aujourd’hui.
De plus, l’idée a bénéficié d’un grand enthousiasme des parents d’enfants, qui ont été nombreux à bénéficier de ces séances. Faute de matériel pour les accueillir tous, chacun d’eux apporte une chaise de chez lui. Tout le monde a par ailleurs contribué à l’achat d’un tableau à craie et les cours ont commencé. «Nous avons enseigné plusieurs langues, que les volontaires espagnols parlaient couramment, tandis que j’ai donné des cours d’anglais pendant deux mois d’affilée», se souvient-il. Finalement, il mènera le projet tout seul.
La priorité de maintenir un projet non-lucratif
Le mois d’octobre de l’année 2017 a marqué une «nouvelle naissance» de ce projet, qui a pris une plus grande proportion. Il n’est plus ouvert aux enfants du quartier seulement, mais reçoit des bénéficiaires désireux de prendre des cours, d’où qu’ils viennent. «Parfois, certains apprenants restaient debout en raison des capacités limitées et du manque de chaises», mais après un court laps de temps, grâce à l’écho positif de l’initiative, Mouhcine a pu acheter un nouveau tableau et un bon nombre de chaises, avec l’aide de donneurs.
Grâce à son travail collectif avec plusieurs associations, dont l’Organisation américaine de la paix américaine qui est également active au Maroc, Mouhcine a introduit de nouvelles méthodes de communication auprès de ses élèves. «J’essaie de me rapprocher des jeunes, de me lier d’amitié avec eux, afin de mieux leur faire aimer la langue et occuper leur temps libre par quelque chose d’utile», nous explique-t-il en décrivant l’objectif principal de l’initiative.
C’est dans cette optique que le programme d’enseignement proposé lors de ce cursus atypique inclut non seulement des cours de langue et de grammaire pour une meilleure maîtrise de l’anglais, mais aussi des séances de communication, des jeux ludiques, qui créent notamment l’interaction avec les étrangers visitant Essaouira.
«Je fais la connaissance des bénévoles, que ce soit dans la rue ou dans les cafés, et parfois ils trouvent notre page Facebook par hasard et demandent à participer à l’initiative pendant leur séjour. J’apprécie beaucoup, car cela m’aide à développer et à étendre mon projet, qui reçoit actuellement 200 bénéficiaires de manière hebdomadaire, de tous les âge.»
La rue comme espace éducatif non-conventionnel
Le choix de Mouhcine de faire de la rue une école n’est pas hasardeux. «Dans la rue, les gens sont plus spontanés qu’à la maison ou à l’école conventionnelle. Mon objectif, bien sûr, est d’enseigner la langue, mais aussi de créer un espace qui fait d’une personne ce qu’elle est véritablement au fond d’elle», explique-t-il.
Les cours sont donnés chaque soir sauf le samedi. Les classes du dimanche matin, elles, sont consacrées aux enfants.
Enseignant au primaire dans un groupe scolaire rural à Tahlouant dans la région d’Essaouira, Mouhcine est parfois pris. Afin d’assurer la continuité se son initiative, il coordonne avec d’autres bénévoles. De leur côté, les volontaires étrangers reçoivent en retour des cours en dialecte marocain, d’avril à la fin de l’été.
Pour l’instant, le jeune homme fait de la durabilité et de l’originalité de ce projet une priorité et ne compte pas le convertir en cours conventionnels. «Je n’y ai jamais pensé car mon objectif n’est pas le profit matériel. L’initiative a commencé dans la rue gratuitement et restera gratuite, dans l’espace de la rue», promet-il avec détermination.