Ses ancêtres avaient marqué l’histoire du Maroc. En effet, plusieurs membres de la grande famille Ben Attar, de confession juive, étaient devenus des érudits, des rabbins ou même des ambassadeurs, à l’instar Moshé Ben Attar, dépêché par Moulay Ismail en Angleterre au VIIIe siècle. Mais si ce cousin était d’origine de Salé, Rabbi Yéhouda Ben Attar était lui issu de la branche fassie.
C’est en 1655 qu’il voit le jour au sein d’une communauté juive en pleine prospérité. Il est alors enseigné par rabbin Vidal Sarfatti et le rabbin Menahem Seriro. Etudiant dévoué des sciences et de la Torah, sa vie est toutefois marquée par le décès de son père. Il travaille ainsi, à 23 ans, comme orfèvre. «Il avait des clients juifs et musulmans et comme il était un artisan habile et honnête, il est devenu très célèbre», raconte la plateforme Esefarad.
«On dit qu'à ce jour, certains résidents musulmans de Fès affirment avoir fait anneaux faits par le rabbin Benattar, et ils le considèrent comme inestimable et l'utiliser comme un talisman», poursuit-on.
L’orfèvre devenu Av Beit Din de Fès
Son travail ne l'a toutefois pas empêché de continuer ses études, devant par la suite un enseignant dans une yéchiva de la ville de Fès. En 1698, il est alors choisi par tous les rabbins locaux comme Av Beit Din, soit le chef du tribunal rabbinique de la communauté, la plus haute fonction. «Orfèvre célèbre, il décide aussi de ne pas recevoir de compensation pour son travail communautaire», raconte-t-on de même source.
Durant sa carrière rabbinique d’une quarantaine d’années, Rabbi Yéhouda Ben Attar avait pu établir plusieurs «taqanot», soit les décrets ou règlements que les rabbins établissent pour corriger certaines habitudes nuisibles à la communauté. Il avait ainsi décrété un texte appelant à «limiter l'excès dans la célébration des événements du cycle de vie». «A la surprise de beaucoup, ce décret avait été bien reçu et finalement adopté par la communauté dans son ensemble», explique-t-on.
Son travail remarquable lui vaudra même un livre écrit par Rabbi Chaim Yosef David Azulay, intitulé «Shem haG'dolim», précise de son côté la plateforme Dailyzohar.
«Mes oreilles ont entendu parler de plusieurs merveilles qui lui sont venues, de son vivant et après sa mort. J'ai entendu de nos rabbins, les sacrés de l'Occident, qu'il était un homme sacré de Dieu», écrit ce rabbin à propos de Yéhouda Ben Attar. Il y décrit un homme «juste» et «humble» qui n’hésitait pas de répondre favorablement des sollicitations des membres de sa communauté, même les plus insolites. Des membres du tribunal l’ayant découvert, à plusieurs reprises, en train de garder des marchandises ou d’aider, au grand dam de son grade au sein de la communauté.
La tombe de Rabbi Yéhouda Ben Attar au cimetière juif à Fès. / DR
Un dompteur de lions
Comme d’autres saints juifs, plusieurs légendes sont racontées avec l’histoire de vie de Rabbi Yéhouda Ben Attar. L’une d’elles est racontée notamment par le site de la Fondation Hevrat Pinto : Un jour, il aurait été mis en prison, le temps que la communauté juive paie de quoi le faire libérer. Malheureusement, la somme fixée par le gouverneur de la ville était trop élevée et très au-dessus des moyens financiers de la communauté juive.
Dans une tentative visant probablement à faire pression sur les juifs de Fès, le gouverneur décide alors de jeter le Rabbi dans la fosse aux lions affamés. La légende raconte comment le tasdik juif n’aurait pas été touché par les lions affamés, même après avoir passé un jour et une nuit dans cette fosse. «Quelle ne fut la stupeur des gardes lorsqu’ils virent Rabbi Yéhouda Ben Attar s’asseoir tranquillement au sol et poursuivre son étude avec les lions respectueusement accroupis autour de lui», raconte-t-on, expliquant qu’il aurait été libéré immédiatement après cela.
Le rabbin Benattar est décédé à Fès en 1733 à l'âge de 77 ans. Et bien qu’il ne soit inhumé au cimetière juif de la capitale spirituelle du royaume, sa tombe était facilement identifiable par rapport aux autres, car affichant un lion, qui rappelle la légende autour de ce tasdik juif. Sa Hiloula est célébrée en juin alors qu'elle est précédée par une cérémonie tenue à la synagogue Talmud Torah de la ville de Fès.