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Grand Angle

Pèlerinage juif au Maroc #14 : Shlomo Bel Hench ou le «Moul Asguine» de l’Ourika

Dans cette série, Yabiladi revient sur les grands lieux de pèlerinage juif au Maroc, visités annuellement par des milliers de fidèles et de curieux. Ce quatorzième épisode est consacré à l’histoire de Shlomo Bel Hench. Reposant près de la vallée de l’Ourika, il est vénéré par juifs et musulmans qui le surnomment «Moul Asguine».

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La tombe de Rabbi Shlomo Bel Hench à l'Ourika. / Ph. DR
La tombe de Rabbi Shlomo Bel Hench à l'Ourika. / Ph. DR

C’est à l’Ourika, non loin de l’intersection de la route entre celle de Marrakech et celles en direction de l’Ourika et de Setti-Fatma, où son corps repose. Shlomo (Salomon) Bel Hench est l’un de ces saints juifs autour duquel seuls les légendes et les mystères ont réussi à défier le temps.

Il serait un émissaire de la terre d’Israël, venu au Maroc principalement pour collecter des fonds, avant de choisir de s’y installer jusqu’à son décès. Il aurait vécu, selon les histoires relayées par les Amazighs de la région, vers le XVe siècle. A l’époque, la région d’Ourika comptait beaucoup de fidèles juifs.

Rien que dans les années 1590, 300 familles juives y vivaient et disposaient de «deux synagogues, des écoles, des rabbins pour effectuer des circoncisions». Elles y célébraient «des bar-mitsvah et des mariages», dans l'abondance de «la nourriture casher et de la matza pour Pessa'h», raconte-t-on.

Vénéré par les juifs et les musulmans

«Le rabbin Shlomo (Salomon) auquel on donna le sobriquet "Ben Lhans" («Fils du Serpent») demeure l’un des saints juifs les plus vénérés au Maroc, y compris par les musulmans qui l’appellent ‘Moul Asguine’», raconte Soly Anidjar, une Marocaine de confession juive née à Casablanca et installée à l’étranger.

«Ce qui rend sa tombe encore plus remarquable, c’est un homme qui y réside depuis plus de 30 ans : Hananiyah Alfassi, le dernier Juif berbère dans la vallée de l’Ourika, qui garde le tombeau du rabbin et accueille les visiteurs et les pèlerins venus des quatre coins du monde», poursuit-elle.

Hananiyah Alfassi est toutefois décédé il y a six ans. Une triste nouvelle que nous annonce ce mardi Fadma, qui s’occupe désormais, avec sa famille, du sanctuaire de Rabbi Shlomo Bel Hench.

Le sanctuaire de Rabbi Shlomo Bel Hench à l'Ourika. / Ph. Yassar - Forum DafinaLe sanctuaire de Rabbi Shlomo Bel Hench à l'Ourika. / Ph. Yassar - Forum Dafina

Hormis l’originalité du lieu, plusieurs légendes ont été tissées autour de la figure de Rabbi Shlomo Bel Hench. Deux d’entre elles ont été rapportées par les juifs de la région et ses Amazighs, d'une génération à l'autre. D’ailleurs, l’une de ces histoires est partagée sur le blog Dafina de la diaspora juive marocaine résidant à l’étranger.

«Un jour Rabbi Shlomo est descendu à dos de mule de l’Ourika à Marrakech (42 km) pour arbitrer un conflit» dans le Mellah de la ville ocre, raconte un internaute. Sa mission accomplie avec succès, «il enfourcha sa mule et retourna chez lui». Mais alors que le crépuscule s'annonçait, «le Rabbi adressa une prière et un geste au soleil, qui arrêta sa course», poursuit-on.

«Le temps s’arrêta. Et ce n’est qu’une fois arrivé à Asguin, le douar où il est mort, qu’il dit au soleil de poursuivre sa course sans oublier de le remercier et rendre grâce à Dieu. Cette légende, tous les Amazighs des environs la connaissent par cœur.»

L’une des légendes de Rabbi Shlomo Bel Hench

La tombe de Rabbi Shlomo Ben Hench. / Ph. DRLa tombe de Rabbi Shlomo Ben Hench. / Ph. DR

Des légendes autour des serpents

L’autre légende est liée au nom du Rabbin, Bel Hench, qui fait référence au serpent. Là aussi, deux versions existent. Selon la première, le Rabbi a été surnommé Bel Hench car «un serpent a entouré la tête du Rabbi et lui-même a redressé sa tête avant de mourir», raconte-t-on. Ceux qui rapportent la seconde racontent que le Tasdik se serait «transformé en serpent pour se protéger contre les voleurs venus à dos de chevaux pour voler».

Cette légende trouve le même l’écho dans les récits et les témoignages racontés par des juifs ayant effectué un pèlerinage sur la tombe de Rabbi Shlomo Bel Hench. «Dans le sanctuaire du saint, nous dormions des fois dans les petites chambrettes du rez-de-chaussée, ou des fois dans la petite salle adjacente à la synagogue au premier étage», raconte l’un d’eux.

Des juifs près de la tombe de Rabbi Shlomo Ben Hench à l'Ourika. / Ph. DRDes juifs près de la tombe de Rabbi Shlomo Ben Hench à l'Ourika. / Ph. DR

Ce juif situe l’événement dont il va parler au début des années 1950, pendant la nuit et près de la tombe du Rabbi Shlomo. «Un grand serpent tomba du plafond au-dessus du mur, en face de la tombe du saint et directement près des jambes de mon frère. Mon père était très apeuré, mais les gens du saint qui étaient dans la salle lui dirent de ne pas bouger et que le serpent s'en irait, et c'est ce qui se passa, sans aucun incident», raconte-t-il, décrivant une atmosphère «sereine et paisible», «un calme spirituel» jusqu’au point de «sentir la Chaleur du Tsadik».

Aujourd’hui, le sanctuaire de Rabbi Shlomo Bel Hench est visité annuellement. «Nous avons des visiteurs d’Israël, de France et du Maroc en plus de nos visiteurs marocains [de confession musulmane, ndlr]. Tout le monde est le bienvenu», nous déclare Fadma, qui s’occupe du lieu. Elle affirme aussi qu’il n’y a pas de date de Hiloula pour ce saint, mais que les visites des pèlerins juifs s’effectuent tout au long de l’année.

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